Pour les associations de solidarité, les annonces sur les contours de la prime d’activité, lors de la présentation de la feuille de route 2015-2017 du plan « pauvreté », en mars dernier(1), étaient plus favorables que prévu. Sans la trancher, le Premier ministre avait laissé ouverte au débat la question de l’éligibilité de la prime d’activité aux apprentis et aux jeunes en formation initiale qui travaillent : Matignon avait précisé qu’une définition de la notion de « jeunes actifs » serait étudiée par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, et soumise aux parlementaires. Mais le secteur associatif a vu doucher ses espoirs d’en savoir plus dans le projet de loi sur le dialogue social, présenté en conseil des ministres le 22 avril (voir ce numéro, page 5) et dont l’examen devrait commencer à la fin mai à l’Assemblée nationale(2). Pour le gouvernement, il est toujours question d’un amendement parlementaire pour les apprentis et les étudiants qui travaillent. Ce qu’a réaffirmé la ministre des Affaires sociales, précisant que « le président de la République a souhaité clairement que ce dispositif puisse bénéficier aux jeunes qui travaillent quel que soit leur statut ». Mais cette éligibilité pourrait être prévue seulement à partir d’un certain niveau de salaire, autour de 900 € de revenus mensuels.
Dans une lettre ouverte au chef de l’Etat publiée le 22 avril, 13 organisations – le collectif Alerte, le Coorace, Emmaüs France, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, le MNCP, l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), ainsi que l’Union nationale pour l’habitat des jeunes et plusieurs organisations pour la jeunesse(3) – expriment leur déception. Si la création d’une prime d’activité ouverte aux jeunes est une avancée, les apprentis et étudiants en formation initiale qui travaillent « doivent avoir un accès plein et entier » au dispositif, plaident les signataires. Les exclure ou leur limiter l’accès « à des conditions de ressources déconnectées de la réalité de la vie étudiante » leur paraît « discriminatoire », source d’inégalités de traitement entre personnes en situation de précarité. « Ce choix est clairement défavorable aux étudiants en emploi qui pouvaient percevoir jusqu’à présent la prime pour l’emploi et qui sortiront de l’aide en 2016. »
Les organisations y voient les conséquences d’« une réforme déterminée à budget constant de l’aide aux travailleurs modestes, par redéploiement des crédits mobilisés en 2014 pour le RSA “activité” et la prime pour l’emploi ». Outre que la question révèle des divergences sur le fond – Michel Sapin, ministre des Finances, estimant que le nouveau dispositif constitue « une prestation d’activité, pour aller vers l’emploi, et non pas une prestation d’assistance » –, le gouvernement argue que, pour rester dans l’enveloppe d’environ 4 milliards d’euros, l’extension aux étudiants et aux apprentis conduirait à léser les autres bénéficiaires. Faute d’engagement budgétaire, la réforme manquera d’ambition, y compris dans la lutte contre le non-recours, déplorent les signataires, qui enjoignent donc au gouvernement et aux parlementaires d’ouvrir « pleinement la prime d’activité aux jeunes en formation » qui travaillent. Ils rappellent que le Conseil économique, social et environnemental, dans son avis du 25 mars, préconise une ouverture de la prestation à tous les jeunes percevant un revenu d’activité et répondant aux conditions de ressources applicables à l’ensemble de la population éligible.
(2) Son adoption définitive est prévue avant la fin de la session extraordinaire de juillet.
(3) Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire, Jeunesse ouvrière chrétienne, Mouvement rural des jeunes chrétiens, Forum français de la jeunesse, l’Union nationale des étudiants de France et l’Union nationale lycéenne.