Faciliter l’insertion ou la réinsertion des personnes condamnées, qu’elles soient majeures ou mineures, et prévenir la récidive en limitant les sorties de détention dépourvues de tout suivi, également appelées sorties « sèches ». Tel est l’objectif de la libération sous contrainte, dispositif créé par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Ainsi, depuis le 1er janvier 2015 (art. 54, II de la loi), toute personne condamnée à une peine privative de liberté maximale de 5 ans doit bénéficier, lorsqu’elle a effectué les deux tiers de cette peine, d’un examen de sa situation par la commission de l’application des peines en vue du prononcé éventuel, par le juge de l’application des peines (JAP) ou, s’il s’agit d’un mineur, par le juge des enfants, d’une mesure de libération sous contrainte. Celle-ci entraîne l’exécution du reliquat de peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique ou encore de la libération conditionnelle. C’est le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) – ou, pour un mineur, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – qui est chargé de contrôler le condamné pendant le déroulement de la mesure.
Les modalités de mise en œuvre de la libération sous contrainte ont été fixées par un décret du 23 décembre dernier. Puis, la ministre de la Justice et la directrice de l’administration pénitentiaire ont, dans une circulaire et une note de cadrage du 26 décembre 2014, fait une présentation détaillée de la mesure. Enfin, la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, dans une note du 8 avril dernier, a exposé les conséquences entraînées par la mise en place de la libération sous contrainte sur la prise en charge des mineurs et des jeunes majeurs par les services de la PJJ.
Selon le ministère de la Justice, les sorties « sèches » représentent 80 % des sorties de détention et 97 % des sorties de détention des personnes condamnées à une peine de moins de 6 mois d’emprisonnement. Ce, alors que 56 % des détenus passent moins de 6 mois en détention (note de cadrage du 26 décembre 2014). La chancellerie souligne encore que les sorties de détention dépourvues de tout suivi conduisent à un taux plus élevé de récidive que les sorties accompagnées. En effet, selon une étude menée en 2011, 63 % des personnes sortant de prison sans aménagement de peine font à nouveau l’objet d’une condamnation dans les 5 ans qui suivent leur libération, contre 55 % des personnes libérées dans le cadre d’un aménagement de peine sous écrou (placement à l’extérieur, semi-liberté ou surveillance électronique) et 39 % des sortants en libération conditionnelle. C’est pourquoi la libération sous contrainte a été conçue par le législateur comme une « étape normale et nécessaire » de l’exécution des courtes et moyennes peines, explique le ministère (circulaire du 26 décembre 2014).
Signalons, enfin, que la création de la libération sous contrainte a entraîné la suppression de la procédure simplifiée d’aménagement de peine et de la mesure de surveillance électronique de fin de peine mises en place par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (note d’information du 8 avril 2015).
(A noter) Pour les mineurs, c’est le juge des enfants ou le tribunal pour enfants qui exercent les fonctions du JAP. Et c’est le service de la protection judiciaire de la jeunesse qui, sauf dispositions spéciales, exerce celles qui sont dévolues au SPIP (circulaire du 26 décembre 2014 et note d’information du 8 avril 2015).
Le principe de la libération sous contrainte est posé par l’article 720 du code de procédure pénale (CPP), qui énonce que, « lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à 5 ans est examinée par le juge de l’application des peines ».
La principale condition d’accès à la libération sous contrainte est donc relative à la durée de la peine. « La volonté de faire de [ce dispositif] une étape du parcours d’exécution des peines afin de garantir la présence d’un cadre et d’un accompagnement lors de la sortie de détention a conduit le législateur à ne pas l’assortir des critères classiques d’octroi des aménagements de peine », explique la directrice de l’administration pénitentiaire. C’est pourquoi la présentation d’un projet d’insertion ou de réinsertion (exercice d’une activité professionnelle, suivi d’une formation, participation essentielle à la vie de famille…) n’est pas une condition préalable à la libération sous contrainte. L’accord exprès de la personne condamnée doit en revanche être recueilli (note de cadrage du 26 décembre 2014).
→ Le dispositif concerne les personnes condamnées, mineures ou majeures, récidivistes ou non, qui (circulaire du 26 décembre 2014) :
→ exécutent une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à 5 ans ;
→ et dont la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir.
Ce sont les greffes pénitentiaires qui sont chargés d’établir périodiquement la liste des personnes détenues éligibles à la libération sous contrainte et de la transmettre aux autorités judiciaires concernées (circulaire du 26 décembre 2014).
La durée maximale de 5 ans s’apprécie au regard du cumul des peines portées à l’écrou, qu’elles soient déjà exécutées, en cours d’exécution ou à exécuter. Seule la partie ferme de l’emprisonnement doit être prise en compte, « le législateur ayant pris soin d’évoquer les peines que la personne condamnée exécute », précise le ministère de la Justice. Ainsi, par exemple, une personne détenue en exécution de 2 peines de 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans assortis du sursis avec mise à l’épreuve est éligible à la libération sous contrainte (circulaire du 26 décembre 2014).
La loi n’ayant prévu aucune durée minimale, la libération sous contrainte concerne également les courtes peines, souligne la chancellerie. « Ce sont d’ailleurs prioritairement celles-ci, dont la durée rend rarement possible l’élaboration d’un projet d’aménagement tel que la libération conditionnelle, la semi-liberté, le placement à l’extérieur et le placement sous surveillance électronique, que la libération sous contrainte a vocation à concerner. » Les personnes détenues en exécution d’un emprisonnement résultant du non-paiement d’une peine de jours-amende ou d’une contrainte judiciaire sont également éligibles au dispositif (circulaire du 26 décembre 2014).
La personne condamnée doit avoir accompli au moins les deux tiers de sa peine. Cette durée est calculée en tenant compte des réductions de peine dont elle a effectivement bénéficié (circulaire du 26 décembre 2014). Plus précisément, explique la directrice de l’administration pénitentiaire, après imputation du crédit de réduction de peine et de la totalité des réductions supplémentaires de peine (note de cadrage du 26 décembre 2014). Un tableau, annexé à la note de cadrage du 26 décembre 2014, présente – à titre indicatif – les délais estimés d’éligibilité à la libération sous contrainte en fonction de la durée de la peine à exécuter.
Lorsqu’une mesure de libération sous contrainte a été une première fois refusée, la situation de la personne détenue doit être de nouveau examinée à ce titre si une nouvelle peine d’emprisonnement est ultérieurement portée à l’écrou et a pour conséquence de modifier la date à laquelle elle atteint les deux tiers de la peine, le quantum global devant rester inférieur ou égal à 5 ans (circulaire du 26 décembre 2014).
(A noter) Si le quantum global de la peine devient, au regard de la nouvelle peine portée à l’écrou, supérieur à 5 ans, la situation devra être examinée au titre de la libération conditionnelle (circulaire du 26 décembre 2014).
La libération sous contrainte ne s’applique pas aux personnes en aménagement de peine sous écrou (CPP, art. D. 147-19). Plus précisément, indique la chancellerie, il s’agit des personnes ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une décision d’aménagement de leur peine. Selon elle, « il ne semble en revanche pas possible d’exclure de l’examen en vue d’une libération sous contrainte les personnes ayant uniquement déposé une requête en aménagement de peine qui n’a pas encore été examinée (qu’elle soit audiencée ou non) ». Etant précisé que le juge de l’application des peines « garde toutefois son pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’octroyer ou non une libération sous contrainte lorsqu’un projet d’aménagement est en cours ». Par ailleurs, si une personne détenue s’est vu interdire de déposer une demande d’aménagement de peine avant l’expiration d’un délai déterminé, sa situation devra, à défaut de précision contraire dans la loi, être examinée en vue d’une libération sous contrainte (circulaire du 26 décembre 2014).
Le juge de l’application des peines (ou le juge des enfants pour un mineur) ne peut pas prononcer une mesure de libération sous contrainte si la personne concernée n’a pas fait préalablement connaître son accord (CPP, art. 720, al. 2).
La libération sous contrainte doit s’inscrire dans le parcours d’exécution de la peine dès l’arrivée en détention, recommande le ministère de la Justice dans sa circulaire du 26 décembre 2014, en annexe de laquelle figure un formulaire d’information sur la libération sous contrainte.
Le SPIP est chargé de recueillir l’accord de la personne condamnée par écrit avant la réunion de la commission de l’application des peines (CAP) via un formulaire de recueil du consentement annexé à la circulaire du 26 décembre 2014. L’accord porte sur le principe de la libération sous contrainte ainsi que sur les modalités précises d’exécution de la mesure (placement sous surveillance électronique, placement extérieur, semi-liberté, libération conditionnelle) (circulaire du 26 décembre 2014). S’il s’agit d’un mineur, son consentement est recueilli par le service de la PJJ en détention (note d’information du 8 avril 2015).
Pour la chancellerie, le recueil du consentement constitue l’occasion d’impliquer la personne détenue dans la préparation de la mesure (circulaire du 26 décembre 2014).
Même si la personne condamnée exprime un refus, sa situation sera obligatoirement examinée au cours d’une commission de l’application des peines. Le JAP (ou le juge des enfants) constatera alors son opposition et la mesure de libération sous contrainte ne sera pas octroyée. Le détenu ne pourra prétendre ultérieurement à bénéficier de la libération sous contrainte, sauf en cas de mise à exécution ultérieure d’une nouvelle peine d’emprisonnement ayant pour conséquence de modifier la date à laquelle il a exécuté les deux tiers de sa peine (circulaire du 26 décembre 2014).
Outre la durée de la peine et le consentement de la personne détenue, d’autres éléments doivent être pris en considération.
La présentation d’un projet d’insertion ou de réinsertion n’est pas une condition préalable au prononcé d’une libération sous contrainte, souligne le ministère de la Justice (circulaire du 26 décembre 2014). Cette mesure a en effet été conçue pour offrir un accompagnement, même de courte de durée, aux personnes sortant de détention n’ayant pas été en mesure de bâtir un projet d’insertion, et leur permettre d’accomplir des démarches sous le contrôle du SPIP (note de cadrage du 26 décembre 2014).
Ainsi, la directrice de l’administration pénitentiaire recommande que (note de cadrage du 26 décembre 2014) :
→ les personnes disposant d’un projet d’insertion ou de réinsertion, s’investissant dans la définition de celui-ci ou disposant des ressources personnelles et des capacités pour le faire, soient orientées prioritairement vers une mesure d’aménagement de peine (aménagement de peine sous écrou ou libération conditionnelle) ;
→ les personnes qui n’en disposent pas et dont la situation, au vu du reliquat de peine notamment, n’en permettra pas la construction soient au contraire dirigées vers la libération sous contrainte.
La libération sous contrainte vise à permettre aux personnes détenues ne disposant pas des ressources et des capacités pour se mobiliser dans la construction d’un projet d’aménagement de peine de bénéficier d’un accompagnement à la sortie de détention. Elle peut viser les personnes les plus fragiles socialement, le cas échéant incapables de disposer d’un logement, de trouver facilement un emploi ou une formation (circulaire du 26 décembre 2014). Par exemple, indique la directrice de l’administration pénitentiaire, un détenu qui ne serait pas à jour de ses droits sociaux (revenu de solidarité active, couverture maladie universelle…) pourrait bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte pour lui permettre de réaliser les démarches de nature à rétablir ses droits qui ne pourraient matériellement pas être effectuées pendant le temps de détention (note de cadrage du 26 décembre 2014).
Une grande dangerosité de la personne détenue ou un risque de récidive très élevé pourrait justifier une impossibilité de prononcer une libération sous contrainte, considère la chancellerie (circulaire du 26 décembre 2014).
L’entretien d’accueil réalisé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation dans les 2 jours ouvrés de l’entrée en détention doit être l’occasion d’aborder, avec la personne majeure concernée, le principe et l’objet de la libération sous contrainte. En fonction des informations recueillies, de la personnalité de l’intéressé, de son adhésion ainsi que de sa situation pénale, le SPIP réalise un premier diagnostic sur les besoins de celui-ci à sa sortie (logement, droits sociaux…) afin de construire avec lui un plan d’action individualisé en et hors détention et de mobiliser les partenaires nécessaires (note de cadrage du 26 décembre 2014).
La synthèse individuelle du bilan « Arrivants » de la commission pluridisciplinaire unique(1), rédigée à l’attention de la personne détenue et qui doit être portée à sa connaissance, doit intégrer les pistes évoquées. Puis, un ou plusieurs entretiens doivent permettre de définir avec elle les modalités précises et adaptées de sa sortie (note de cadrage du 26 décembre 2014).
Pour un mineur, le service éducatif de la PJJ en détention doit définir, en collaboration avec les services de l’administration pénitentiaire, de l’Education nationale et éventuellement de la santé, les axes structurants d’un projet de sortie (hébergement, insertion, soins, rescolarisation…) en associant, outre le mineur détenu, son avocat et sa famille. L’élaboration de ce projet de sortie doit être engagée dès l’arrivée du mineur en détention et fait l’objet d’adaptations en fonction de l’évolution de sa situation (note d’information du 8 avril 2015).
Lorsqu’un mineur est éligible à une libération sous contrainte, l’éducateur chargé du suivi éducatif en détention évalue sa faisabilité, le cas échéant en concertation avec le service de milieu ouvert habituellement mandaté. Il détermine, conjointement avec le(s) service(s) et établissement(s) chargé(s) de son exécution, la forme et les modalités pratiques de mise en œuvre. En effet, celles-ci doivent être particulièrement adaptées, selon que la libération sous contrainte sera réalisée sous écrou (placement sous surveillance électronique, placement extérieur, semi-liberté) ou non (liberté conditionnelle). De même, les modalités de contrôle des obligations du mineur doivent être prévues. Dans le cadre de l’étude de faisabilité, le service éducatif de la PJJ apprécie de manière pluridisciplinaire tout d’abord l’opportunité éducative de la libération sous contrainte du mineur. En matière de mise sous surveillance électronique notamment, il doit évaluer le degré de maturité du mineur et s’interroger sur sa capacité à intérioriser les limites « virtuelles » et différées de cette surveillance (note d’information du 8 avril 2015).
En lien avec le milieu ouvert habituellement en charge du suivi du mineur, le service éducatif de la PJJ en détention doit réunir l’ensemble des pièces nécessaires à l’élaboration du dossier de faisabilité, qui sera ensuite soumis à la commission de l’application des peines (voir ci-contre) : justificatif d’hébergement, accord du maître des lieux en cas de projet de libération sous le régime du placement sous surveillance électronique, accord de la structure d’accueil en cas de projet de libération sous le régime du placement extérieur, modalités pratiques de mise en œuvre d’un placement sous surveillance électronique dans le cadre d’un hébergement collectif, etc. (note d’information du 8 avril 2015).
La loi du 15 août 2014 a prévu un examen obligatoire de la situation de la personne concernée en commission de l’application des peines en vue d’un éventuel prononcé de la libération sous contrainte par le juge de l’application des peines (ou le juge des enfants pour un mineur). A défaut, une mesure de libération sous contrainte peut être prononcée par le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel.
(A noter) Préalablement à la tenue de la commission de l’application des peines, la personne détenue susceptible d’être admise au bénéfice de la libération sous contrainte peut bénéficier d’une permission de sortie, d’une durée maximale d’une journée, en vue d’une présentation à des employeurs éventuels (CPP, art. D. 143).
La situation du détenu doit être examinée par le juge de l’application des peines – ou, s’il s’agit d’un mineur, par le juge des enfants – en commission de l’application des peines (CPP, art. 720, al. 2).
Le juge peut ordonner la comparution de la personne détenue devant la commission pour entendre ses observations et, le cas échéant, celles de son avocat. Ce dernier peut également transmettre des observations écrites (CPP, art. 720, al. 2). Si la personne condamnée ou son avocat demande à être entendu, le juge peut décider d’y faire droit s’il estime que cette présence est nécessaire pour examiner utilement le dossier (circulaire du 26 décembre 2014).
En application de l’article 712-16 du code de procédure pénale, le JAP (ou le juge des enfants) peut ordonner des actes d’investigation complémentaires (examens, auditions, enquêtes, expertises, réquisitions) en amont de la réunion de la commission ou à l’occasion de celle-ci (circulaire du 26 décembre 2014).
La commission de l’application des peines est présidée par le juge de l’application des peines ou le juge des enfants pour les mineurs. Le procureur de la République et le chef d’établissement pénitentiaire en sont membres de droit. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation y est représenté (CPP, art. 712-5, al. 3). En pratique, un membre du SPIP pourra être chargé de rapporter l’avis du service sur la totalité des dossiers évoqués lors d’une même CAP après avoir recueilli les éléments nécessaires auprès de ses collègues. Sont également présents lors de la commission des éducateurs de la PJJ s’il s’agit de mineurs, ainsi qu’un personnel du greffe de l’établissement pénitentiaire chargé, notamment, d’éditer la décision prise et de la notifier au condamné (circulaire du 26 décembre 2014 ; note d’information du 8 avril 2015).
Lors de l’examen en commission, les autorités judiciaires et les services pénitentiaires doivent disposer d’un dossier contenant l’ensemble des éléments utiles à la prise de décision. Ce dossier comporte (circulaire du 26 décembre 2014) :
→ les pièces prévues à l’article D. 77 du code de procédure pénale. Plus particulièrement, indique la chancellerie, il s’agit de :
– la copie de la décision de condamnation,
– s’il y a lieu, la copie de la décision sur les intérêts civils,
– le cas échéant, la copie du rapport de l’enquête ou des enquêtes sur la personnalité, la situation matérielle, familiale ou sociale de l’intéressé,
– la copie du rapport de l’examen ou des examens médicaux, psychiatriques ou médico-psychologiques auxquels il aurait été éventuellement procédé en vertu d’une décision judiciaire,
– la copie du réquisitoire définitif,
– le bulletin n° 1 du casier judiciaire de la personne condamnée ;
→ une fiche pénale à jour ;
→ les éventuelles expertises ordonnées par la juridiction de l’application des peines ;
→ l’avis de l’administration pénitentiaire. Celle-ci doit transmettre au juge, par tout moyen, avant la réunion de la commission de l’application des peines, un avis écrit sur l’opportunité d’accorder ou non une libération sous contrainte et sur la nature de la mesure ;
→ les pièces nécessaires au vu de la nature de la mesure envisagée (justificatif d’hébergement, accord du maître des lieux en cas de projet de libération sous le régime du placement sous surveillance électronique, accord de la structure d’accueil en cas de projet de libération sous le régime du placement extérieur…) ;
→ l’avis du détenu (voir page51).
L’examen par la commission de l’application des peines ne peut pas être anticipé avant l’exécution des deux tiers de la peine. Il doit avoir lieu dans les meilleurs délais à compter de l’éligibilité de la personne condamnée à la libération sous contrainte et en particulier dans un délai de 1 à 2 mois en fonction du reliquat de peine restant à subir, recommande la chancellerie. Ce, en raison des délais de saisine ou d’autosaisine du président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel (voir page 55) (circulaire du 26 décembre 2014).
Le choix des dates de réunion de la commission fait l’objet d’une concertation entre l’administration pénitentiaire et les autorités judiciaires, sous réserve de l’inscription de la situation de la personne condamnée au rôle de la CAP(2) dans des délais compatibles avec sa situation pénale, de préférence au rôle de la « première CAP utile » dès la date d’accomplissement des deux tiers de la peine (note de cadrage du 26 décembre 2014).
La décision relève de la compétence du juge de l’application des peines (ou du juge des enfants) ou, à défaut, du président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel.
A l’issue de l’examen en commission de l’application des peines, le JAP ou, s’il s’agit d’un mineur, le juge des enfants décide, par ordonnance motivée, de prononcer ou non une mesure de libération sous contrainte (CPP, art. 720, al. 2).
Il dispose d’un pouvoir d’appréciation qui s’exerce dans le respect de l’article 707 du code de procédure pénale. Autrement dit, il doit prendre en considération, d’une part, la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée ainsi que, d’autre part, l’objectif de réinsertion dans le respect des intérêts de la société et en vue d’éviter la récidive (CPP, art. 720, al. 2 ; circulaire du 26 décembre 2014).
Lorsque le juge octroie la libération sous contrainte, il peut décider que l’exécution du reliquat de peine s’effectuera sous le régime (CPP, art. 720, al. 3) :
→ de la semi-liberté ;
→ du placement à l’extérieur ;
→ du placement sous surveillance électronique ;
→ ou de la libération conditionnelle.
Le juge peut également opter pour un placement sous surveillance électronique, une semi-liberté ou un placement à l’extérieur probatoires à une libération conditionnelle (circulaire du 26 décembre 2014).
Dans la même décision, le juge doit fixer les modalités précises d’exécution de la mesure, telles que sa date d’exécution, les horaires de sortie, le lieu d’écrou… Il doit également préciser les obligations et les interdictions, identiques à celles qui sont susceptibles d’être prononcées pour la mesure dont la libération sous contrainte emprunte le régime (circulaire du 26 décembre 2014).
La décision d’octroi ou de refus est susceptible d’appel par le procureur de la République, dans les 24 heures suivant sa notification, devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel (CPP, art. 712-11, al. 1 et 2 ; art. 712-12). La mise à exécution de la libération sous contrainte ne peut donc intervenir avant l’expiration du délai de 24 heures à compter de la notification de la décision au magistrat du ministère public, en l’absence de visa de ce dernier indiquant qu’il ne fait pas appel. Si le procureur de la République fait appel dans les 24 heures de la notification, il en informe immédiatement le juge et le chef de l’établissement pénitentiaire. Le délai de 24 heures expire à minuit, le lendemain du jour où la décision a été notifiée (CPP, art. D. 49-40).
A défaut d’examen de la situation de la personne condamnée, le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel peut, d’office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, prononcer une mesure de libération sous contrainte selon les mêmes modalités que le JAP ou le juge des enfants (CPP, art. 720, al. 4). Plus précisément, cette saisine ou autosaisine intervient lorsque le juge n’a pas rendu de décision statuant sur la libération sous contrainte à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter du jour où les deux tiers de la peine ont été accomplis si le reliquat de peine à subir est supérieur à un an, et dans un délai de 1 mois dans le cas contraire (CPP, D. 147-18).
La saisine par le condamné se fait par lettre recommandée avec accusé de réception ou au moyen d’une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire (CPP, D. 147-18).
Comme pour un examen devant la commission de l’application des peines, le greffe pénitentiaire est chargé de rassembler en amont de la décision l’ensemble des éléments permettant l’examen du dossier (voir page 54) (circulaire du 26 décembre 2014).
Le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel rend sa décision dans le mois de sa saisine (CPP, D. 147-18).
La libération sous contrainte entraîne l’exécution du reliquat de peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. Les conséquences de l’inobservation de ces mesures sont prévues par le code de procédure pénale (CPP, art. 720, al. 3).
A compter de l’octroi de la libération sous contrainte, c’est le régime de droit commun relatif aux aménagements de peine qui a vocation à s’appliquer à toutes les étapes de la mesure (modifications d’obligations, suspension de la mesure, gestion des incidents, violation des obligations…), indique la chancellerie (circulaire du 26 décembre 2014). Elle rappelle, à titre d’exemple, les règles applicables en cas de :
→ modification – ou refus de modification – de la mesure venant en appui de la libération sous contrainte ;
→ suspension ou fractionnement de cette mesure ;
→ substitution de cette mesure.
La libération sous contrainte peut être modifiée quant au contenu de ses obligations et interdictions, conformément à l’article 712-8 du code de procédure pénale (circulaire du 26 décembre 2014). Plus précisément, selon ce texte, les décisions modifiant ou refusant de modifier le placement à l’extérieur, la semi-liberté, le placement sous surveillance électronique ou la libération conditionnelle ou encore les obligations résultant de ces mesures sont prises par ordonnance motivée du JAP ou du juge des enfants, sauf si le procureur de la République demande qu’elles fassent l’objet d’un jugement pris après débat contradictoire (CPP, art. 712-8, al. 1). Toutefois, pour l’exécution d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou de placement sous surveillance électronique, le juge peut, dans sa décision, autoriser le chef d’établissement pénitentiaire, le directeur du SPIP ou, s’agissant des mineurs, le directeur régional de la protection judiciaire de la jeunesse, à modifier les horaires d’entrée ou de sortie du condamné de l’établissement pénitentiaire, ou de sa présence en un lieu déterminé, lorsqu’il s’agit de modifications qui lui sont favorables et qui ne touchent pas à l’équilibre de la mesure. Le juge doit être informé sans délai des modifications ainsi opérées et peut les annuler par ordonnance non susceptible de recours (CPP, art. 712-8, al. 2).
La peine exécutée sous le régime de la libération sous contrainte peut faire l’objet d’une suspension ou d’un fractionnement en application de l’article 720-1 du code de procédure pénale (circulaire du 26 décembre 2014). D’après ce texte, en matière correctionnelle, lorsqu’il reste à subir par la personne condamnée une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 2 ans, cette peine peut, pour motif d’ordre médical, familial, professionnel ou social et pendant une période n’excédant pas 4 ans, être suspendue ou exécutée par fractions, aucune de ces fractions ne pouvant être inférieure à 2 jours. Le seuil de 2 ans est porté à 4 ans lorsque la suspension pour raison familiale s’applique soit à une personne condamnée exerçant l’autorité parentale sur un enfant de moins de 10 ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle, soit à une femme enceinte de plus de 12 semaines (CPP, art. 720-1).
Une substitution de la mesure venant en soutien de la libération sous contrainte peut être décidée par le biais d’un débat contradictoire, conformément à l’article 712-6 du code de procédure pénale. « Il s’agira, explique la chancellerie, de procéder au retrait ou à la révocation de la mesure qui vient en soutien de la libération sous contrainte, sous réserve que les conditions légales soient réunies, et de prononcer une nouvelle mesure » (circulaire du 26 décembre 2014). Pour mémoire, cette procédure implique un débat contradictoire en chambre du conseil au cours duquel le juge entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat (CPP, art. 712-6, al. 1).
Pour les majeurs, c’est le service pénitentiaire d’insertion et de probation qui est chargé de veiller à la mise en œuvre de la libération sous contrainte et du respect de ses obligations par la personne condamnée. Il doit aviser le juge de l’application des peines des manquements constatés. Un plan de suivi individualisé doit être immédiatement défini avec la personne concernée et progressivement mis en place. Il est précédé par une évaluation des besoins et des risques ainsi que de la réceptivité de la personne. Ce plan fixe des étapes et des échéances ainsi que les modalités de prise en charge par le SPIP et peut, si nécessaire, être réévalué et adapté (circulaire du 26 décembre 2014).
Les mineurs bénéficiant d’une libération sous contrainte sont soumis, eux, « à un contrôle renforcé de la part de la PJJ ». Pour ce faire, le(s) service(s) et établissement(s) chargé(s) de l’exécution de la mesure doivent prévoir, avec le mineur et sa famille, les étapes et échéances du dispositif et en rappeler régulièrement les objectifs. Pour favoriser l’individualisation de la prise en charge, les modalités de mise en œuvre de la libération sous contrainte sont évaluées régulièrement, conjointement avec l’ensemble des acteurs en charge du suivi. Le service de milieu ouvert, socle de la prise en charge, assure la coordination des différentes interventions. Enfin, l’éducateur référent assure le suivi du déroulement de la mesure, en veillant notamment au respect de ses obligations par le mineur condamné. La direction de la PJJ rappelle, en particulier, que le mineur qui, dans le cadre d’une libération sous contrainte sous la forme d’un placement extérieur ou d’un placement sous surveillance électronique notamment, ne réintègre pas l’établissement de placement à l’heure fixée par la décision judiciaire est considéré en évasion. Dans tous les cas, les services de la PJJ compétents ont pour mission d’assurer un contrôle strict et d’informer les autorités compétentes de tout incident à la mise en œuvre de la mesure (note du 8 avril 2015).
En l’absence d’incident, la libération sous contrainte prend fin à l’issue de l’exécution de la ou des peines qu’elle assortissait et de la même manière que l’aménagement de peine dont elle emprunte le régime, indique la chancellerie (circulaire du 26 décembre 2014).
En cas d’incident, le juge de l’application des peines (ou le juge des enfants) peut prendre toute mesure utile à l’appréhension de la personne placée sous-main de justice. Selon le cas, il peut s’agir d’un mandat d’amener, d’un mandat d’arrêt, d’un placement en retenue, d’une ordonnance d’incarcération provisoire, etc. (circulaire du 26 décembre 2014).
En outre, une révocation, dans le cas d’une libération sous contrainte sous la forme d’une libération conditionnelle, ou un retrait, dans le cas d’une libération sous contrainte sous la forme d’un aménagement de peine sous écrou, peut également intervenir en cas d’incident. La libération sous contrainte est alors révoquée ou retirée selon les conditions de la mesure sous laquelle elle est exécutée, c’est-à-dire pour mauvaise conduite ou inconduite notoire, commission d’une nouvelle infraction ayant entraîné une condamnation, refus d’une modification nécessaire aux conditions d’exécution ou encore à la demande du condamné (circulaire du 26 décembre 2014).
Bénéficiaires. Sont éligibles à une libération sous contrainte les personnes majeures ou mineures qui exécutent une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à 5 ans et qui en ont accompli les deux tiers.
Examen obligatoire. La libération sous contrainte peut être octroyée par le juge de l’application des peines ou le juge des enfants après un examen obligatoire de la situation de la personne détenue par la commission de l’application des peines.
Accord exprès du condamné. La libération sous contrainte ne peut être prononcée si la personne détenue n’a pas fait préalablement connaître son accord.
Exécution du reliquat de peine. La libération sous contrainte entraîne l’exécution du reliquat de peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. Le suivi du condamné est assuré, selon qu’il est majeur ou non, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation ou la protection judiciaire de la jeunesse.
Mesures transitoires. La libération sous contrainte est entrée en vigueur le 1er janvier 2015. La situation des personnes ayant effectué les deux tiers de leur peine avant cette date doit être examinée par la commission de l’application des peines avant le 1er janvier 2016.
• Loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 54, J.O. du 17-08-14.
• Code de procédure pénale, art. 712-5, al. 3, art. 712-6, al. 1, art. 712-8, art. 712-11, al. 1 et 2, art. 712-12, art. 720, art. 720-1, art. D.49-40, art. D. 143 et art. D. 147-17 à D. 147-19.
• Circulaire du 26 décembre 2014, NOR : JUSD1431153C, B.O.M.J. complémentaire du 15-01-15.
• Note de cadrage du 26 décembre 2014, NOR : JUSK1540005N, B.O.M.J. n° 2015-01 du 30-01-15.
• Note d’information du 8 avril 2015, NOR : JUSF1509101N, B.O.M.J. n° 2015-04 du 30-04-15.
Qui est compétent pour élaborer le projet de sortie d’un détenu lorsque celui-ci devient majeur au cours de sa détention ? Si le service de milieu ouvert habituellement chargé du suivi du mineur n’est pas dessaisi lors du passage à la majorité par le juge des enfants ou par le tribunal pour enfants, ce service est alors habilité à préparer le projet de sortie dans le cadre de la libération sous contrainte en lien avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) compétent. Si le tribunal pour enfants ou le juge des enfants désigne le SPIP, ou encore s’il se dessaisit au profit du juge de l’application des peines, le service de milieu ouvert de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) habituellement chargé du suivi devra alors coordonner son action avec le service éducatif de la PJJ en détention afin d’adresser tous les éléments nécessaires au SPIP compétent.
Pour les condamnées ayant, au 1er janvier 2015, déjà accompli au moins le double de la durée de la peine restant à subir, la mesure de libération sous contrainte doit être mise en œuvre dans un délai de 1 an (art. 54, IV de la loi). Pour déterminer si une personne relève de cette mesure transitoire, sa situation pénale doit être examinée au 31 décembre 2014 à 24 heures. La commission de l’application des peines (CAP) doit être programmée dans un délai ayant du sens au regard du reliquat de peine, les fins de peine les plus proches devant être examinées « dans les plus brefs délais » (circulaire du 26 décembre 2014).
En cas de non-examen de la situation du condamné par la CAP, la saisine du président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel ne sera possible qu’à partir du 1er janvier 2016 (circulaire du 26 décembre 2014).
(1) Dans chaque établissement pénitentiaire, une commission pluridisciplinaire unique, présidée par le chef d’établissement, est obligatoirement consultée pour avis sur les parcours d’exécution de peine des personnes détenues. Elle est notamment chargée de l’examen de la situation des personnes détenues arrivantes à l’issue de la phase d’accueil.
(2) Document où sont inscrits, par ordre chronologique, les dossiers qui sont amenés à être examinés par la CAP.