« Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et en procédure accélérée le 16 décembre dernier(2), doit être examiné à partir du 7 mai au Sénat. Un article paru le 13 avril dans le Figaro met en avant, en s’appuyant sur un rapport d’étape de la Cour des comptes(3), la question des déboutés du droit d’asile. Cette approche, qui n’est pas récente, va de nouveau instrumentaliser un sujet qui mériterait d’être abordé avec plus de sérénité dans le respect de nos valeurs républicaines et du droit international. Il paraît évident que dans ce contexte, et une fois de plus, la question du droit d’asile ne sera pas traitée comme elle le mériterait, sans compter la peur qui s’installe en Europe avec ce qui se passe actuellement en Méditerranée.
A titre d’exemple, il existe dans ce projet de loi l’article 16 alinéa 6 qui prévoit qu’après l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles soit inséré un article L. 312-8-1 ainsi rédigé : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 312-8 du présent code, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile mentionnés à l’article L. 744-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile communiquent les résultats d’au moins une évaluation interne dans un délai fixé par décret. Par dérogation au quatrième alinéa de l’article L. 312-8 du présent code, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile mentionnés à l’article L. 744-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile procèdent au moins à une évaluation externe au plus tard deux ans avant la date de renouvellement de leur autorisation. »
On rappellera que l’ensemble des établissements et services doivent, quant à eux, procéder à une évaluation interne tous les cinq ans et à deux évaluations externes pendant la durée de leur autorisation (15 ans).
Concrètement, cela signifie que, si ce texte est adopté par le Sénat, les CADA répertoriés au 13e alinéa de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, au milieu de tous les établissements qui accueillent des personnes, vont bénéficier d’un régime d’exception. Au nom de quoi ? Quel sens cela a-t-il ?
Ce régime d’exception, incompréhensible, que rien ne justifie, conduit inéluctablement à ne pas respecter le but recherché dans la mise en œuvre de l’évaluation dans les établissements sociaux et précisé dans la loi et les recommandations de l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux): contribuer à l’amélioration des activités et de la qualité des prestations.
Les CADA seraient-ils des structures où l’accompagnement social serait tellement parfait qu’elles ne nécessitent pas de se questionner pour améliorer les pratiques ?
Les demandeurs d’asile ne seraient-ils pas des personnes à part entière concernées par la nécessaire qualité de l’accompagnement préconisée par la loi du 2 janvier 2002 ?
A ce sujet, il est intéressant de noter que ni l’ANESM en tant que telle, ni aucune de ses instances n’ont été consultées et que les avis des associations ne sont pas pris en compte.
Les CADA sont en train de sortir progressivement du code de l’action sociale et des familles(4). Quelle sera la prochaine étape ? »
(1) Il fut aussi membre du bureau du comité d’orientation stratégique de l’ANESM de 2008 à 2014.
(2) Sur la version du texte présentée en juillet dernier en conseil des ministres, voir ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 5.
(3) Qui pointe la faillite de l’actuelle gestion des réfugiés et juge insuffisant le projet de loi sur la réforme de l’asile.
(4) L’article 16 vise par ailleurs à déroger pour les CADA à l’article du code de l’action sociale et des familles prévoyant l’avis préalable d’une commission de sélection d’appel à projets pour la création, la transformation ou l’extension des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Plusieurs dispositions du même article prévoient aussi de ne plus considérer la prise en charge en CADA comme « aide sociale de l’Etat ». Concernant l’évaluation externe, un amendement déposé en vue de l’examen du texte par la commission des lois du Sénat vise à maintenir pour les CADA les dispositions prévues pour l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux.