Recevoir la newsletter

François Rebsamen annonce la prochaine abrogation de la généralisation du CV anonyme

Article réservé aux abonnés

L’article de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances prévoyant la systématisation du CV anonyme « sera abrogé », a déclaré François Rebsamen, ministre du Travail, conformément aux préconisations du groupe de travail sur les discriminations en entreprise, qui lui a remis son rapport le 19 mai en présence de la ministre de la Justice et de son homologue à la Ville(1). Cette mesure abrogative sera intégrée par voie d’amendement au projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi(2), qui devrait être adopté d’ici à la fin juillet. Pour mémoire, depuis la loi de 2006, le CV anonyme est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés mais le décret d’application n’a jamais été publié. Sommé en juillet dernier par le Conseil d’Etat de corriger l’anomalie(3), le gouvernement a chargé un groupe de travail, composé de représentants syndicaux, patronaux et associatifs, et présidé par Jean-Christophe Sciberras, ancien président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, de se pencher sur la question(4).

Au-delà du CV anonyme, le rapport fait plusieurs recommandations pour lutter contre les discriminations, dont certaines ont d’ores et déjà été retenues par le gouvernement dans le « plan de lutte contre les discriminations et dans l’emploi » qu’il a présenté le même jour.

Privilégier des modes de recrutement « non discriminants »

Si la généralisation du CV anonyme n’est pas apparue, pour une majorité des membres du groupe de travail, comme « un outil pertinent pour lutter contre les discriminations à l’embauche, en raison de sa lourdeur et des éventuels effets pervers qu’il peut introduire dans les processus de recrutement », le groupe a cependant souhaité formuler des propositions de nature à contribuer au même objectif. Les opposants au CV anonyme avancent des difficultés de mise en œuvre en termes de coût, de modalités pratiques et de nécessité d’anonymiser également la lettre de motivation. Sur le fond, le CV anonyme « ne permettrait pas de valoriser les différences » et « risquerait de conduire à des démarches de contournement avec l’utilisation accrue d’Internet comme mode de recrutement », estiment-ils encore. Jean-Christophe Sciberras invite donc le gouvernement à modifier la loi de 2006 sur l’égalité des chances afin de rendre facultative l’utilisation du CV anonyme.

De plus, pour certains candidats à un emploi, la production d’un CV, même anonyme, « ne peut être la voie privilégiée de contact avec l’entreprise car son contenu est trop pauvre », considère le groupe de travail. Il convient de mettre en valeur d’autres éléments comme la motivation, la personnalité, le savoir-faire non sanctionnés par un diplôme, et qui ne peuvent être présentés qu’à l’occasion d’un entretien d’embauche, via un intermédiaire de l’emploi ou dans le cadre d’une mise en situation de travail. Pour ce faire, le rapport propose de développer certaines démarches « non discriminantes » déjà mises en œuvre et ciblées notamment sur les jeunes rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi et les demandeurs d’emploi. Il cite, pour exemple, le dispositif national d’accompagnement vers l’emploi des jeunes issus des quartiers prioritaires, mené par la Fondation agir contre l’exclusion, grâce au « CV vidéo ». Ou encore les expérimentations de l’association France bénévolat et de l’Union nationale des missions locales. Elles visent à permettre à des jeunes non diplômés de développer des compétences qui sont valorisées par la délivrance d’un « passeport bénévole ». Elles améliorent ainsi l’image que les jeunes ont d’eux-mêmes et le passeport apporte à l’employeur la preuve de leurs compétences. Autre initiative : celle de l’association Mozaïk RH qui intervient en faveur des jeunes diplômés des quartiers prioritaires de la ville rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi. Quant aux demandeurs d’emploi, le rapport cite la méthode de recrutement par simulation utilisée par Pôle emploi. Ce mode de recrutement consiste à repérer l’ensemble des capacités nécessaires pour réaliser un travail lors d’analyses de postes en entreprise, puis à construire des exercices permettant de les évaluer chez les candidats. Ces exercices reproduisent par analogie le poste de travail et mettent donc les candidats en situation de démontrer concrètement leur capacité à tenir ce poste.

Par ailleurs, tous les membres du groupe de travail se sont accordés sur la « nécessité de renforcer la traçabilité et la transparence des procédures de recrutement ». A cet égard, ils proposent d’instituer un registre des candidatures calqué sur le registre du personnel, tenu à la disposition des délégués du personnel et de l’inspection du travail.

Instaurer une voie de recours collectif

Reprenant la recommandation du rapport de Laurence Pécaut-Rivolier de 2013(5) et s’inspirant d’une proposition de loi du député (PS) Razzy Hammadi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités(6), le groupe de travail préconise la mise en place d’un recours collectif permettant à des associations ou à des organisations syndicales de demander réparation au nom des victimes de discriminations à l’embauche ou dans l’emploi. Cependant, avant d’engager toute démarche contentieuse collective, Jean-Christophe Sciberras recommande de développer au préalable le dialogue social sur le thème de la lutte contre les discriminations. Cette mesure sera intégrée, selon Patrick Kanner, au projet de loi « Justice du 21e siècle » porté par Christiane Taubira(7), dont l’examen parlementaire devrait débuter en octobre.

Par ailleurs, comme décidé lors du comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté du 6 mars dernier, le gouvernement lancera dès cet automne une campagne de « testing » à grande échelle pour mettre en évidence les phénomènes de discrimination à l’embauche. Les modalités concrètes de cette campagne devraient être présentées avant l’été. Le gouvernement prévoit également la création, dans les entreprises de plus de 300 salariés, d’un « référent égalité des chances » qui serait désigné par la direction avec avis du comité d’entreprise. Selon le rapport, sa mission consisterait prioritairement à orienter et à accompagner les candidats ou les salariés se sentant discriminés qui pourraient souhaiter le saisir, mais il pourrait également jouer un rôle de conseil et d’expertise auprès des organisations syndicales et des managers.

Notes

(1) Rapport disponible sur http://travail-emploi.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2907 du 24-04-15, p. 5 et n° 2908 du 1-05-15, p. 8.

(3) Voir ASH n° 2869-2870 du 18-07-14, p. 40.

(4) Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 13.

(5) Voir ASH n° 2838 du 20-12-13, p. 16.

(6) Cette proposition de loi doit être examinée le 10 juin à l’Assemblée nationale.

(7) Voir ASH n° 2874 du 12-09-14, p. 11.

Côté cour

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur