« Solidarité », « transversalité », « autonomie », « projet », « changement » sont quelques-uns des termes cités par Gérard Lefebvre comme relevant de la « façade sémantique » des professions du social. C’est précisément à une réflexion sur ces métiers où le verbal est central, puisque « l’un propose ses mots pour venir en aide aux maux de l’autre », que l’auteur, responsable de l’aide sociale à l’enfance du Pas-de-Calais, consacre l’essentiel de son propos. Questionnant les relations entre travailleurs sociaux et usagers en « quête réciproque d’altérité », Gérard Lefebvre décrit une rencontre fondée sur l’expression orale. Etablir le lien avec autrui en lui proposant de prendre la parole et en organisant avec lui le récit de sa vie fait de l’accompagnant un écoutant, avant qu’il devienne finalement un « comprenant ». « Combien de progrès avons-nous réalisés en prenant la peine de nous appuyer sur l’histoire des autres », fait observer Gérard Lefebvre. Ni trop près, ni trop loin, mais dans une « juste proximité » avec son interlocuteur, le travailleur social ne doit pas sortir de son rôle « de facilitateur, d’entraîneur, de conseiller et de miroir parfois ». Il lui incombe d’intégrer toute la complexité d’une parole portée puis transcrite au nom d’un autre, et de « décliner du projet partagé réaliste et porteur de sens », mais c’est à l’usager que revient le dernier mot, c’est-à-dire « la délicate et implicite mission d’écrire sa vie ». Autrement dit, il faut aussi « savoir reconnaître la possible “fin” d’une intervention et le possible “commencement” d’un “après” » pour la personne accompagnée.
Altérité et travail social
Gérard Lefebvre – Ed. L’Harmattan – 24 €