« Les objectifs de réduction de la pauvreté fixés dans le cadre de la stratégie “Europe 2020”[1] semblent, à mi-parcours, très loin d’être atteints. Le nombre de personnes pauvres ou exclues a en fait augmenté depuis 2008 de 6,4 millions dans l’Union européenne », rapporte le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) dans un avis rendu le 24 avril(2) sur le rapport de suivi 2015 du programme national de réforme (PNR). Un rapport que la France remet chaque année à la Commission européenne et sur la base duquel cette dernière évalue les réformes structurelles engagées par le pays pour réduire son déficit public et formule des recommandations en ce sens – dont les conséquences apparaissent « parfois inquiétantes », selon le conseil.
Comme l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale(3), le CNLE n’est pas optimiste : « peu de signaux permettent à ce jour d’espérer que la France parviendra à atteindre son objectif de baisse de la pauvreté ». En effet, explique-t-il, « la dégradation du marché du travail a conduit à une situation inverse : à l’exception de la montée en qualification, on observe, entre 2008 et 2013, une dégradation des indicateurs de performance sociale de la France, qu’il s’agisse d’emploi, de situation de la jeunesse, de la pauvreté des ménages, d’inégalités, de santé et d’accès aux soins ».
Par exemple, pour aider la France à maîtriser ses dépenses de protection sociale, la Commission européenne lui a notamment suggéré de « rationaliser les allocations familiales et les aides au logement ». Mauvaise idée pour le CNLE, qui alerte alors sur le « risque de « moins disant social » que représentent ces économies sur des prestations sociales dans un contexte d’aggravation de la précarité ». D’autant que, s’agissant des aides au logement, elles ont eu pour « fonction essentielle », depuis les années 2000, d’absorber une part croissante des budgets des ménages. L’instance insiste donc sur le fait que, en l’état actuel des besoins, « il serait tout à fait inopportun de se donner pour objectif d’en revoir le volume à la baisse ». En revanche, elle préconise d’engager une réflexion sur l’organisation de ces aides « pour les rendre plus efficaces ».
Le CNLE se dit préoccupé par la politique du gouvernement en faveur de l’emploi. Il demande notamment que les mesures de baisse du coût du travail, qui doivent favoriser l’emploi, soient enfin plus explicitement développées… tout en rappelant les incertitudes qui demeurent sur leurs effets. « On a discuté depuis trop longtemps de ces questions pour rester encore dans des généralités. Des analyses plus pointues devraient pouvoir être vérifiées et démontrées dans ce domaine », martèle l’instance. Soulignant que « la compétitivité de la France et la lutte contre le chômage doivent poser les conditions d’une croissance durable de qualité. Le problème, en France et en Europe, c’est l’investissement en capital humain, en recherche et développement et en capital productif, innovant, moderne et économique. Il y manque une vision à long terme. »
Par ailleurs, le CNLE se montre sceptique face à la prime d’activité, qui, à compter du 1er janvier 2016, devrait remplacer le revenu de solidarité active (RSA) « activité » et la prime pour l’emploi (PPE)(4), et est censée favoriser le retour et le maintien dans l’emploi. Il rappelle en effet que « les études d’évaluation expost ont mis en évidence tant l’échec du RSA “activité” que celui de la PPE à faire progresser l’insertion dans l’emploi ». La prime d’activité sera-t-elle alors un levier d’incitation à l’emploi efficace ? C’est la question que se pose l’instance… Quoi qu’il en soit, conclut-elle, « la mise en place rapide de la prime d’activité est nécessaire ».
(1) Rappelons que l’Union européenne s’est fixé comme objectif de réduire de 20 millions le nombre de personnes pauvres d’ici à 2020.
(2) Disponible sur