« Conséquence, entre autres, de la modification des rythmes scolaires et de la raréfaction des moyens, le secteur de l’animation est en train de vivre un retour en arrière. Les municipalités et les associations, gros employeurs d’animateurs, ne montent pas au créneau contre la détérioration de la qualité de l’encadrement, car l’ensemble des mesures tend à diminuer le coût des emplois. mais à quel prix ?
Les 20 à 30 dernières années ont été marquées par une professionnalisation des animateurs et par l’introduction d’une certaine rigueur dans les structures qui les emploient. Oh, bien sûr, nous étions encore loin de statuts approchant ceux des autres travailleurs sociaux, ou même du personnel de la petite enfance !
Perdurent encore des contrats dérogatoires au droit du travail permettant en toute légalité (sauf à faire appel à l’Europe selon laquelle, idée saugrenue, une heure travaillée doit être une heure payée) de payer quatre heures un salarié en effectuant onze.
Mais, bon an mal an, les formations aux métiers de l’animation sortaient doucement des historiques bAFA et bAFD(1), brevets non professionnels, créés eux-mêmes à partir de l’héritage des ancêtres du secteur que sont l’Eglise et le parti communiste. La situation évoluait donc lentement (trop lentement) vers une plus grande reconnaissance et une meilleure organisation des structures d’animation.
Puis est arrivée la modification des rythmes scolaires, développant de façon considérable les temps d’animation, les emplois, et rendant organisatrices de temps périscolaires un bon nombre de municipalités qui n’y étaient pas préparées.
S’ensuit un changement de la réglementation(2). Sans vouloir entrer dans le labyrinthe des diplômes de l’animation, les obligations en termes de formation diminuent pour les encadrants et les dirigeants. En même temps, les taux d’encadrement passent, pour les moins de 6 ans, d’un animateur pour huit enfants à un animateur pour 14 enfants et, pour les plus de 6 ans, de un pour 12 à un pour 18. Cette réforme, qui touchait au départ les temps périscolaires, s’est de fait étendue aux mercredis (qui deviennent temps périscolaires, contrairement aux vacances).
Nous arrivons donc à la situation absurde où, dans les mêmes locaux, avec les mêmes animateurs et souvent les mêmes enfants, les taux d’encadrement diffèrent de près de 40 % entre les mercredis et les vacances scolaires… voilà pour le côté absurde. reste le fond. Les enfants de 2015 sont-ils plus apathiques que leurs aînés de 2014 ?
Ont-ils besoin de moins d’attention, de moins de contact avec les adultes, de référents moins formés ? 30 ans de recul ne me donnent pas l’impression que le travail avec les enfants soit devenu plus facile.
A l’heure où, dans les discours, on souhaite combattre “l’apartheid”, renouer le dialogue, reconstruire une mixité sociale, doit-on prolétariser un peu plus les métiers de l’animation ? Les études montrent que l’un des facteurs primordiaux pour permettre aux publics fragiles de se construire dans la société est le contact avec des modèles adultes divers et solides. Ces mesures vont avoir l’effet inverse. Elles mettront et mettent déjà en situation difficile des personnes peu formées, peu encadrées, peu motivées par ce travail. imaginer 28 enfants de 3 ans et demi en activité et imaginer les deux personnes qui doivent les prendre en charge… Les bons sentiments ne font pas tout.
Il est peut-être temps de ne plus appliquer une politique schizophrène qui dément les discours par les actes. Les enfants passent aujourd’hui presque autant de temps avec leurs animateurs qu’avec leurs professeurs. Une des clés de ce manque éducatif que l’on pointe depuis le 7 janvier, jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, se trouve peut-être ici aussi !
Les impératifs budgétaires ne peuvent pas, ne doivent pas laisser l’animation devenir un sous-produit sans valeur éducative. »
(1) Respectivement brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur et brevet d’aptitude aux fonctions de directeur.
(2) Qui a été assouplie par le décret et l’arrêté du 3 novembre 2014 – Voir ASH n° 2887 du 12-12-14 p. 45.