Si le problème de l’accès aux soins est bien documenté pour les personnes en situation de handicap vivant à domicile, il l’est beaucoup moins pour celles qui sont accueillies en institution. Un vide que vient de combler une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), établie à partir des données des enquêtes Handicap-Santé Ménages (HSM, 2008) et Institutions (HSI, 2009) réalisées par la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), et qui a permis de comparer le recours aux soins des personnes en situation de handicap résidant à domicile ou en institution pour trois types de soins courants (dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques) et quatre actes de prévention et de dépistage (dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus, colorectal et vaccination contre l’hépatite B)(1). La définition du handicap retenue comprend les personnes qui ont déclaré des restrictions d’activité pour la réalisation de soins personnels ou la vie domestique. « Sélectionnées sur la base de ce même critère, les populations en ménage et en institution se différencient toutefois sur de nombreux paramètres (structure par âge et par sexe, niveau social…) », pointe l’étude.
En premier lieu, « des disparités de recours apparaissent en fonction des soins analysés »: si l’écart n’est « pas significativement différent » entre les deux populations pour les soins ophtalmologiques, gynécologiques ainsi que pour le dépistage du cancer colorectal, il est en revanche accru pour les soins dentaires (+ 9 points pour les personnes en institution) et la vaccination contre l’hépatite B (+ 13 points). Il est au contraire réduit pour le dépistage des cancers du col de l’utérus (– 19 points) et du sein (– 16 points). Ces différentiels concernant le dépistage des cancers féminins « peuvent être la conséquence du degré de handicap plus important des femmes résidant en institution, la réalisation de ces actes étant particulièrement difficile chez [celles] présentant des troubles importants, qu’ils soient physiques ou mentaux », analyse l’IRDES.
Ces premiers enseignements ont, dans un second temps, été précisés en comparant « le recours de chaque personne handicapée en institution à celui d’une personne handicapée » vivant à domicile, selon la méthode « d’appariement », qui vise à sélectionner dans chacune des deux populations les individus les plus semblables. Les résultats ainsi obtenus « mettent en évidence, pour tous les soins considérés, une probabilité de recours augmentée pour les personnes hébergées en institution par rapport aux personnes en ménage présentant les mêmes caractéristiques, à l’exception du dépistage du cancer du sein dont le résultat n’est pas significatif ». Ce différentiel, faible pour le dépistage du cancer du côlon et les soins ophtalmologiques, est plus élevé pour les frottis et pour les soins gynécologiques, et il « atteint un niveau encore plus accentué pour la vaccination contre l’hépatite B (+ 17 points) et pour les soins dentaires (+ 18 points) ».
L’IRDES avance plusieurs « hypothèses organisationnelles » susceptibles d’expliquer une probabilité de recours aux soins et à la prévention supérieure pour les personnes handicapées résidant en institution : tout d’abord un accès facilité à l’information sur les professionnels et structures de soins externes, mais aussi des locaux « pouvant potentiellement accueillir des professionnels de ville », ou encore une logistique permettant le transport des personnes handicapées vers les cabinets des professionnels de ville. « Enfin, la prise en charge peut être facilitée par la présence d’un professionnel de l’institution jouant le rôle d’intermédiaire entre le médecin et le patient handicapé. »
Il est donc « vraisemblable qu’un meilleur accès aux soins des personnes handicapées en ménage passe par une meilleure information sur les professionnels de santé et les structures à même de les accueillir », pointe l’IRDES. « Cette information peut être relayée par les acteurs de santé du territoire (institutions, maisons départementales des personnes handicapées, réseaux de santé…) susceptibles de faire naître des actions communes sur la thématique de l’accès aux soins des personnes handicapées, qu’elles résident en institution ou non. » En conclusion, l’étude souligne que cette amélioration de la diffusion de l’information devra nécessairement être accompagnée d’une réflexion sur la façon dont les établissements peuvent répondre à cette demande d’accès aux soins des personnes à domicile.
(1) « L’hébergement en institution favorise l’accès aux soins des personnes de moins de 60 ans en situation de handicap en France » – Questions d’économie de la santé n° 207 – Mars 2015 – A télécharger sur