C’est un article paru dans Le Parisien qui a mis le feu aux poudres, le 31 mai, en rapportant que la Croix-Rouge était visée par un rapport de l’inspection du travail faisant état de 3 800 infractions à la durée légale du temps de travail, relevées en 2014, pour les 480 salariés du siège. L’organisation devrait débourser quelque 11 millions d’euros pour régulariser sa situation, selon le quotidien. Ce dernier explique que l’inspection du travail aurait effectué « une descente » au siège parisien de l’organisation caritative « pour vérifier la réalité du temps de travail de ses salariés (18 000 salariés et 56 000 bénévoles) dans toute la France » et détaillé, dans un rapport de 206 pages, les infractions ainsi constatées, parmi lesquelles « environ 3 300 concernent des journées de travail supérieures à 10 heures », tandis que d’autres visent des dépassements de la durée hebdomadaire maximale (48 heures selon la loi), ou encore une « privation du repos quotidien minimal », soit 11 heures entre deux périodes travaillées.
L’association devrait en outre être confrontée, « dans les prochains jours », au départ « probable » de son directeur général, Stéphane Mantion, avance encore le quotidien, avant de donner la parole à un représentant du personnel. « Cela fait 16 mois que nous alertons la direction sur les dérives en matière d’heures supplémentaires », explique ainsi Eric Laurent, délégué CFE-CGC, syndicat majoritaire. « En vain. On a donc alerté l’inspection du travail. On n’a pas affaire à un problème de sous-effectif, on est en face d’une inorganisation totale du travail », accuse-t-il, en affirmant que « les gens sont épuisés ».
En réaction à la publication de cet article incendiaire, la Croix-Rouge a tenu à apporter « un certain nombre de rectifications et de précisions », en diffusant, quelques heures plus tard, un communiqué dans lequel elle indique être « malheureusement confrontée depuis de nombreuses années » à la question des heures supplémentaires, en raison de « l’identité même de la Croix-Rouge et de sa mission : sauver des vies ». Elle insiste sur le fait que, « en matière d’urgence et de secourisme [et] de réponse aux catastrophes en France comme à l’international, [ses] missions demandent une grande mobilisation et disponibilité de [ses] salariés et bénévoles, quelles que soient l’heure du jour ou de la nuit, le jour de la semaine ». Et ce, y compris « au niveau du siège », où « ce sont les directions métiers « d’urgence » qui sont en grande majorité concernées par les dépassements d’horaires ».
Soulignant que « le sujet n’est pas simple », la Croix-Rouge affirme qu’il n’y a cependant aucune « volonté » de sa part « de porter préjudice à ses salariés, qui accomplissent un travail considérable au quotidien ». Se défendant aussi « de confondre activité salariée et bénévolat », l’organisation assure au contraire qu’elle cherche « des solutions qui [lui] permettront à la fois de continuer d’assurer les missions pour lesquelles la population a besoin [d’elle], tout en protégeant [ses] salariés » et annonce avoir pris rendez-vous, à cet effet, avec le ministère du Travail. Quant aux difficultés financières également évoquées dans l’article du quotidien, « elles sont liées à une baisse des financements qui intervient dans un contexte où l’activité de la Croix-Rouge française est au contraire en hausse », conclut l’association, en indiquant qu’un « plan d’optimisation est en cours » pour faire face à cette situation tendue.
Une réponse dont les termes ont suscité une vive réaction de la part des organisations syndicales de la Croix-Rouge, qui apportent leur soutien aux 480 salariés du siège et s’étonnent, dans un communiqué publié le 1er juin, de la démarche de leur employeur visant à obtenir du gouvernement « une dérogation à l’application du droit du travail ». Et l’intersyndicale d’estimer que « ce ne sont pas les salariés qui coûtent cher à la Croix-Rouge », mais « bel et bien la désorganisation du travail, les choix coûteux effectués, le manque de continuité » dans les projets. Le plan dit « optimisation de l’organisation » est, selon elle, « incompréhensible, ne met pas en lumière les économies ciblées et prépare une “usine à gaz” comportant des risques majeurs envers les salariés ».
Le ministre du Travail et de l’Emploi, François Rebsamen, a pour sa part indiqué, le 2 juin, qu’il allait recevoir les représentants de l’association « pour voir quelle est la situation exacte » : « Même une entreprise comme la Croix-Rouge, qui est devenue une vraie entreprise et qui gère beaucoup de personnels, doit respecter le code du travail et ne doit pas mettre ses propres salariés en insécurité, dans des situations pathogènes », a déclaré le ministre sur RTL, sans se prononcer sur la question du paiement des amendes dues par l’ONG, qui a indiqué ne pas pouvoir s’en acquitter.