Pourquoi faut-il une expérimentation, comme le prévoit le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, pour relancer les services polyvalents d’accompagnement et de soins à domicile (Spasad) ? La question posée par l’Assemblée des départements de France (ADF) peut surprendre, tant la seconde génération de ces dispositifs promet de bousculer les schémas administratifs en vigueur.
Pourtant, le projet de loi ne fait que reprendre la définition des Spasad issue des travaux sur la refondation de l’aide à domicile, engagés en septembre 2011 par un collectif de 14 organisations emmené par l’ADF(1). Lesquels ont notamment débouché sur l’expérimentation, dans une quinzaine de départements, d’un nouveau système de financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Il s’agit de passer via un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, du tarif horaire à un forfait global calculé selon le niveau moyen de dépendance des usagers du service. De quoi redonner de la souplesse dans les accompagnements et, surtout, préparer la constitution des Spasad.
Cependant, alors que cette phase de test aurait dû s’achever à la fin 2014, l’engagement tardif de l’Etat dans son évaluation a conduit à la prolonger jusqu’au 1er janvier 2016. Soit après le vote définitif du projet de la loi d’adaptation de la société au vieillissement promis avant dé cembre 2015(2). Ce chevauchement des calendriers est à l’origine de l’expérimentation des Spasad et de la colère de l’ADF : « L’Etat ne peut se prévaloir de ses retards pour ne pas traduire les avancées en amendements au projet de loi d’adaptation au vieillissement », écrit-elle notamment(3).
Selon Jean-Pierre Hardy, directeur délégué aux solidarités et au développement social à l’ADF, « une expérimentation s’impose d’autant moins que le modèle économique et médico-social des Spasad, proposé en commun par l’ADF, la Croix-Rouge, la FEHAP [Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs] et l’UNA [Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles] est désormais possible et viable ». Forfait global pour le soin, forfait global dépendance pour l’aide à domicile, budget pour les actions de prévention, le tout inséré dans un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Ni plus ni moins le modèle retenu dans le projet de loi. « Comme pour les réformes de la tarification des EHPAD ou des services de protection juridique des majeurs, il suffisait de donner une base réglementaire au dispositif et de le laisser se déployer librement sur le terrain, en renvoyant à un bilan pour d’éventuels ajustements parlementaires », déplore Jean-Pierre Hardy.
De fait, des mois seront nécessaires pour que les nouveaux conseils départementaux se repositionnent sur le sujet, qui plus est dans un contexte où les interrogations sur leur devenir après 2020 subsisteront(4). « Dans ces conditions, il est peu probable qu’ils se lancent dans de nouvelles expérimentations, surtout s’il plane sur elles le risque de revenir en arrière », estime Jean-Pierre Hardy.
Par ailleurs, l’ADF, qui vient d’élire, le 13 mai, à sa présidence Dominique Bussereau, président du conseil départemental de Charente-Maritime (UMP), fera-t-elle preuve du même volontarisme sur le sujet qu’à l’époque de son prédécesseur, Claudy Lebreton (PS) ?
(2) Adopté en première lecture le 9 mars au Sénat, le projet de loi devrait être examiné cet été en deuxième lecture par l’Assemblée nationale.
(3) « Bilan de la refondation de l’aide à domicile préconisée par l’ADF et les principales fédérations représentatives des services prestataires » – Note d’information de l’ADF au président de la Ve chambre de la Cour des comptes, 2014.
(4) Selon les caractéristiques des territoires, en 2020, les conseils départementaux soit seront maintenus, soit fusionneront avec une métropole, soit seront remplacés par une fédération d’intercommunalités.