« Rappelle-toi, écrit Séverine à son mari Arnaud dans une missive envoyée au Cameroun. C’est confiants que nous marchions main dans la main vers la préfecture pour aller déposer ta demande de titre de séjour. Pour nous, ce n’était qu’une formalité… Souviens-toi… On pensait que notre dossier était complet et qu’il n’y avait rien à redire. Malheureusement l’administration ne voulait rien entendre, ne voulait pas voir l’amour qu’il y avait dans nos yeux, la complicité qui nous liait, la tendresse qui nous unissait […]. Comme si une si belle histoire d’amour n’avait pas le droit d’exister, on nous a mis des bâtons dans les roues. »
Au fil des pages de Haut les cœurs !, des lettres, des histoires très personnelles… Entreprendre la lecture de ce recueil, c’est entrer dans l’intimité de couples « mixtes ». Cette intrusion dans leur vie privée, ils l’ont déjà subie tant de fois : dans les mairies, les consulats, les préfectures, les commissariats et les tribunaux. Ces lettres d’amoureux proposées par l’association Les Amoureux au ban public sont une façon de montrer les parcours du combattant que subissent ces couples franco-étrangers pour se marier dans l’Hexagone ou pour obtenir la transcription d’une union célébrée à l’étranger, la délivrance d’un visa en France et le droit d’y séjourner légalement. Il y a Fanny, qui écrit à Alejandro, rencontré au Honduras : « Contrairement à ce que beaucoup pensent, tu ne viens pas vers le Nord, vers la France pour trouver une vie meilleure ou pour profiter des aides qui existent. Je sais que ta venue sera pour toi synonyme de déclassement social, de tracas administratifs, de difficultés financières, d’incertitude, d’instabilité. » « Quel gâchis, quelle aberration, quelle perte de temps et quelles blessures indélébiles inscrites dans nos chairs d’homme et de femme ! », écrit Claude à Priscilla, restée au Ghana, évoquant l’Europe et « ses lois honteuses, loi d’exception formulée pour nous, les “étrangers subis” ».
Certains billets sont adressés à la belle-famille, aux enfants restés au pays, mais la plupart du temps ils sont destinés à l’être aimé. Quant à Pauline, elle écrit directement au président de la République. « Je vous l’accorde, c’est surprenant d’écrire au Président pour lui parler de l’homme que l’on aime », commente-t-elle dans cette missive où elle exprime l’espoir de pouvoir vivre avec son conjoint ivoirien « comme tout couple normal ».
Erik Orsenna l’écrit en préambule de Haut les cœurs ! : « Il s’agit d’amour. D’histoires d’amour, de preuves d’amour. Et quelle meilleure réponse au soupçon que les preuves d’amour ? »
Haut les cœurs !
Lettres d’amoureux au ban public
Présentées par Erik Orsenna – Ed. La ville brûle – 8 €