Recevoir la newsletter

La mesure judiciaire d’investigation éducative

Article réservé aux abonnés

Mise en place il y a un peu plus de 4 ans, la mesure judiciaire d’investigation éducative, qui s’est substituée aux enquêtes sociales et aux mesures d’investigation et d’orientation éducative, vient de faire l’objet de simplifications au travers d’une note du 23 mars dernier, en réponse aux critiques dont elle a fait l’objet. Tour d’horizon de ce dispositif « nouvelle formule ».

Créée par une circulaire du 31 décembre 2010 et un arrêté du 2 février 2011, la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) a été récemment réformée par une note de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du 23 mars dernier. Lors de sa mise en place, elle a constitué un nouvel outil d’information mis à la disposition des magistrats et susceptible d’être ordonné dans le cadre des procédures concernant des mineurs, qu’il s’agisse de procédures civiles (assistance éducative) ou pénales (enfance délinquante). Plus précisément, cette mesure visait à fournir au juge des éléments de compréhension, d’observation, d’analyse partagée sur une situation donnée et à lui apporter des propositions au soutien de sa décision. Elle s’est ainsi substituée aux enquêtes sociales et aux mesures d’investigation et d’orientation éducative réalisées par les services du secteur public et du secteur associatif habilité de la PJJ.

Après quelques années de mise en œuvre, une évaluation nationale et plusieurs bilans – dont le rapport de l’ancien magistrat et ex-sénateur (PS) de la Haute-Saône, Jean-Pierre Michel(1) – ont permis de faire le point sur le dispositif en 2013 et 2014. Le constat était pour tous le même : le caractère modulable de la mesure, tant dans son contenu que dans sa durée, n’était pas pertinent. A l’époque, la mesure judiciaire d’investigation éducative reposait en effet sur des modules incontournables et sur des modules d’approfondissement portant, par exemple, sur l’étude du système familial, la détection des situations de maltraitance physique ou psychologique, les références identitaires et culturelles du mineur et de sa famille… Or les travaux menés ont montré que ces seconds types de modules étaient peu utilisés, à l’exception de celui qui est relatif au système familial qui, même lorsqu’il était prescrit, est rarement apparu « comme une valeur ajoutée à l’analyse de l’environnement familial du mineur », explique la directrice de la PJJ, Catherine Sultan, dans un document accompagnant la note du 23 mars 2015. En outre, ces modules d’approfondissement étaient souvent menés en interne par les professionnels, peu de partenariats externes ayant été conclus. Par ailleurs, la possibilité de moduler dans le temps la durée de réalisation de la mesure est apparue peu nécessaire car la grande majorité des MJIE était conduite en 5 mois et plus, comme le prévoyaient les textes, explique encore la directrice de la PJJ.

Au regard de ces constats, mais aussi des nouvelles orientations de la protection judiciaire de la jeunesse(2), la MJIE est donc revisitée et simplifiée par une note du 23 mars 2015, qui abroge la circulaire du 31 décembre 2010. Première modification : les modules d’approfondissement décidés par les magistrats disparaissent. Il reste toutefois possible au service de la PJJ de décider d’approfondir une dimension particulière lorsque la situation du jeune le justifie.

Autre changement : la MJIE n’est plus modulable dans le temps et doit, sauf exceptions, être réalisée dans les 6 mois au maximum à compter de la date de la décision ordonnant la mesure. Enfin, en lieu et place d’un rapport de synthèse, les professionnels doivent désormais remettre au magistrat un compte-rendu écrit conclusif.

Si elle répond dans une certaine mesure aux critiques émises, cette réforme laisse néanmoins en suspens la question de la tarification, « dont les limites ont été soulignées à plusieurs reprises », admet Catherine Sultan. Mais dans le cadre des travaux actuellement menés, « la pertinence d’une extension de la dotation globale de financement aux services d’investigation éducative pourrait être étudiée », précise-t-elle. La directrice de la PJJ indique, par ailleurs, que « le travail d’évaluation des situations sur un laps de temps court doit être repensé », estimant qu’il n’a pas à être « nécessairement interdisciplinaire ».

I. LE CADRE JURIDIQUE

La mesure judiciaire d’investigation éducative peut être ordonnée dans le cadre d’une procédure civile d’assistance éducative ou dans le cadre d’une procédure pénale concernant un enfant délinquant. Elle l’est principalement durant la phase d’information (procédure d’assistance éducative) ou durant la phase d’instruction (procédure pénale). Mais peut l’être « à tout moment de la procédure », précise désormais la note du 23 mars 2015. En pratique, toutefois, les MJIE sont conduites dans 90 % des cas dans un cadre civil.

Quel que soit le fondement – civil ou pénal –, « la mise en œuvre et le déroulement de la mesure doivent être guidés par le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect du cadre posé par la décision judiciaire » (note du 23 mars 2015).

De manière générale, l’objectif de la mesure est de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur, sur sa situation familiale et sociale et d’analyser les difficultés qu’il rencontre afin d’éclairer la décision du magistrat. Elle se distingue de l’expertise, démarche confiée à un ou plusieurs experts pour donner un avis sur les éléments de la situation du mineur et selon des aspects référencés à une discipline, explique la direction de la DPJJ (note du 23 mars 2015).

A. En procédure d’assistance éducative

Dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, c’est l’article 1183 du code de procédure civile qui constitue la base juridique de la mesure judiciaire d’investigation éducative. Ce texte prévoit que le juge peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents. Cette démarche d’investigation constitue une possibilité offerte au juge, et non pas une obligation comme dans le cadre pénal (voir ci-dessous).

Les informations et les préconisations contenues dans le rapport écrit que rédigent au final les services de la PJJ doivent permettre au juge de vérifier si les conditions d’une intervention judiciaire sont réunies et de proposer si nécessaire des réponses en termes de protection et d’éducation, adaptées à la situation des intéressés (note du 23 mars 2015).

B. En procédure pénale

Au pénal, le fondement de la MJIE repose sur l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. En vertu de cette disposition, le juge des enfants doit effectuer toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation. Il s’agit d’une mesure obligatoire pour le magistrat.

Selon la direction de la PJJ, au pénal, l’objectif de la MJIE vise notamment à proposer des hypothèses sur le sens des actes commis par le mineur afin d’engager un travail avec ce dernier et sa famille (note du 23 mars 2015).

II. LE CONTENU

A. Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative

Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, la mesure permet de recueillir des éléments sur (note du 23 mars 2015) :

→ la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents ;

→ l’existence d’un danger pour la santé, la sécurité, la moralité de l’enfant ;

→ le caractère gravement compromis de ses conditions d’éducation et de son développement physique, affectif, intellectuel et social.

→ Il s’agit donc de vérifier que les conditions d’application de l’article 375 du code civil qui permet la mise en œuvre d’une procédure d’assistance éducative sont bien réunies. Ce texte prévoit, en effet, que « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice ».

B. Dans le cadre pénal

En matière pénale, la mesure judiciaire d’investigation éducative vise à recueillir des éléments sur (note du 23 mars 2015) :

→ la situation matérielle et morale de la famille ;

→ la personnalité et les antécédents du mineur ;

→ sa fréquentation scolaire, ainsi que ses aptitudes et son attitude à l’école ;

→ les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé ;

→ sa santé et son développement psychologique ;

→ les moyens appropriés à son éducation.

C. Les éléments communs aux cadres civil et pénal

Que ce soit dans le cadre civil ou pénal, explique la note du 23 mars 2015, l’investigation recueille les éléments du parcours antérieur du mineur et les éventuelles réponses sociales, administratives et judiciaires apportées dans le passé, dans l’objectif de construire des propositions en se fondant sur ce qui a déjà permis ou non des évolutions de la situation. Elle est un des éléments permettant de garantir la continuité des parcours par l’éclairage sur les situations des jeunes et les hypothèses de travail qui en résultent. Les professionnels analysent ces éléments et élaborent des hypothèses de réponses éducatives et de protection.

III. LES CARACTÉRISTIQUES

Depuis la note du 23 mars 2015, le contenu et la durée de la mesure judiciaire d’investigation éducative ne sont plus modulables. En revanche, la mesure repose toujours sur une approche interdisciplinaire.

A. Un contenu non modulable

Dans la MJIE « nouvelle formule », le contenu de la mesure n’est plus modulable. Les modules d’approfondissement qui pouvaient être mis en œuvre à la demande du magistrat sont en effet supprimés. Toutefois, « au regard de la diversité des situations, d’éventuelle(s) intervention(s) éducative(s) antérieure(s), l’investigation peut porter sur des domaines plus ou moins étendus. En effet, la mesure judiciaire d’investigation éducative est réalisée à partir du recueil d’informations incontournables pour chaque cadre (civil ou pénal), sachant que de nombreux items leur sont communs. » Et, « le cas échéant, le service éducatif prend l’initiative d’explorer une ou plusieurs problématiques spécifiques repérées au cours de l’investigation, au moyen de modules dédiés. Il s’appuie alors sur les ressources dont il dispose à l’interne et/ou sur des partenaires. Cette approche spécifique vient enrichir le travail conclusif remis au magistrat au terme de la MJIE » (note du 23 mars 2015). Les modules d’approfondissement utilisés avant la réforme « ont permis une professionnalisation des acteurs qui peuvent en conséquence les conserver comme outil d’évaluation de la situation », précise la directrice de la PJJ dans la note d’accompagnement à la note du 23 mars 2015.

Contrairement au dispositif antérieur, c’est donc le service effectuant la mesure qui décide d’approfondir un point et non plus le magistrat qui l’ordonne. Toutefois, la note d’accompagnement à la note du 23 mars 2015 indique que, si les magistrats n’ont plus l’initiative en ce domaine, « ils peuvent néanmoins demander que soient explorés des axes de travail particuliers ».

B. Une mesure interdisciplinaire

En raison de la diversité des éléments à explorer, la mise en œuvre de la mesure suppose « l’apport de compétences diversifiées et impose une approche interdisciplinaire de la situation du jeune et de sa famille, insiste la direction de la PJJ. Cette approche se réalise à partir notamment de la composition pluridisciplinaire du service : cadres de direction, éducateurs, psychologues, assistants de service social » (note du 23 mars 2015).

Selon les situations, ces ressources internes peuvent être enrichies par des professionnels recrutés par vacation, ou par le biais de conventions : médecins psychiatres, psychologues, pédiatres, pédopsychiatres, services spécialisés (hôpitaux, centres médico-psycho-pédagogiques, protection maternelle et infantile, centres d’examen de santé…), conseillers d’orientation et/ou d’insertion, ou d’autres spécialités (médiateurs culturels, services de prévention…) (note du 23 mars 2015).

La direction de la PJJ souligne que « l’approche interdisciplinaire consiste à garantir une analyse dynamique de la situation par ces professionnels en croisant leurs points de vue. Il appartient à l’équipe de direction d’organiser le processus interdisciplinaire des interventions au sein de l’unité éducative de milieu ouvert ou du service. Ces modalités d’intervention sont déterminées dès le début de la mesure, au regard de la situation, dans un cadre pluridisciplinaire et sous la responsabilité de l’équipe de direction ; elles peuvent ensuite être réévaluées en cours de mesure » (note du 23 mars 2015).

C. Une durée unique

1. LE PRINCIPE

« Quelle que soit la situation », le service doit réaliser la MJIE dans un délai de 6 mois au maximum suivant sa notification. Ce temps de réalisation prend en compte (note du 23 mars 2015) :

→ le délai de réception de la mesure (15 jours) ;

→ l’obligation du respect du contradictoire(3) par l’envoi de son rapport au magistrat 15 jours avant l’échéance de la mesure.

2. LES ADAPTATIONS

Si le magistrat ayant ordonné la mesure souhaite obtenir des premières informations, il peut solliciter un bilan d’étape à 15 jours, le cas échéant sur la base d’un échange interdisciplinaire, en vue de l’éclairer sur une situation pour laquelle il ne dispose pas d’éléments lui permettant de prendre une décision dans une situation d’urgence. Cela peut correspondre notamment au cas particulier des situations d’urgence qui permettent au procureur de la République de confier un mineur à un établissement ou à un tiers, à charge de saisir le juge des enfants compétent dans les 8 jours (note du 23 mars 2015). « Ce bilan constitue une étape dans le déroulement de la MJIE et ne provoque ni suspension ni interruption de la mesure d’investigation. Il consiste en une photographie rapide de la situation du jeune et de sa famille et ne repose pas systématiquement sur un échange interdisciplinaire », explique la direction de la PJJ dans la note d’accompagnement à la note du 23 mars 2015.

Par ailleurs, si, en cours de réalisation de la MJIE, une audience est prévue ou rendue nécessaire, le service chargé de la mesure doit communiquer au juge un rapport intermédiaire.

Enfin, lorsque l’hypothèse d’un placement est évoquée en cours de MJIE, le service chargé de la mesure doit informer le juge de l’orientation préconisée dans « les plus brefs délais ». Si le placement est décidé par le magistrat, le service, en concertation avec les services du conseil départemental en cas de placement à l’aide sociale à l’enfance (ASE), prépare le placement dans le cadre de la mesure d’investigation initialement décidée et dans le temps de mesure restant.

IV. LA MISE EN ŒUVRE DE LA MESURE

La conduite de la mesure judiciaire d’investigation éducative répond aux différentes exigences liées au secret professionnel, à l’information partagée et aux droits des usagers.

A. Les structures compétentes

Selon l’article 7 du décret du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la Justice, c’est la direction de la protection judiciaire de la jeunesse qui a la responsabilité de garantir, directement ou par son secteur associatif habilité, une aide aux décisions de l’autorité judiciaire. Secteur public de la PJJ et secteur associatif habilité sont donc à même de réaliser ce type de mesure. En pratique, les MJIE sont exercées majoritairement par le secteur associatif (60 % des mesures).

B. La méthode de recueil de l’information

Le recueil de l’information doit s’inscrire dans une « démarche dynamique » impliquant les personnes (famille et mineur), c’est-à-dire respectant le principe du contradictoire, à tous les stades du processus (note du 23 mars 2015).

Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, compte tenu des compétences des conseils départementaux et des dispositions de l’article L. 226-4 du code d’action sociale et des familles(4), de l’existence des mesures d’évaluation en protection administrative effectuées par l’ASE, « le rôle de l’investigation judiciaire porte souvent sur des situations déjà connues des services sociaux et qui présentent une particulière complexité. En conséquence, les enjeux en termes de libertés individuelles sont d’autant plus importants et renforcent la nécessité d’un positionnement très clair au regard du cadre judiciaire contradictoire », relève la note du 23 mars 2015. Ainsi, poursuit la direction de la PJJ, « la manière dont l’investigation est conduite, dont le mineur et la famille sont associés, sont des éléments primordiaux de la qualité de l’investigation et de la compréhension par les intéressés de leur place et de leur rôle dans la procédure judiciaire » (note du 23 mars 2015).

En outre, souligne l’administration centrale, l’expérience a montré qu’une investigation de qualité permet souvent à la famille de s’approprier la manière d’envisager ses propres difficultés et ainsi de s’appuyer sur ses ressources pour trouver ses propres réponses. Par la suite, ce processus facilite grandement les interventions éducatives ultérieures judiciaires ou administratives (milieu ouvert, placement), et peut rendre parfois celles-ci inutiles (non-lieu). La mise en œuvre de la mesure produit « par elle-même souvent un changement dans les familles et peut contribuer à dénouer une situation de crise ou de blocage et ainsi éviter ou limiter le temps d’une intervention éducative judiciaire », relève encore la direction de la PJJ (note du 23 mars 2015).

Du côté des professionnels, la dimension contradictoire de la procédure judiciaire doit les conduire à « intégrer dans leur pratique l’analyse critique des informations obtenues, leur vérification et leur confrontation à l’avis des intéressés (note du 23 mars 2015).

En pratique, le recueil des informations s’effectue au travers d’entretiens. La MJIE peut, en parallèle, s’appuyer sur des activités de jour (activités collectives, groupes de paroles de parents…), qui constituent un support de mobilisation des ressources du mineur, d’observation et d’évaluation de ses compétences et appétences sociales, cognitives et scolaires (note du 23 mars 2015).

Les projets de service doivent clairement identifier l’ensemble de ces éléments, les méthodes et les outils utilisés pour conduire la MJIE et préciser les moyens d’actualisation des connaissances en termes de perfectionnement des professionnels (par exemple en matière de maltraitance, de périnatalité, d’agressions à caractère sexuel, en matière de stupéfiants…) (note du 23 mars 2015).

C. Le traitement des informations recueillies

Le recueil des informations doit conduire à l’émergence d’éléments vérifiés et d’hypothèses étayées tendant vers l’objectivité. Toutefois, ces éléments ne se suffisent pas à eux-mêmes pour caractériser la situation du mineur, explique la direction de la PJJ. C’est le croisement de ces informations, leur articulation avec des faits observés et des actes posés ou subis, leur mise en discussion et leur confrontation interdisciplinaire qui permettent d’élaborer des « hypothèses valides, accessibles et acceptables » (note du 23 mars 2015).

Dans ce cadre, un travail d’analyse des éléments recueillis de manière interdisciplinaire est engagé avec les familles et les mineurs dès l’engagement de l’investigation. Ce travail doit être élargi par l’organisation d’une rencontre formalisée avec les partenaires qui ont eu à connaître de la situation (note du 23 mars 2015).

Le fonctionnement interdisciplinaire garantit la prise en compte des différentes dimensions personnelle, psychique, familiale et sociale des situations individuelles par les différents professionnels mobilisés et participe à l’objectivation de la situation, affirme la direction de la PJJ. Les temps d’élaboration collective constituent ainsi une méthode de travail essentielle dans la conduite de la MJIE qui permettent de mettre en perspective les hypothèses d’analyse et de travail formulées par des professionnels de disciplines différentes (note du 23 mars 2015).

D. Un rapport conclusif au magistrat

A l’issue de l’analyse des informations recueillies, « un rapport d’écriture conclusive portant sur les différentes hypothèses de travail et d’orientation éducative est alors engagé par les différents professionnels » et est remis au magistrat au moins 15 jours avant l’échéance de la mesure. « L’équipe de direction garantit que les hypothèses de travail restituées au magistrat sont le résultat d’un travail interdisciplinaire » (note du 23 mars 2015). Contrairement au dispositif antérieur, il ne s’agit donc plus d’un rapport de synthèse, mais d’un rapport conclusif.

E. La restitution auprès de la famille et du mineur

Avant d’adresser son rapport au magistrat, le service chargé de la MJIE doit systématiquement exposer les conclusions de l’investigation à la famille et au mineur afin qu’elles soient discutées avec eux. Il s’agit, là encore, d’une « étape essentielle dans le cadre du contradictoire » visant à les associer à l’ensemble de la démarche (note du 23 mars 2015).

La phase de restitution à la famille permet au mineur et à ses parents d’exprimer leurs opinions et de se préparer à l’audience dans une dimension contradictoire, estime la direction de la PJJ (note du 23 mars 2015).

Cette phase s’inscrit par ailleurs dans les dispositions relatives aux droits des usagers tels qu’ils sont définis aux articles L. 311-3 et L. 311-8 du code de l’action sociale et des familles (note du 23 mars 2015). Pour mémoire, les services d’investigation sont des établissements et services sociaux au sens de l’article L. 312-1, I du même code. Toutefois, selon l’article L. 312-1, IV, ils n’ont pas à respecter tous les droits des usagers (ils sont notamment dispensés de la remise d’un livret d’accueil ou de l’élaboration d’un règlement de fonctionnement). Mais ils doivent en revanche respecter les droits fondamentaux des usagers garantis à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, en particulier le droit d’être informés.

F. La transmission des informations au service chargé de la mesure éducative

Dans le cas où le juge ordonne, à la suite de la MJIE, une mesure de milieu ouvert, un placement ou une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, le service auquel est confiée la mesure éducative doit, dans le cadre d’un partage de l’information, être informé des conclusions de la MJIE afin de disposer des éléments nécessaires à la conduite de la mesure éducative (note du 23 mars 2015).

Pour faciliter ce partage d’informations, l’administration préconise la mise en place d’un dispositif formalisé interservices permettant de garantir la continuité éducative(note du 23 mars 2015).

V. LE FINANCEMENT DE LA MESURE

Chaque mesure judiciaire d’investigation éducative effectuée par un service du secteur associatif habilité de la PJJ ouvre droit au profit de ce dernier à un paiement versé par le ministère de la Justice, selon les modalités fixées par le code de l’action sociale et des familles (arrêté du 2 février 2011, art. 4).

Le financement de la mesure repose actuellement sur une tarification forfaitaire par mesure, conformément aux dispositions de l’article R. 314-126 du code de l’action sociale et des familles. Un financement qui a notamment été explicité dans une circulaire du 3 mai 2013 relative à la campagne budgétaire de la PJJ pour 2013. Des évolutions du mode de tarification sont toutefois actuellement à l’étude.

A. Une tarification forfaitaire

Le tarif d’une MJIE est unique et le prix forfaitaire est établi par mineur. Lorsque plusieurs mineurs d’une même fratrie sont concernés par la mesure, un ratio « fratrie » s’applique. En effet, souligne la circulaire du 3 mai 2013, « s’appliquant à la situation individuelle de chaque jeune, la MJIE suppose une séquence d’investigation sur la famille. Si plusieurs jeunes d’une même famille sont concernés, une seule séquence d’investigation sur la famille est nécessaire. La charge de travail s’en trouve de ce fait réduite. » Le ratio « fratrie » pondère donc le tarif.

Le temps d’intervention moyen en heures pour une mesure prescrite pour un mineur est fixé actuellement à 61 heures, dont :

→ 35,31 heures pour les travailleurs sociaux ;

→ 10,12 heures pour les psychologues ;

→ 6,83 heures de secrétariat ;

→ 6,83 heures pour l’équipe de direction.

Dans le cas d’une fratrie, la mise en œuvre du ratio repose sur les postulats suivants :

→ l’étude de la problématique familiale est évaluée à la moitié de la durée de la mesure, soit 30,5 heures de travail (61/2) ;

→ l’étude de la problématique du mineur lui-même compte pour l’autre moitié, soit 30,5 heures, chaque mineur supplémentaire comptant pour 30,5 heures de travail en plus.

Dès lors, pour une MJIE prescrite pour deux mineurs d’une même famille, la durée de la mesure est fixée à un forfait de 61 + 30,5 heures, soit 91,5 heures (et non 122 heures pour deux mineurs de familles différentes).

Pour le paiement des mesures, les établissements et services d’investigation éducative peuvent bénéficier d’une avance qui leur est versée en début d’année ou, pour les institutions nouvellement créées, dès leur ouverture effective. L’avance est attribuée par le préfet du département d’implantation de l’établissement ou du service, sur proposition du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse. Son montant ne peut être supérieur aux trois quarts des dépenses correspondant à un trimestre de fonctionnement, telles qu’elles figurent au budget exécutoire de la structure. L’avance est récupérée lors de la dernière mise en paiement des dépenses afférentes à l’exercice, lesquelles sont liquidées déduction faite de l’avance versée.

Le coût unitaire d’une MJIE dans le secteur associatif s’est élevé, selon les documents de Bercy relatifs au budget de l’Etat, à 2 630 € en 2013 et à 2 707 € en 2014.

B. Les évolutions à l’étude

La mise en œuvre d’un financement forfaitaire pose des difficultés. Le rapport de l’ancien sénateur Jean-Pierre Michel relève, par exemple, qu’« en pratique, les juges des enfants ordonnent des MJIE d’une durée courte, mais le coût de celle-ci, fixé de façon forfaitaire pour toutes les MJIE, est nettement plus élevé que celui des enquêtes sociales ». Ce document souligne également, par ailleurs, que « le secteur associatif considère que la mise en œuvre de la MJIE a généré une perte importante de cadres et de postes administratifs, mais également de travailleurs sociaux et psychologues ». C’est pourquoi une réflexion sur la tarification des MJIE est actuellement en cours entre les acteurs associatifs et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Selon la note d’accompagnement à la note du 23 mars 2015, « les pistes d’amélioration devront être étudiées en vue notamment de mieux lier les questions de financement et de pilotage dans le cadre d’une politique de complémentarité entre le secteur public et le secteur associatif habilité. La pertinence d’une extension de la dotation globale de financement aux services d’investigation éducative pourrait être étudiée dans ce cadre. » Pour mémoire, la dotation globale de financement est un mode de tarification permettant de fixer le budget d’une structure à l’année avec versement par mensualités, et consiste à la financer sur la base de ses coûts fixes et de son activité prévisionnelle, et non pas forfaitairement par mesure effectuée

Ce qu’il faut retenir

Cadre juridique et objectifs. La MJIE peut être ordonnée en matière pénale (enfance délinquante) ou dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative. L’objectif de la mesure est de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur, sur sa situation familiale et sociale et d’analyser les difficultés qu’il rencontre.

Caractéristiques et durée. La MJIE est une mesure conduite dans un cadre interdisciplinaire, c’est-à-dire impliquant l’intervention de professionnels de formations différentes (psychologue, assistant de service social, éducateur…) selon les méthodes de travail qui leur sont propres. La durée de la mesure est de 6 mois au maximum, quelle que soit la situation. En cas d’urgence, un bilan d’étape sous 15 jours peut être demandé par le magistrat.

Mise en œuvre. La mesure est mise en œuvre par le secteur public ou par le secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle doit être effectuée dans le respect du contradictoire et de l’écoute de la famille et du mineur.

Financement. La MJIE repose sur un financement tarifaire par mineur versé par le ministère de la Justice. Un ratio « fratrie » peut s’appliquer lorsque plusieurs mineurs d’une même famille sont concernés par la mesure.

Textes applicables

• Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, art. 8 modifié, J.O. du 4-02-45.

• Décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008, art. 7, J.O. du 11-07-08.

• Code de procédure civile, art. 1183.

• Code civil, art. 375.

• Code de l’action sociale et des familles, art. R. 314-126.

• Arrêté du 2 février 2011, NOR : JUSF1105583A, J.O. du 25-02-11.

• Circulaire du 3 mai 2013, NOR : JUSF1311736C, B.O.M.J. complémentaire du 15-05-13.

• Note du 23 mars 2015, NOR : JUSF1507871N, B.O.M.J. n° 2015-04 du 30-04-15 et sa note d’accompagnement (non publiée).

La professionnalisation des acteurs de l’investigation

Comme la circulaire du 31 décembre 2010, la note du 23 mars 2015 insiste sur l’importance de la formation des acteurs de l’investigation.

Elle rappelle ainsi que l’Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) est chargée de mettre en œuvre une formation dédiée, dans le cadre des formations statutaire, continue et d’adaptation, portant sur les connaissances théoriques et l’utilisation des outils techniques et les supports méthodologiques existants.

Le secteur associatif habilité peut, s’il le souhaite, se rapprocher de l’ENPJJ pour participer à ces formations.

La note rappelle également les divers outils mis à la disposition des professionnels, tels que le document de travail « Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire ».

Notes

(1) La PJJ au service de la Justice des mineurs – Décembre 2013 – Disponible sur www.justice.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2878 du 10-10-14, p. 7.

(3) Le principe du contradictoire impose que toute démarche, toute présentation au juge d’une pièce, d’un document, d’une preuve par l’adversaire, soit portée à la connaissance de l’autre partie et librement discutée à l’audience.

(4) Cet article dispose notamment que le président du conseil départemental doit aviser sans délai le procureur de la République lorsqu’un mineur est en danger au sens de l’article 375 du code civil et lui faire connaître les actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de sa famille.

Dossier

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur