Nul n’est autosuffisant…

Jean-Yves Barreyre a de l’empathie pour les « éclopés de la vie ». Ils ont d’ailleurs toujours guidé le cheminement de sa pensée, explique le directeur du Cédias, responsable du pôle recherches de l’Association nationale des CREAI – dont le sigle se décline aujourd’hui en centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Ces dernières ont nourri les vingt années de travaux dont le sociologue synthétise la substantifique moelle dans cet ouvrage qui tient de l’autobiographie intellectuelle et de la profession de foi. Ce que ses recherches ont conduit Jean-Yves Barreyre à croire n’est pas seulement que personne n’est autosuffisant, mais que certains, cumulant des formes particulières de handicap ou de surhandicap, le sont moins encore que les autres. Jeunes à difficultés multiples ou parents âgés vivant à domicile avec leur enfant handicapé vieillissant – entre autres exemples analysés –, les intéressés évoluent en équilibre instable et précaire à l’intérieur de « chaînes d’interdépendances » sur lesquelles ils ont peu prise, qui articulent leurs ressources personnelles, celles de leurs proches et celles de leur environnement. Ce sont les histoires de vie et le dynamisme des interactions au cœur de ces « configurations sociales de la vulnérabilité » que l’auteur met au jour avec subtilité. On peut cependant regretter qu’un observateur aussi averti des politiques et des pratiques en reste aux stades de la description et de la conceptualisation de la réalité, sans proposer de pistes d’action permettant justement de mieux traiter les « populations oubliées ».