La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) l’affirme dans une récente circulaire relative à la mise en œuvre de l’alternance intégrative – qui articule enseignements théoriques et stages – pour les formations diplômantes du travail social : ce processus « doit être conservé » mais « il doit évoluer en fonction des compétences [aujourd’hui] attendues [des travailleurs sociaux] ». Un constat qui rejoint celui du groupe de travail national « formation initiale et continue » des « états généraux du travail social » (1). En outre, insiste-t-elle, « l’approche collective des interventions doit être renforcée du fait des évolutions rapides que connaît désormais le travail social, conséquences de la transformation et de la complexification de la question sociale ». La formation actuelle des travailleurs sociaux comprend plusieurs stages successifs, qui doivent permettre à l’étudiant de construire progressivement son parcours. Si le stage long clôturant le parcours de formation, réalisé dans une structure unique, « conserve toute sa pertinence », souligne la DGCS, « des alternatives […] peuvent être recherchées afin de diversifier, en termes de lieux, de pratiques et de publics, le corpus de compétences acquises par l’étudiant au cours de son cursus de formation ». Pour les étudiants qui ne justifient pas de la durée de stage requise pour l’obtention de leur diplôme, elle prévoit, à titre dérogatoire, la possibilité de les présenter aux jurys de certification finale. Ces deux derniers principes répondent ainsi aux revendications de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) (2).
En guise d’alternative au stage long de fin de formation, l’administration suggère, par exemple, de proposer aux étudiants des stages pluri-institutionnels. Accueillis successivement dans des structures différentes, ils pourront ainsi appréhender, sous divers aspects directement connectés à la nature de la structure d’accueil, la thématique structurante de leur projet. Le point d’entrée de la thématique pourra être lié :
→ à un territoire (par exemple, approche territoriale de l’animation-coordination des acteurs) et être travaillé à partir d’un centre communal d’action sociale, un service politique de la ville… ;
→ à une problématique (prise en compte de l’expertise des personnes concernées…) et être travaillé à partir de diverses structures, telles que les groupes d’entraide mutuelle, les associations de santé communautaire ou de lutte contre l’exclusion ;
→ à un public spécifique, appréhendé par l’implication de l’étudiant dans différentes structures d’accompagnement ou d’accueil (jeune enfant en situation de handicap, mineurs isolés étrangers…).
Dans ce cadre, différentes conventions de stage pourront être signées successivement avec chacune des structures d’accueil, avec un fil conducteur constitué par le projet que l’étudiant aura élaboré avec l’appui de l’établissement de formation et les sites qualifiants, souligne la circulaire. Ce qui implique soit que l’un des sites qualifiants soit désigné « chef de file » pour assurer le suivi et la cohérence du projet de l’étudiant, soit que l’établissement de formation assure lui-même ce rôle de mise en cohérence de l’ensemble du parcours de l’étudiant.
Pour la DGCS, les futurs professionnels doivent apprendre à « gérer des situations dans leur globalité, dans une approche systémique des sujets. Les compétences requises relèvent de l’action (savoir, savoir-faire), mais aussi de compétences de gestion de l’action ». Il faut donc, selon elle, leur permettre de « développer leur capacité “d’apprendre à apprendre”, leur réflexivité ainsi que leur capacité à transférer et adapter les apprentissages, dans des situations et contextes différents ». La coopération entre acteurs du champ de la formation et employeurs doit ainsi conduire à « repérer des situations variées, voire complexes, potentiellement vectrices d’apprentissages afin de construire des parcours de formation professionnalisants et innovants dans l’acquisition de l’expérience ». Et ainsi « faire émerger de nouveaux viviers de terrains d’accueil potentiels qui sont soit peu sollicités, soit plus enclins à répondre positivement à des sollicitations qui les impliquent sur des durées plus en adéquation avec leur capacité à mobiliser des professionnels en position d’accompagnement des étudiants ».
Parmi les pistes identifiées avec les établissements de formation, comme « complémentaires à la période de stage accompli », la DGCS propose d’expérimenter l’idée suivante : « confier à un groupe d’étudiants la réalisation d’un projet collectif (réalisation d’un diagnostic social de territoire, conception d’un projet de mise en réseau des acteurs, travail préparatoire à l’élaboration d’un projet de développement social, diagnostic de la gouvernance locale d’un dispositif…) s’appuyant sur une problématique de terrain et devant permettre de mobiliser les éléments de connaissance acquis dans le cadre de la formation théorique dispensée aux étudiants ». Un projet qui ne pourrait toutefois être proposé qu’à des étudiants en fin de cycle de formation (3). Cette démarche – qui, à terme, pourrait être intégrée dans les projets pédagogiques des établissements de formation – a le mérite de mettre les étudiants dans une situation de travail collectif, un « aspect aujourd’hui identifié comme devant être renforcé dans la formation des professionnels du champ social », rappelle l’administration. Assurant que « la réalisation d’un projet de ce type sera reconnue et valorisée comme constitutive de la pratique professionnelle et de ce fait, pourra se substituer en termes d’équivalent-temps à un stage ».
Afin d’assurer la continuité des parcours de formation des étudiants, il convient d’impliquer tous les acteurs institutionnels, martèle la DGCS. Il appartient ainsi aux directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et, le cas échéant, les conseils régionaux, de mobiliser l’ensemble des structures susceptibles de constituer des terrains de stage parmi les services de l’Etat (Justice, Education nationale…) et les collectivités territoriales – dont la participation « semble s’être réduite au cours de ces dernières années », déplore l’administration – ainsi que l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux et, éventuellement, l’ARS en tant que tuteur des établissements de santé. Sans oublier aussi les directions départementales de la cohésion sociale et les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, interlocuteurs de premier niveau en ce qui concerne les centres d’hébergement et de réinsertion sociale et les services d’accueil d’urgence, lieux de stage potentiels. Pour l’administration, « il apparaît [ainsi] primordial d’intégrer des objectifs d’accueil en stage des étudiants en travail social dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens [CPOM] négociés avec ces structures et d’évoquer systématiquement cette question avec les établissements [du champ social] au cours des dialogues de gestion à venir ». Il faut aussi, selon elle, engager « un important travail partenarial » avec les ARS, qui pourront dès lors mettre à profit les outils du dialogue de gestion et des CPOM pour inciter les structures sanitaires et médico-sociales à accueillir des stagiaires.
En raison de la raréfaction de l’offre de stages, certains étudiants n’ont pu justifier de la totalité de la durée de stage fixée réglementairement pour chacun des diplômes concernés par la mise en œuvre de la gratification (4). « Dès à présent, dans l’attente de la mise en conformité des textes réglementaires régissant les principaux diplômes concernés […] », la DGCS a donc décidé, de manière dérogatoire, d’autoriser les établissements de formation à présenter ces étudiants aux jurys de certification finale. Ceux-ci devront alors « examiner au cas par cas la situation des étudiants et prendre la décision de les présenter au diplôme, en lien étroit avec les DRJSCS et les rectorats », indique la circulaire. Dans cette hypothèse, précise-t-elle, les établissements de formation devront mettre en œuvre, pour les étudiants en difficulté susceptibles de bénéficier de ce dispositif, les outils pédagogiques permettant de contribuer à la professionnalisation de l’étudiant sur la période de dérogation identifiée par le responsable de la filière. Quant au jury du diplôme, il devra « veiller à ce que cette situation ne porte pas préjudice aux candidats lors de leur présentation à la certification finale et assurer un traitement équitable de l’ensemble des étudiants concernés ».
[Instruction interministérielle n° DGCS/SD4A/DGESIP/2015/102 du 31 mars 2015, NOR : AFSA1508434J, disponible sur
(3) En pratique, précise la circulaire, le projet doit être négocié entre l’établissement de formation et l’organisme de référence qui assure le cotutorat du groupe d’étudiants, lequel sera amené à suivre la mise en œuvre du projet.
(4) Sont notamment concernés les diplômes d’Etat d’assistant de service social, de conseiller en économie sociale et familiale, d’éducateur de jeunes enfants, d’éducateur spécialisé et d’éducateur technique spécialisé.