Recevoir la newsletter

Réforme de l’asile : près de 20 associations dénoncent des « reculs historiques »

Article réservé aux abonnés

Dans une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, des responsables associatifs condamnent, notamment, les entorses faites au principe de l’accueil inconditionnel dans la version du projet de loi adoptée par les sénateurs.

Après s’être félicitées d’avoir obtenu des amendements au projet de loi relatif à la réforme de l’asile lors de son adoption à l’Assemblée nationale, le 16 décembre dernier, les associations de solidarité et de défense des étrangers s’alarment de plusieurs dispositions votées par les sénateurs, qui visent à durcir les conditions d’accueil et à faciliter l’éloignement des déboutés.

Le texte adopté le 26 mai par la Haute Assemblée exclut désormais les étrangers dont la demande d’asile a été définitivement rejetée de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale, selon lequel « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Si cette version était définitivement adoptée (examiné en procédure accélérée, le texte doit encore être débattu en commission mixte paritaire), cet accueil d’urgence leur serait donc interdit, « sauf circonstances particulières » faisant apparaître « une situation de détresse suffisamment grave pour faire obstacle à [leur] départ ». Une restriction qui a amené 18 présidents d’associations(1) à publier, le 27 mai, une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur. Ce courrier, paraphé par Louis Gallois, président de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) au nom de tous les signataires, fustige « les reculs historiques que [les discussions au Sénat] font subir aux droits fondamentaux » et dénonce le fait que ces débats « aient une nouvelle fois entretenu la confusion entre le devoir de protection incombant à la France au regard de ses obligations internationales à l’égard des réfugiés et une politique de régulation accrue des flux migratoires ». Les associations soulignent que, « pour la première fois, ce texte remet en cause l’accueil inconditionnel, principe fondateur de l’action sociale à l’égard des personnes en situation de précarité ». Les associations « refuseront de faire le tri entre les “bons” et les “mauvais” pauvres » en fonction de leur situation administrative, préviennent-elles. Les signataires rappellent que remettre en cause le principe de l’accueil inconditionnel reviendrait à accroître le nombre de familles à la rue ou dans des bidonvilles et à augmenter les risques sanitaires. En outre, « les étrangers sans papiers ne sont pas sans droits, ce que reconnaissent la loi française et les conventions internationales ».

Assignation à résidence

Les associations s’élèvent également contre l’instauration de centres dédiés aux déboutés, idée très polémique issue du rapport de la sénatrice Valérie Létard (centriste) et du député Jean-Louis Touraine (PS) après la phase de concertation sur la réforme. Le texte des sénateurs prévoit que les déboutés pourront être assignés à résidence dans un lieu d’hébergement où pourra leur être proposée une aide au retour. Pour Valérie Létard, auteure de l’amendement, il s’agit de « préciser le statut des centres ou lieux d’hébergement dédiés aux personnes déboutées de leur demande d’asile, afin d’y préparer leur retour ». Or les associations « doivent pouvoir répondre à la demande [des étrangers sans papiers] qui est avant tout sociale », écrivent les signataires de la lettre ouverte. Ils s’inquiètent « du rôle qu’il serait demandé aux travailleurs sociaux de jouer dans le cadre de ces centres dédiés. A aucun moment ils ne sauraient participer aux missions de contrôle et d’éloignement relevant du ministère de l’Intérieur. » Ils demandent donc au gouvernement de revenir sur toutes ces dispositions « contraires à [leurs] missions de solidarité ».

Pour sa part, Forum réfugiés-Cosi, non signataire de la lettre ouverte, conteste la pertinence de l’assignation à résidence, tout en saluant « la volonté de proposer une solution d’hébergement aux personnes définitivement déboutées de leur demande, qui s’inscriraient dans une démarche de retour volontaire dans leur pays d’origine ». L’association critique également les dispositions « qui affaiblissent l’exercice du droit d’asile sans résoudre les dysfonctionnements actuels », comme celle qui rend facultatif, et non systématique comme l’avait prévu l’Assemblée nationale, l’accompagnement juridique et social des demandeurs d’asile, ou bien les mesures qui lient la procédure et l’hébergement, ou encore la gestion du droit au séjour et la mission de protection. Pour faciliter l’éloignement des déboutés, le Sénat a, en effet, voté des mesures prévoyant, d’une part, que la décision définitive de refus de l’asile vaut obligation de quitter le territoire, d’autre part, que les déboutés ne peuvent solliciter un titre de séjour pour un autre motif. Les sénateurs ont, par ailleurs, supprimé une mesure, introduite par les députés, qui permettait l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile dont la demande est en cours d’examen depuis plus de neuf mois. En confirmant le caractère contraignant du schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile instauré par le projet de loi (le bénéfice des conditions matérielles d’accueil est lié à l’acceptation par le demandeur de l’hébergement qui lui est proposé), les sénateurs ont préciséles situations dans lesquelles le droit à ces prestations peut être suspendu (en cas d’abandon du lieu d’hébergement, notamment), retiré ou refusé. Néanmoins Forum réfugiés, qui souligne que les sénateurs ont conservé les principales avancées de la réforme, comme « l’égalité de tous les demandeurs d’asile en matière de droit au séjour », se félicite de quelques améliorations apportées à leur initiative : « recours en zone d’attente devant la cour nationale du droit d’asile, renforcement du rôle des centres provisoires d’hébergement dédiés aux bénéficiaires d’une protection internationale, accompagnement social et administratif confié aux plateformes d’accueil des personnes non hébergées ».

Notes

(1) Dom’Asile, Médecins du monde, Ardhis, JRS France, Ligue des droits de l’Homme, Fondation Abbé-Pierre, Comede, Secours catholique, FNARS, Cimade, Français langue d’accueil, Emmaüs France, Coallia, ACAT, SAMU social de Paris, France terre d’asile, Centre Primo-Levi, Groupe accueil et solidarité.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur