« Ce film est un cadeau fait à la justice des mineurs, c’est même un cadeau à la société », s’enthousiasme Catherine Sultan, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Dès la lecture du scénario de La tête haute (coécrit par Emmanuelle Bercot et Marcia Romano), l’été dernier, l’ancienne juge des enfants saluait la qualité et le sérieux du projet, si bien qu’elle mettait à disposition de la réalisatrice de cette fiction présentée en ouverture du Festival de Cannes des locaux du centre éducatif fermé (CEF) de Cambrai pour filmer certaines scènes. L’histoire de La tête haute, c’est celle du parcours au sein de la PJJ du jeune Malony – que ses copains surnomment « Malhonnête ». Durant dix ans, multipliant les délits, il enchaînera les passages devant la juge des enfants. D’abord suivi en action éducative en milieu ouvert (AEMO), il passera par la case centre éducatif renforcé (CER), puis par la prison pour mineurs, et enfin par le centre éducatif fermé (CEF). Où qu’il soit, Malony « pète les plombs », fait preuve de violence, repousse ceux qui lui tendent la main. Déscolarisé dès 14 ans, il épuise ses éducateurs jusqu’à ce qu’il soit suivi par Yann Le Vigan, qui se reconnaît dans l’adolescent. Même si le professionnel n’arrive pas à stopper Malony dans son autodestruction, il crée une complicité avec le jeune. Quant à la juge, Florence Blaque, elle fait preuve d’une sagesse et d’une sérénité impressionnantes. Elle seule sait calmer Malony, qu’elle suit depuis son premier placement. L’adolescent a beau être agaçant, dans ce film, c’est sa mère qui a le plus mauvais rôle. Inconséquente, immature, méfiante à l’égard des services sociaux, elle dit ne pas savoir quoi faire de cet enfant qui, affirme-t-elle, « est délinquant depuis qu’il sait marcher ». A la PJJ, on salue un long métrage « extrêmement bien documenté » – la réalisatrice Emmanuelle Bercot, dont l’oncle était éducateur spécialisé, a passé plusieurs mois auprès de juges des enfants afin de retranscrire fidèlement le processus éducatif. Ce film « montre la complexité de notre travail et les réponses nuancées qui sont apportées par notre secteur », pointe Catherine Sultan. Selon elle, La tête haute ne raconte pas l’histoire d’un juge, d’un éducateur, d’une mère et d’un fils, mais de la dynamique qui se crée entre tous ces personnages.
Au Syndicat national des personnels de l’éducation et du social-PJJ-FSU, La tête haute a beaucoup fait parler. Natacha Grelot, cosecrétaire nationale, est satisfaite de la façon dont est présenté et valorisé le travail des éducateurs – « en mettant l’accent sur le relationnel, quelque chose qui a été longtemps gommé, voire nié par la PJJ ». Elle a néanmoins identifié des écueils : « On ne voit jamais l’éducateur en relation avec ses collègues : pas de travail d’équipe, pas de réunion de synthèse, pas de rencontres avec un psychologue. Il n’y a pas non plus de travail avec la famille ! » Le syndicat reconnaît cependant que c’est le principe même du cinéma qui conduit à des concentrations d’événements et à des raccourcis. « Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de regard bienveillant posé sur ce public qui cumule les difficultés, conclut Natacha Grelot. C’est bien que les spectateurs du film, qui n’auront pas notre regard critique, en sachent plus sur nos métiers et sur le caractère rééducable des enfants les plus violents. » Même satisfaction du côté de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES). Pour Jean-Marie Vauchez, son président, « dans La tête haute comme dans le téléfilm Trois fois Manon(1), on s’éloigne de l’image caricaturale et hypernégative véhiculée depuis quelques années par des livres ou des documentaires chocs. Ces fictions ne sont pas là pour dénoncer des dysfonctionnements, mais pour montrer une réalité dans laquelle les professionnels se retrouvent. »
La tête haute
Emmanuelle Bercot – Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Rod Paradot – 2 h – En salles