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Plaidoyer pour renforcer les coopérations entre l’HAD et les SSIAD

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Au terme d’une étude menée pendant deux ans, l’ADMR, la Fnehad et l’UNA demandent un cadre juridique sécurisé pour décloisonner les interventions de l’hospitalisation à domicile et des services de soins infirmiers à domicile, afin d’améliorer les prises en charge.

Si les établissements d’hospitalisation à domicile (HAD) et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ont un lieu d’intervention et des objectifs communs, le cloisonnement entre le secteur sanitaire, dont relèvent les premiers, et le secteur médico-social, auquel appartiennent les seconds, reste un frein à la qualité des prises en charge. Pour l’heure en effet, aucun texte juridique n’autorise l’intervention conjointe de ces deux acteurs auprès du patient.

Des passages de relais difficiles

Au moment où les coopérations et la continuité des parcours sont affichées comme des priorités de politique publique, la Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile), l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles) et l’ADMR (Associations du service à domicile) ont, le 20 mai, à l’occasion des salons « Santé autonomie » organisés à l’initiative de la Fédération hospitalière de France, publié les résultats d’une enquête lancée en 2013 pour identifier les leviers possibles. Menés dans cinq régions auprès de 39 SSIAD et 13 HAD (répartis en 13 « territoires projets ») ayant déjà initié une réflexion sur la question, leurs travaux ont cherché à recenser le nombre et la nature des coopérations, à préciser le profil et les besoins des patients bénéficiaires et à identifier les freins à la mise en œuvre de ces rapprochements. A la fin de la phase de collecte des données, les résultats ont été approfondis au cours de réunions de travail avec les professionnels dans les régions.

L’enquête a permis de recenser 174 « situations de coopérations » entre octobre 2013 et mai 2014, auprès d’un public âgé de 78 ans en moyenne (même si les deux types de structures sont susceptibles de prendre en charge des personnes âgées de 60 ans et plus malades ou dépendantes et des adultes de moins de 60 ans handicapés, ou atteints de pathologies chroniques ou présentant certains types d’affections). Ces rapprochements consistent majoritairement (dans 123 situations) en l’organisation de relais entre SSIAD et HAD, qui ont tous deux vocation à favoriser le retour et le maintien à domicile. Ces transferts d’un patient d’une structure à une autre, justifiés par l’évolution de son état de santé, sont trois fois plus fréquents de l’HAD vers le SSIAD qu’inversement. La place de l’hospitalisation à domicile, qui intervient « en évitement ou en raccourcissement de l’hospitalisation avec hébergement », est en effet limitée dans le temps, tandis que le SSIAD réalise un accompagnement médico-social « au long cours », explique l’étude. Pourtant, ces transferts, qui manquent de fluidité en général, ne se concrétisent en moyenne qu’une fois sur deux : les établissements d’HAD acceptent la demande dans 77 % des cas, tandis que les SSIAD admettent les patients en sortie d’hospitalisation dans 38 % des cas. Les motifs de refus avancés par ces derniers sont principalement le manque de places (45 %) ainsi que le coût estimé trop élevé (25 %). « Le degré de dépendance des patients est un des facteurs qui impacte fortement la charge en soins », précise l’étude. Des passages « pluriquotidiens », des interventions en binôme, la réalisation d’actes médico-infirmiers ou des interventions sept jours sur sept peuvent en effet être compris dans le projet de soins, et « le coût d’intervention auprès du patient peut alors être supérieur au coût moyen à la place déterminé par la dotation globale de fonctionnement établie conjointement avec l’agence régionale de santé [ARS] tous les ans ».

Des ruptures faute d’interventions communes

En revanche, les coopérations renforcées – mise en place d’un dispositif assurant au patient, dans des conditions encadrées, la continuité de l’accompagnement médico-social par les équipes de SSIAD pendant une prise en charge en HAD – correspondent à des situations spécifiques et moins fréquentes (51 situations identifiées comme souhaitables). Dans ce cas, les besoins du patient en matière de durée d’accompagnement et de pathologie le placent « à la frontière » des prises en charge. L’objectif est alors d’éviter les ruptures d’accompagnement, quand par exemple la coopération permet à l’HAD d’apporter son appui technique et son savoir-faire en matière de soins palliatifs à l’équipe du SSIAD, ou lorsqu’une HAD de courte durée est nécessaire en complément de l’accompagnement du service de soins infirmiers à domicile. Néanmoins, parmi les situations recensées par les établissements ou services, 64 % ont donné lieu à un maintien dans la structure d’origine, 12 % à une coopération effective (avec, le cas échéant, l’obtention d’une autorisation exceptionnelle) et 12 % à une hospitalisation avec hébergement. Dans ce cas, le souhait de la personne d’être soignée à son domicile n’a pas été respecté, sans compter « le coût probablement plus élevé pour la collectivité », relève l’étude. Les trois principaux freins évoqués sont le cadre réglementaire (45 %) – la prise en charge en HAD impose, dans le cadre juridique actuel, de mettre fin à l’intervention du SSIAD –, les questions de facturation (30 %) et les problèmes de responsabilité (24 %) dans la prise en charge et des équipes. Face à ces obstacles, les acteurs plaident pour des « solutions souples, sécurisées juridiquement et encadrées, afin de leur permettre de renforcer leur collaboration, en particulier ponctuelle, au bénéfice des patients », conclut l’étude.

C’est donc l’objet des cinq recommandations formulées par l’ADMR, la Fnehad et l’UNA. En premier lieu, les fédérations préconisent de renforcer la communication à destination des patients, entre les SSIAD et l’HAD et auprès des médecins prescripteurs sur le cadre d’intervention et les articulations entre ces deux acteurs. L’utilisation de conventions de relais ou de fiches de liaison permettrait, à leurs yeux, de faciliter la coordination entre les structures. Elles recommandent aussi de « renforcer le rôle d’animateur de l’offre de soins de l’agence régionale de santé sur le territoire » et, surtout, de « définir un cadre réglementaire sécurisé » permettant des coopérations renforcées. Selon elles, « les outils juridiques de type groupement de coopération sanitaire ou la mise à disposition de personnels », bien qu’à même de favoriser les interventions conjointes, sont trop complexes à gérer au quotidien et donc inadaptés aux besoins de réactivité imposés par les situations. Elles suggèrent qu’un cadre juridique soit imaginé selon le modèle de celui qui est mis en place pour les interventions d’HAD en EHPAD. Depuis 2007, en effet, les établissements d’hospitalisation à domicile sont autorisés à intervenir en EHPAD dans des conditions spécifiques : en contrepartie d’une répartition des missions, le tarif perçu par l’HAD fait l’objet d’une minoration définie chaque année dans un arrêté tarifaire. Les trois fédérations demandent la mise en place d’un groupe de travail avec la direction générale de l’offre de soins et la direction générale de la cohésion sociale pour y travailler. Pour éviter les refus de prise en charge par les SSIAD en sortie d’HAD motivés par les coûts induits, elles suggèrent aussi de définir des modèles de tarification adaptés. La démonstration de l’écart entre les moyens alloués par l’ARS dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement du SSIAD et le coût de prise en charge de la personne à admettre devrait permettre aux services concernés « de justifier auprès de l’ARS une demande de crédits exceptionnels complémentaires au financement de base », expliquent-elles. Les fédérations rappellent que la circulaire du 23 avril 2015 relative aux orientations de l’exercice 2015 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux prévoit que « les crédits non reconductibles sont utilisés pour le financement de mesures ponctuelles comme l’accompagnement de situations complexes ». Elles appellent les ARS à développer le recours à cette possibilité. Enfin, elles demandent que puisse être accordée à l’HAD l’autorisation de continuer à prendre en charge les patients « à titre exceptionnel, dans le cadre, par exemple, d’une procédure de mise sous accord préalable », après la notification de refus de prise en charge en SSIAD, une fois dépassé le délai de « tolérance » accordé par l’assurance maladie pour le maintien du patient en HAD à la fin de sa prise en charge.

Les travaux des trois fédérations ne devraient pas rester lettre morte : la Fnehad se félicite ainsi que « la direction générale de l’offre de soins [ait], le 19 mai, annoncé la mise en place d’un groupe de travail à la rentrée 2016, avec la direction générale de la cohésion sociale et l’assurance maladie, pour étudier la mise en œuvre d’un modèle de coopération ».

UNE CONVENTION DE PARTENARIAT POUR DÉVELOPPER L’HAD EN EHPAD

Depuis 2007, les établissements de l’hospitalisation à domicile (HAD) peuvent intervenir au sein des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et, depuis 2012, de l’ensemble des établissements sociaux ou médico-sociaux avec hébergement, accueillant notamment des personnes en situation de handicap. Cette activité, en forte croissance, a été multipliée par trois entre 2009 et 2013 et représente plus de 4 % des journées d’HAD. Cependant, elle est très variable d’une région à l’autre ou entre établissements et reste globalement peu développée. C’est ce que rappellent neuf fédérations représentatives des établissements d’HAD, des EHPAD et des professionnels de ces deux secteurs(1) dans une convention de partenariat signée le 20 mai, en marge des salons « Santé autonomie », pour permettre à l’ensemble des résidents en EHPAD d’accéder à cette offre de soins et aux établissements de l’hospitalisation à domicile de s’orienter dans ce sens. Elles rappellent d’ailleurs que « la circulaire du 4 décembre 2013 relative au développement et au positionnement de l’HAD fait de l’intervention dans le secteur médico-social un axe de développement de l’activité » de cette dernière.

Ce partenariat est le fruit d’une réflexion qui a donné lieu à une enquête menée au cours du premier semestre 2015 auprès de 25 EHPAD et 17 établissements d’HAD, « en complémentarité de l’évaluation menée par les services du ministère de la Santé », précisent les fédérations. Selon ses résultats, les professionnels s’accordent à dire que le recours à l’HAD permet de réduire le nombre et la durée des hospitalisations, d’améliorer la qualité de vie des résidents, leur prise en charge, d’éviter les décès en établissement de santé avec hébergement en cas de soins palliatifs, mais aussi d’instaurer une nouvelle dynamique au sein des équipes en EHPAD. Mais beaucoup, en revanche, reste à faire pour rendre cette activité moins marginale : connaissance réciproque des acteurs, anticipation des demandes de prise en charge, « acculturation » des médecins de ville et des médecins coordonnateurs…

Pour mieux impliquer les acteurs concernés dans cette prise en charge et les accompagner, les fédérations prévoient, dans leur convention, de diffuser les bonnes pratiques identifiées dans leur enquête, d’élaborer des outils pratiques à destination des professionnels, ou encore de promouvoir le développement de formations dans leurs réseaux. Deux instances sont prévues pour assurer l’animation du partenariat : un comité de pilotage, composé de représentants des fédérations signataires, et un comité technique, chargé d’organiser la concrétisation des actions et de réaliser des travaux et analyses sur les thèmes de travail. La convention a été conclue pour une durée de trois ans.

Notes

(1) FEHAP, Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en EHPAD, FHF, FHP, Fnadepa, Fnehad, Groupement hospitalier de la mutualité française, Générations mutualistes et Synerpa.

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