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Assembleur, ensemblier, chef de file, bla-bla-bla »

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« Assembleur, assembleur ! Est-ce que j’ai une gueule d’assembleur ? » La célèbre réplique d’Arletty vient à l’esprit lorsqu’on s’intéresse à la place de ce terme dans le lexique des mots du social actuellement en vogue. Qu’il s’agisse de l’Etat, du département, des intercommunalité, des caisses d’allocations familiales (pour ne citer que ces acteurs), tout le monde se veut, depuis quelques années, « assembleur » des politiques sociales, la vocation d’assemblage (sans que l’on sache bien de quoi il retourne) devenant même disputée. Collectivités territoriales, caisses de sécurité sociale, mais aussi institutions de prévoyance aiment s’attribuer cette fonction que rien ne définit précisément mais dont on sent qu’elle est connotée positivement. Au regard de la dispersion des interventions et de la complication labyrinthique du droit, être assembleur signifierait, en quel que sorte, être le recours, le responsable, le coordinateur.

Etre assembleur est, semble-t-il, si important que d’autres mots sont parfois employés, dans les rapports d’activité et dans les propos de tribune, comme synonymes ou adjuvants. On trouve ainsi souvent le terme « ensemblier ». Là aussi, dans cette expression qui sonne bien, se trouve l’idée de coordination. Mais comme tout le monde, ou presque, se revendique ensemblier ou assembleur, la cohérence d’ensemble échappe. Nous sommes probablement là au cœur des difficultés contemporaines d’organisation et d’évaluation des politiques sociales. Si tout le monde peut se dire ensemblier ou assembleur, c’est-à-dire coordonnateur, c’est que personne ne l’est vraiment.

S’il y a tant de confusion mais aussi tant d’espoirs dans ces notions d’assembleur ou d’ensemblier, c’est peut-être parce que celle de « chef de file » (définissant la personne à la tête d’un groupe ou d’un mouvement) a un peu de plomb dans l’aile. Apparue, dans le secteur social, à l’occasion de l’acte II de la décentralisation, confiant encore davantage de responsabilités (sans forcément tous les moyens) aux départements, l’expression condensait une sorte de désir : faire du conseil général le pivot des politiques d’aide et d’action sociales. Pourquoi pas ? Mais cela n’a pas vraiment eu lieu.

Une requête, au sein du code de l’action sociale et des familles, sur « ensemblier », « assembleur », « chef de file » ne donne rien. Ces trois désignations d’un rôle important en matière sociale n’ont pour contenu que ce que veulent bien leur donner ceux qui les prononcent. Généralement de façon assez martiale, d’ailleurs.

On perçoit que s’autodésigner ou être reconnu dans ces expressions signifie pour la collectivité publique ainsi qualifiée ne plus être prestataire des autres mais, au contraire, commanditaire. Les différents échelons territoriaux apparaîtraient, dans cette logique, emboîtés de façon logique. Mais ce n’est aujourd’hui absolument pas le cas. Et les différents niveaux d’ensemblier, d’assembleur et de chef de file s’invectivent avec plusieurs lignes d’arguments : distance au terrain, incapacité à fonctionner en réseau, coûts d’organisation trop élevés. L’idée, dans ces polémiques, est bien entendu de se comparer et de montrer combien l’assembleur proclamé est la référence en termes de proximité, de coopération et d’efficience.

En matière sociale comme en celle de management, le terme de « pilote », sans contenu juridique évident lui non plus, s’est totalement implanté. Pourtant plus courant en matière de formule 1 et d’aviation que de politiques sociales, il ne révèle pas clairement une responsabilité. Il semble plutôt indiquer une élection : tel ou tel opérateur a été choisi comme pilote, c’est-à-dire comme collectivité de référence, sans être d’ailleurs forcément responsable.

Au total, cette inflation de mots, utile pour la compétition rhétorique et politique, a une conséquence : noyer le poisson. La question posée par le terme « pilote » consiste à savoir s’il y a vraiment un pilote dans l’avion du social. La question posée par le terme « chef de file » consiste à savoir qui est le chef. Un question extrêmement difficile à trancher dans la cour de récréation et, à plus forte raison encore, dans les législations. Mais c’est bien une question essentielle à laquelle il serait judicieux de répondre clairement…

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