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« Défendre les droits des détenus pour encourager la réinsertion »

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L’association Avocats pour la défense des droits des détenus(1) vient de se créer pour diffuser les pratiques et la connaissance en matière d’application du droit pénitentiaire, un droit relativement nouveau. Explications de son président, Sylvain Gauché, avocat au barreau de Grenoble.
Comment l’association est-elle née ?

A l’automne 2013, Nicolas Ferran, responsable du contentieux à l’Observatoire international des prisons (OIP), avait émis l’idée qu’un certain nombre d’avocats en contact régulier avec l’association pourraient se regrouper en réseau pour diffuser, partager les pratiques et les connaissances en matière de droit pénitentiaire de manière informelle, dans le cadre d’un réseau. Celui-ci, en effet, est un droit relativement nouveau : le premier tournant de la jurisprudence a été marqué par l’« arrêt Marie » du 17 février 1995 du Conseil d’Etat, qui a estimé que le placement en cellule disciplinaire pouvait faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Mais les avocats ont dû attendre la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration pour avoir accès aux commissions de discipline des établissements pénitentiaires. Récemment, nous avons pourtant dû prendre position, à titre individuel, contre le refus opposé par l’administration à un confrère qui souhaitait assister son client convoqué devant une commission de discipline. Nous avons alors voulu nous constituer en association, sur le modèle d’« Avocats pour la défense des droits des étrangers » (ADDE), pour pouvoir, notamment, intervenir en justice quand les droits de la défense sont lésés. « Avocats pour la défense des droits des détenus » (A3D) est née le 9 mai dernier, en marge d’un colloque de défense pénale organisé par le Syndicat des avocats de France, dont beaucoup de nos adhérents sont membres(2). Notre objectif est de travailler à très long terme, en organisant également des formations en droit pénitentiaire ou en y participant.

La défense des détenus est-elle une pratique courante pour les avocats ?

La question de la formation – ceux qui ont accès à la détention sont des pénalistes alors que le droit pénitentiaire est du droit public – ne rend pas la démarche évidente. Par exemple, on constate un taux très faible de recours pour les décisions disciplinaires. Il y a une grande marge de progression ! Hormis pour les permanences « commission de discipline » et « application des peines », l’avocat commis d’office est rare en détention. Pour les autres contentieux, il s’agit très souvent d’un travail effectué au titre de l’aide juridictionnelle. Les avocats ont, par ailleurs, des pratiques différentes. Lors du colloque « Défendre en justice la cause des personnes détenues », organisé en janvier 2013 par l’OIP, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme et le Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux de l’université Paris-X, j’ai ainsi été frappé par l’intervention du professeur Martine Herzog-Evans, qui a étudié le comportement des avocats et isolé deux « idéaux-types », l’avocat « classique » et l’avocat « holistique » qui assistera, dans la mesure du possible, une personne du début de sa garde à vue jusqu’à sa sortie de prison.

Sur quels terrains les avocats défendent-ils les détenus ?

Sur le travail en prison – quand, par exemple, le salaire minimum prévu par l’article D.432-1 du code de procédure pénale n’est pas respecté –, l’accès à la santé, les conditions de détention… La loi pénitentiaire, qui a encadré les fouilles corporelles systématiques, fournit un contentieux abondant sur ce sujet. Nous intervenons aussi dans le champ de l’exécution et de l’application des peines, sachant que la sanction disciplinaire d’un détenu a des conséquences sur l’aménagement ou la réduction de sa peine. Il y a beaucoup de travail à mener pour faire respecter le droit à un procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme. En outre, beaucoup de décisions disciplinaires débouchent pour certains faits sur une triple sanction : administrative, le retrait d’un crédit de réduction de peines, sans procédure contradictoire, et le jugement en tribunal correctionnel. Cela ne facilite pas la réinsertion. Quand un détenu est lésé sur son salaire, le prix de la télévision ou de la cantine, on ne peut pas dire non plus que le fonctionnement de la prison soit optimal pour lutter contre la récidive. La défense des droits des détenus est un chantier immense pour encourager la réinsertion.

Notes

(1) Maison de l’avocat : 45, rue Pierre-Semard – 38000 Grenoble – sylvain.gauche@avocat-conseil.fr (courriel provisoire).

(2) Le SAF est membre observateur d’A3D, comme l’OIP ou Martine Herzog-Evans.

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