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La CNCDH formule des propositions pour améliorer le projet de loi relatif aux droits des étrangers

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Parallèlement au projet de loi relatif à la réforme de l’asile, le ministre de l’Intérieur a présenté, en juillet dernier, un projet de loi « relatif au droit des étrangers » au menu duquel figurent, notamment, des dispositions visant à améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour, mais aussi à lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière(1). Déposé à l’Assemblée nationale, le texte n’est pour l’heure pas encore programmé pour un passage dans l’hémicycle. En attendant, sollicitée par Bernard Cazeneuve lui-même, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a, le 21 mai, rendu son avis sur le projet de loi.

La CNCDH relève ainsi plusieurs aspects positifs dans le texte. Des « avancées », comme la consécration du principe de pluriannualité de la carte de séjour(2), la suppression des « précontrats d’accueil et d’intégration » et des « contrats d’accueil et d’intégration famille » à destination des familles bénéficiant du regroupement familial, l’affirmation du caractère subsidiaire du placement en rétention administrative, la possibilité de prorogation du délai de retour volontaire, la réintroduction de la condition d’effectivité de l’accès à un traitement approprié dans le pays de renvoi pour justifier le refus de délivrance d’un titre de séjour aux étrangers malades ou bien encore la possibilité pour les journalistes d’accéder aux zones d’attente et aux lieux de rétention administrative.

La commission estime, pour autant, que le projet de loi « devrait être amélioré dans le sens d’une meilleure garantie des droits et des libertés fondamentaux ». Et se montre – une nouvelle fois – « très préoccupée » par la complexification croissante du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. « A titre d’exemple, la multiplication des délais de recours et de jugement en matière d’obligation de quitter le territoire français nuit considérablement à l’intelligibilité des nouvelles dispositions »(3), estime-t-elle. La CNCDH plaide donc pour un « choc de simplification » et formule au total 35 « recommandations concrètes » articulées autour de quatre axes : l’accueil et le séjour des étrangers, l’éloignement des étrangers, les mesures privatives de liberté et l’outre-mer.

L’accueil et le séjour

La CNCDH recommande notamment d’améliorer le dispositif du contrat d’accueil et d’intégration en supprimant du projet de loi – ou au moins en clarifiant – les « notions vagues » telles que celle d’« intégration dans la société française » (à laquelle le texte conditionne la délivrance d’une carte pluriannuelle) ou encore celle de « rejet des valeurs de la République », sur le fondement de laquelle l’administration aurait la possibilité de refuser la délivrance d’une carte pluriannuelle. Des critères qui, à ses yeux, « présentent un risque non négligeable de subjectivité, voire d’arbitraire, préjudiciable à l’appréciation impartiale d’une demande de titre de séjour ».

Dans le collimateur de la commission également : la disposition imposant au signataire d’un contrat d’accueil et d’intégration de justifier d’une assiduité aux formations civique et linguistique prescrites par l’Etat. En pratique, les intéressés ne peuvent, bien souvent, pas suivre ces formations en raison de leur emploi du temps (charges familiales, travail, etc.). Par conséquent, la CNCDH recommande que l’appréciation de cette assiduité se fasse « au regard de la situation concrète de chaque étranger sollicitant un titre de séjour ». Elle juge également démesurée l’exigence de connaissance de la langue française et recommande a minima de prévoir des exceptions, notamment pour les personnes de plus de 65 ans.

La commission critique encore « l’extrême catégorisation des titres de séjour et leurs conséquences discriminatoires ». Elle fustige ainsi l’article 11 du projet de loi, qui réduit de quatre à deux ans la durée de validité du titre pluriannuel pour les étrangers mariés avec un ressortissant français et pour les étrangers parents d’enfants français. De la même façon, elle appelle de ses vœux la modification de l’article 10, qui prévoit un régime dérogatoire pour les étrangers malades. Des dérogations que la CNCDH recommande de revoir en supprimant l’alignement de la durée du titre de séjour délivré sur la durée prévisible des soins, mais aussi en confiant l’évaluation médicale de l’intéressé à un collège de médecins dépendant exclusivement du ministère de la Santé – et non de l’Office français de l’immigration et de l’intégration –, ou bien encore en rappelant que l’évaluation médicale doit donner lieu à un avis motivé « afin de faciliter le contrôle du juge administratif, les appréciations stéréotypées, notamment sous forme de croix, étant à proscrire ».

L’éloignement

En matière d’éloignement, la CNCDH considère notamment que le projet de loi pourrait améliorer le régime de la prolongation du départ volontaire d’un étranger en situation irrégulière. Selon le texte, ce délai peut faire l’objet d’une prolongation « s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à son cas ». La commission estime que le législateur devrait fixer une liste non limitative d’éléments à prendre en considération pour décider de cette prolongation. Enumération qui pourrait comprendre la durée du séjour, la scolarisation des enfants, les liens sociaux, la vie familiale, l’état de santé de l’étranger ou l’intérêt supérieur de l’enfant.

La CNCDH recommande par ailleurs de préciser la règle qui permet à l’autorité administrative de décider qu’un étranger clandestin est obligé de quitter sans délai le territoire français en cas de risque de fuite. Pour la commission, le législateur devrait non seulement « définir de manière précise et limitative les critères objectifs permettant de caractériser un risque imminent de fuite » mais aussi rappeler qu’un risque de fuite ne pourra découler que d’un faisceau de circonstances particulières établissant avec certitude que l’intéressé a l’intention de se soustraire de manière systématique aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement.

La CNCDH délivre encore tout un ensemble de recommandations touchant aux obligations de quitter le territoire français (OQTF). Elle plaide entre autres pour une meilleure définition des motifs légaux du prononcé des nouvelles OQTF pouvant être prises à l’encontre des étrangers présentant une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique.

Les privations de liberté

La commission voit aussi toute une série d’améliorations possibles s’agissant des mesures de privations de liberté. Elle recommande, par exemple, de renforcer les garanties procédurales des personnes placées en zone d’attente, notamment en assortissant les décisions de refus d’entrée sur le territoire et celles de placement en zone d’attente d’un recours suspensif de plein droit, en organisant une permanence d’information et une permanence d’avocat au titre de l’aide juridictionnelle ou bien encore en permettant à l’étranger de saisir le juge des libertés et de la détention à tout moment après son placement en zone d’attente.

La CNCDH déplore par ailleurs que le projet de loi ne modifie ni n’abroge la disposition légale permettant le placement en zone d’attente d’un groupe d’au moins dix étrangers interpellés à la frontière en dehors d’un point de passage frontalier – les zones d’attente « ad hoc ». Elle regrette également que le texte n’interdise pas le placement en zone d’attente des mineurs isolés étrangers, ne supprime pas les locaux de rétention de rétention administrative – « qui ne présentent aucune des garanties actuellement prévues pour les centres de rétention administrative » – ou bien encore ne réduise pas la durée légale de la rétention administrative (45 jours actuellement), trop longue à ses yeux.

Notes

(1) Voir ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 5.

(2) Le projet de loi consacre en effet le principe de la pluriannualité du titre de séjour suivant une idée directrice : après un an de séjour régulier, l’étranger pourrait bénéficier d’une carte pluriannuelle de 2 à 4 ans, selon les cas, avant l’éventuelle délivrance d’une carte de résident de 10 ans.

(3) Les nouveaux délais fixés par l’article 14 du projet de loi ont pour conséquence de faire coexister, s’agissant des obligations de quitter le territoire français, trois régimes procéduraux distincts au sein du code.

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