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Aide alimentaire : des pistes d’action pour faire évoluer les dispositifs

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« Renforcer la connaissance des besoins et des attentes des personnes démunies en situation d’insécurité alimentaire » et « ouvrir des perspectives pour les dispositifs d’aide alimentaire actuels ». Tels étaient les objectifs d’une étude confiée par le ministère de l’Agriculture et l’établissement public FranceAgriMer au cabinet FORS-Recherche sociale, dont les résultats, finalisés en décembre dernier, ont été rendus publics mi-avril par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale(1). Outre la formalisation de la connaissance sur le sujet et un état des lieux des dispositifs existants, l’équipe a mené une enquête qualitative entre janvier et mai 2014 dans quatre départements (Seine-Saint-Denis, Ardèche, Drôme et Moselle) auprès d’acteurs locaux de l’aide alimentaire, de services sociaux et de ménages aux ressources modestes.

Gestion de la contrainte alimentaire

Parmi les constats sur les facteurs de risque conduisant à l’insécurité alimentaire, « de manière générale, quelle que soit la situation, la faiblesse des moyens financiers ou l’absence de marges de manœuvre sur le plan budgétaire conduit à des restrictions au niveau de l’alimentation », précise le rapport. Au-delà de cet aspect financier, « les conditions de logement ou d’hébergement peuvent fortement contraindre les pratiques alimentaires des ménages », en particulier pour les familles hébergées à l’hôtel (impossibilité de cuisiner, difficulté pour stocker des aliments). Les conditions d’emploi, « souvent précaires », peuvent également entrer en ligne de compte : « en raison d’horaires décalés ou de cumul d’emplois, certains enquêtés sont dans l’obligation de manquer une partie des moments familiaux organisés autour du repas ou de “sauter” régulièrement des repas. » Enfin, les problèmes de santé constituent également une contrainte en termes de pratiques alimentaires, en particulier pour les personnes obligées de suivre un régime alimentaire.

Au-delà de ces « facteurs de risque », les situations des ménages rencontrés dans le cadre de l’enquête se caractérisent par des « contraintes variées au regard de l’alimentation qui, le plus souvent, se cumulent ». Elles ne sont cependant pas homogènes, les chercheurs mettant en lumière un « phénomène de graduation de la contrainte alimentaire ». Ils ont ainsi identifié quatre types de ménages correspondant à quatre « modes de gestion différenciés de la contrainte alimentaire ». Il y a d’abord les « autogestionnaires », des ménages qui ne recourent pas aux dispositifs d’aide alimentaire – à la fois par méconnaissance des dispositifs mais aussi en raison de « représentations négatives » à l’égard de ces derniers – et qui ont connu une baisse de ressources importante. Ces personnes ont essentiellement recours à la solidarité familiale et sociale. Le second type est celui des « gestionnaires indirects », des « travailleurs pauvres aux ressources instables qui mobilisent l’aide alimentaire de façon discontinue, comme variable d’ajustement budgétaire ». On trouve ensuite les ménages dits « multiactivateurs », aux ressources peu élevées, « ancrés durablement dans la précarité » et combinant « différents leviers et types d’aide alimentaire dans la durée ». Enfin, le quatrième type est celui des « monogestionnaires », des ménages aux « ressources très faibles voire inexistantes », qui conjuguent différentes difficultés et dont l’alimentation est presque entièrement dépendante de la seule aide alimentaire.

De fait, tous les ménages en insécurité alimentaire n’ont pas les mêmes attentes envers les dispositifs d’aide. Il ressort ainsi que les bons alimentaires et les aides financières correspondent surtout aux « autogestionnaires », tandis que les épiceries sociales ou solidaires répondent mieux aux attentes des « gestionnaires indirects ». Les dispositifs « innovants » (jardins partagés, paniers solidaires…) sont, quant à eux, « particulièrement adaptés » aux attentes des « multiactivateurs », pour qui les produits de l’aide alimentaire font partie du quotidien depuis plusieurs années et qui « disposent de peu de marges de manœuvre pour compléter les denrées proposées ». Enfin, les repas chauds représentent une « forme d’aide alimentaire en adéquation avec les besoins des ménages « monogestionnaires », sans ressources financières ni réseau d’entraide, la plupart du temps logés à l’hôtel ».

Solutions alternatives

Sur la base des enseignements de cette enquête, les auteurs proposent six pistes d’action, la première étant d’améliorer l’information sur l’aide alimentaire mais aussi le repérage des ménages en insécurité alimentaire, notamment en sensibilisant les acteurs qui interviennent dans les structures susceptibles d’accueillir, d’informer ou d’orienter ces ménages et en mettant à leur disposition des outils de repérage. Deuxième recommandation : « imaginer des solutions pour les ménages en insécurité alimentaire dont les disponibilités financières sont jugées trop élevées pour bénéficier de l’aide alimentaire », par exemple à travers des aides financières temporaires, un accompagnement à la gestion du budget ou encore des « solutions alternatives permettant le maintien d’une alimentation de qualité et variée » (cabas bio, paniers solidaires, jardins partagés…). D’après l’étude, il faut également « améliorer l’accessibilité des structures d’aide alimentaire » à travers le développement du système des antennes d’aide alimentaire itinérantes, des horaires d’ouverture des structures modulés afin de les rendre plus accessibles aux personnes en situation d’emploi et en formation ou encore la réorientation des ménages vers les autres structures durant les périodes de fermeture.

Autre proposition : travailler sur la place des usagers dans les dispositifs d’aide alimentaire, notamment en faisant évoluer les représentations des travailleurs sociaux et des bénévoles qui y interviennent ou en créant des « conseils d’usagers ». Enfin, le rapport préconise de redéfinir le rôle de l’aide alimentaire et sa fonction (publics, objectifs…) et d’analyser l’efficacité socio-économique de ce dispositif et la « possible complémentarité entre formes innovantes et formes classiques d’aide alimentaire ».

Notes

(1) Inégalités sociales et alimentation – Quels sont les besoins et les attentes en termes d’alimentation des personnes en situation d’insécurité alimentaire et comment les dispositifs d’aide alimentaire peuvent y répondre au mieux ? – Voir sur www.cnle.gouv.fr, rubrique « Travaux du CNLE », dossier de la réunion plénière du 16 avril 2015.

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