Une large part des interventions des intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie (ISCG) concernent des femmes victimes de violences dans leur couple. « Dans ce type de situation, notre présence est d’une grande aide pour les policiers : non seulement ces femmes, qui viennent de subir un choc, sont souvent très confuses mais elles ont également besoin d’un soutien psychologique et parfois d’un hébergement », explique Estelle Karchen, ISCG dans l’Hérault.
Lorsqu’elles s’adressent au commissariat pour la première fois, « elles sont en général très inquiètes et craignent les conséquences d’un dépôt de plainte. Aussi s’agit-il d’abord de les sécuriser par le biais d’un travail d’écoute et d’information pour apaiser les tensions et évaluer leur situation de couple et leurs projets pour dégager des marges de manœuvre possibles ». « Déposer une plainte suscite beaucoup d’inquiétude et de questions de la part des victimes de violences conjugales, en particulier sur ce qu’il va advenir de leur compagnon, complète Laurence Mercier, ISCG au commissariat d’Hermont (Val-d’Oise). Dans ces conditions, nous sommes une porte d’entrée qui permet d’adoucir le passage au pénal. » « Notre espace confidentiel fonctionne comme un lieu de pause où nous pouvons leur expliquer sereinement les tenants et les aboutissants de la procédure pour qu’elles ne s’y engagent que si elles sont prêtes », avance Sophie Niellini, ISCG dans le XVIIIe arrondissement parisien, où 90 % des interventions concernent des violences conjugales.
De fait, le dépôt de plainte n’est pas toujours la réponse la plus appropriée : « C’est une solution mais elle n’est pas sans répercussions et doit être extrêmement bien préparée en amont : en cas de retrait de plainte, la victime perd toute crédibilité auprès des policiers », explique Estelle Karchen. Discours similaire pour Laurence Mercier : « Porter plainte peut déclencher des réactions extrêmes de la part de l’auteur des violences, aussi est-il très important d’avoir réfléchi aux conséquences au préalable, notamment en termes d’organisation : la femme peut-elle être logée par un proche ? Faut-il trouver un hébergement d’urgence ?… »
Outre accueillir et informer, l’ISCG est chargé d’orienter les victimes vers les services appropriés : « En aidant ces femmes à décrypter et à mettre en paroles les dysfonctionnements familiaux, nous les amenons à réfléchir à une solution adaptée, ce qui débouche sur des propositions d’orientation », explique Frédéric Barranger, ISCG au sein du groupement de gendarmerie de la Vienne. « Ce rôle de mise en lien vers des structures d’accueil et de suivi est essentiel, que ce soit en matière judiciaire, où elles seront conseillées par des juristes et des avocats, sociale, pour trouver des solutions d’hébergement, un dispositif d’accompagnement éducatif…, ou médicale, par exemple pour un suivi psychologique en réponse à un stress post-traumatique ou à une baisse de l’estime de soi du fait des violences subies », estime Estelle Karchen. « Tout ce travail réalisé par les ISCG nous permet d’être beaucoup plus sereins lorsqu’une procédure pénale est mise en œuvre », reconnaît Morgane Grandjean, responsable de la brigade locale de protection de la famille au commissariat d’Ermont.