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Don de denrées invendues : le « oui mais… » des associations

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Récemment relancé par une proposition de loi finalement vidée de sa substance(1), puis par la pétition du conseiller municipal de Courbevoie (Hauts-de-Seine) Arash Derambarsh pour obtenir une loi imposant aux supermarchés de distribuer leurs invendus, le débat sur la lutte contre le gaspillage alimentaire a réussi à s’inscrire dans l’agenda politique. Dans son rapport remis aux ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture le 14 avril, le député Guillaume Garot (PS), ancien ministre délégué à l’agroalimentaire, propose, entre autres mesures de sensibilisation et de politique publique, de créer une « interdiction de jeter » par les grandes surfaces, assortie d’une échéance de mise en œuvre et de sanctions en cas de non-respect « ou de mauvaise foi manifeste ». Estimant insuffisant et trop aléatoire l’engagement volontaire de certaines enseignes, le député de la Mayenne propose de rendre obligatoire « le don des invendus alimentaires consommables à toute association caritative habilitée qui en fait la demande ». Cette obligation serait concrétisée par une mesure législative – prise au titre du code rural et de la pêche maritime – et sa « traçabilité » reposerait sur les attestations de don de denrées aux associations, ainsi que sur la comptabilité du tri et de la valorisation des déchets.

« Pour les banques alimentaires, une nouvelle étape a été franchie, se réjouit la Fédération française des banques alimentaires. Il est temps de dépasser les contradictions aberrantes : gaspillage d’un côté avec 20 kg jeté par an par habitant, précarité alimentaire de l’autre avec 3,9 millions de Français contraints de venir à l’aide alimentaire. » La fédération précise qu’en 2014, « 63 000 tonnes de produits ont été “sauvés” de la destruction, dont 34 000 tonnes provenant uniquement des grandes surfaces et le reste de dons des industriels et producteurs agricoles ». Vigilante sur la suite qui sera donnée à l’ensemble des propositions du rapport, elle appelle cependant à un « engagement total » de tous les acteurs concernés, y compris l’Etat, et « à l’amélioration de la défiscalisation des dons en privilégiant la qualité », dont dépendent « les conditions d’une redistribution efficace ».

L’interdiction de jeter « est accueillie comme une bonne mesure », se félicite également le Secours populaire, qui souligne néanmoins que les associations doivent pouvoir « recevoir des produits diversifiés et de qualité pour répondre au besoin d’équilibre alimentaire des familles aidées ». En d’autres termes, elles ne peuvent tout accepter, et il ne s’agirait pas de transformer cette obligation en fardeau, qui reporterait sur elles une responsabilité de gestion et de tri qu’elles ne pourraient assumer. D’où une certaine prudence, même si Guillaume Garot entend limiter les effets pervers en proposant cette obligation uniquement pour les associations qui en feront la demande et plaide pour le conventionnement, en citant des pratiques existantes. Pour le Secours populaire, « il convient, en toutes circonstances, de privilégier le dialogue de proximité » avec les grandes surfaces, déjà instauré dans le cadre « de nombreux partenariats locaux ». L’association insiste sur « les coûts logistiques engendrés par l’aide alimentaire et réaffirme la nécessité de soutiens financiers » pour y faire face. Dans une interview publiée sur Francetvinfo.fr, Olivier Berthe, président des Restos du cœur, partage les mêmes réserves. « Il faut savoir ce qui peut être donné et jusqu’à quelle date. Il faut que l’association puisse décider de ce qu’elle prend », commente-t-il, soulignant également que les conditions logistiques doivent être à la hauteur.

Le rapport, a précisé le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, devrait être « rapidement traduit » dans une proposition de loi. Pour l’heure, son projet de loi « croissance, activité et égalité des chances économiques » prévoit, dans un amendement adopté le 10 avril au Sénat, que les magasins d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés « peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire ». Une disposition très loin d’être contraignante.

Notes

(1) La proposition de loi « visant à lutter contre le gaspillage alimentaire » du député Jean-Pierre Decool (apparenté au groupe UMP) a été modifiée en commission des affaires économiques pour ne comporter qu’un article prévoyant que le gouvernement remettra au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport portant sur des mesures concrètes, assorties de propositions législatives, pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Une motion de renvoi en commission a été adoptée en séance publique le 5 février.

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