Dès leur création officielle en 1976, les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) relèvent d’une réglementation spécifique qui leur donne une place particulière dans le paysage médico-social : l’annexe 32 bis du décret du 15 avril 1976 qui encadre leurs conditions techniques de fonctionnement. Or cette particularité n’a pas entièrement été prise en compte par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et la loi du 11 février 2015 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui les ont en partie assimilés aux établissements d’éducation spécialisée soumis aux annexes 24 du code de la sécurité sociale – instituts médico-éducatifs, instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques ou services d’éducation spécialisée et de soins à domicile. Une imprécision qui n’a pas été sans conséquences.
En premier lieu sur les transports. « Pendant des décennies, il n’y a eu aucun problème pour que, après accord du contrôle médical, les familles soient remboursées à 100 % des frais de transport de leurs enfants jusqu’au CAMSP, que le trajet ait eu lieu en véhicule personnel, en transport en commun ou en taxi », explique Marcel Hartmann, vice-président de l’Association nationale des équipes contribuant à l’action médico-sociale précoce (Anecamsp). Or, à la suite de la loi de 2005, certaines caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) ont commencé à contester le remboursement, arguant du fait que, comme les structures des annexes 24, les CAMSP devaient prendre en charge eux-mêmes les transports. Les centres n’en ayant pas les moyens, des familles ont dû interrompre la prise en charge de leur enfant. Après des années de bataille juridique avec le soutien des grandes associations du secteur et de nombreuses démarches auprès des ministères successifs, le décret du 26 mai 2014 précise désormais que les frais de transport des enfants suivis en CAMSP sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. « Globalement le problème est réglé, mais il reste quelques CPAM récalcitrantes qui se montrent d’autant plus réfractaires que le document CERFA de demande de remboursement auprès de l’assurance maladie, qui a bien été homologué par le ministère fin 2014, n’est toujours pas disponible », dénonce Marcel Hartmann.
Comme pour les transports, des dispositions réglementaires prises après la loi 2002-2 ne différencient pas la gestion de la prise en charge complémentaire des CAMSP de celle des établissements relevant des annexes 24. Autrement dit, tous les frais médicaux liés à la pathologie de l’enfant doivent être pris en charge par le CAMSP – ce qui n’était pas le cas jusque-là. « Lorsque le centre, après avoir réalisé le bilan, posé le diagnostic et défini un projet de prise en charge adapté, réalise l’accompagnement avec sa propre équipe, il n’y a pas de problème », explique Marcel Hartmann. Dans certains cas de figure, toutefois, l’équipe est contrainte de faire appel à un professionnel libéral – par exemple, lorsque l’enfant a besoin d’un suivi en orthophonie mais que les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous avec l’orthophoniste du CAMSP sont trop longs. « Or, au motif qu’un orthophoniste fait partie de l’équipe du centre, certaines CPAM, certes minoritaires mais de plus en plus nombreuses, refusent de prendre en charge ce professionnel et font donc retomber cette charge financière sur les CAMSP – sauf qu’ils n’en ont pas les moyens ! », se désole Marcel Hartmann. Et de déplorer « l’aberration » de la situation : « Soit les enfants attendent pendant des mois, voire des années, qu’un professionnel du CAMSP se libère au préjudice de leur développement, soit les parents sont sommés d’abandonner le CAMSP pour une prise en charge libérale. » Le même type de difficulté se pose lorsqu’un enfant arrive au CAMSP avec son propre kinésithérapeute (ou orthophoniste) avec lequel il souhaite poursuivre les soins : du fait de ces contraintes budgétaires, le CAMSP n’a d’autres choix que de le pousser à adopter le professionnel de son équipe pour éviter d’avoir à assumer la prise en charge libérale sur son propre budget. Cas de figure semblable quand un enfant a besoin d’un professionnel très spécialisé dont les compétences ne font pas partie du plateau technique du CAMSP : « Bien que ce soit nécessaire dans l’intérêt de l’enfant, le centre n’a pas les ressources pour le financer », observe Marcel Hartmann.
D’où la revendication d’un texte réglementaire qui, comme pour les transports, viendrait clarifier la situation dans le sens « du maintien durable des possibilités de recours à des prises en charge complémentaires prescrites par le médecin du CAMSP financées par l’assurance maladie et coordonnées par les CAMSP », comme le demande l’Anecamsp dans un courrier adressé cet automne à la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées. Si, dans sa réponse du 28 janvier, Ségolène Neuville promet de prendre en compte les « problèmes et propositions formulés », aucune mesure concrète n’a, pour l’instant, été annoncée.