« Huit ans après l’adoption de la loi [du 5 mars 2007] réformant la protection de l’enfance, l’élaboration du projet pour l’enfant[1] n’est pas encore entrée dans les pratiques professionnelles de l’ensemble des acteurs de terrain », déplore le défenseur des droits tout en adressant une série de recommandations à la secrétaire d’Etat chargée de la famille et aux présidents de conseils départementau(2). Des recommandations qui ont « vocation à éclairer les débats en cours », et en particulier ceux qui sont relatifs à la proposition de loi « Meunier » renforçant la protection de l’enfant, explique Jacques Toubon. Adopté en première lecture au Sénat le 11 mars dernier(3), ce texte prévoit en effet de renforcer le projet pour l’enfant (PPE) et comporte à ce titre plusieurs mesures allant dans le sens des recommandations du défenseur des droits, telles que la transmission systématique du PPE au juge des enfants, l’association du mineur à son élaboration, l’actualisation régulière du document ou encore la définition d’un référentiel permettant d’harmoniser les pratiques des départements.
Selon une enquête menée par les services de Jacques Toubon en 2014, près d’un tiers des départements n’élaborent pas de PPE et la majorité de ceux qui mettent en œuvre cet outil le font depuis moins de trois ans. En outre, le projet pour l’enfant n’est pas mis en œuvre sur l’ensemble du territoire départemental, ni pour l’intégralité des mesures éducatives exercées ou financées par le conseil départemental. L’enquête révèle également une « très grande diversité » quant au mode d’élaboration du PPE, à la qualité des personnes qui y participent, qui le signent…(4). « Si cet outil reste largement sous-utilisé, c’est en raison des réserves qui subsistent quant à son utilité et à son sens, dans un contexte où les professionnels et les services sont soumis à des obligations administratives qui “embolisent” leur capacité d’intervention directe auprès des enfants et des familles », analyse le défenseur des droits. En outre, ajoute-t-il, « de nombreux professionnels considèrent le projet pour l’enfant comme un énième document administratif dont la rédaction serait chronophage ». Jacques Toubon recommande donc une simplification des obligations faites aux établissements et services éducatifs en termes de production de documents écrits. Le PPE pourrait constituer le document unique de prise en charge de l’enfant, suggère-t-il.
Tout en rappelant que le PPE est un document individuel « dans la mesure où il doit permettre d’identifier les besoins propres à chaque enfant », le défenseur des droits considère qu’il doit également prendre en considération l’environnement de l’enfant et, en particulier, l’existence d’une fratrie. Ainsi, l’élaboration du PPE devrait « systématiquement » tenir compte de la situation de l’ensemble de la fratrie, de la place de chaque enfant en son sein, des liens entre frères et sœurs ainsi que de la cohérence des actions concomitantes auprès de chacun d’entre eux, conseille Jacques Toubon.
D’une manière générale, le défenseur des droits rappelle que, en application de la loi du 5 mars 2007, un PPE doit être élaboré pour tous les mineurs faisant l’objet d’une mesure éducative, quel que soit le type de la mesure (administrative ou judiciaire, avec hébergement ou en milieu ouvert) ou l’âge du mineur concerné. Il préconise en outre l’élaboration d’un PPE lorsque l’enfant est confié à un tiers digne de confiance ou à un autre membre de la famille. Enfin, plaide-t-il, il faut qu’« une impulsion forte soit donnée au plan national et au plan local en termes de sensibilisation, de formation et d’accompagnement des professionnels de terrain ».
(1) Le projet pour l’enfant est un document qui doit, en principe, être établi pour chaque mineur bénéficiant de l’aide sociale à l’enfance et permettre d’assurer la cohérence et la continuité des prises en charge de l’enfant.
(2) Décision MDE-2015-103 du 24 avril 2015.
(4) Un constat partagé par l’Observatoire national de l’enfance en danger qui a récemment lancé une étude sur le projet pour l’enfant — Note d’actualité disponible sur