C’est symboliquement depuis Créteil (Val-de-Marne), théâtre d’une violente agression antisémite en décembre dernier, que Manuel Valls, entouré de cinq ministres, a présenté le 17 avril le plan 2015-2017 de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, annoncé lors du comité interministériel « égalité et citoyenneté » du 6 mars dernier(1). Doté de 100 millions d’euros, ce plan vise à faire face à la hausse « insupportable » des actes racistes en France, qui ont connu une forte recrudescence à la suite des attentats de janvier, a indiqué le Premier ministre. Sur ces 100 millions d’euros, 25 millions devraient être consacrés aux actions menées dans le cadre de la politique de la ville via les contrats de ville et les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Le plan comporte 40 actions articulées autour des quatre priorités suivantes : mobiliser la Nation ; sanctionner chaque acte raciste ou antisémite et défendre les victimes ; protéger les utilisateurs d’Internet de la propagation de la haine ; former des citoyens par la transmission, l’éducation et la culture. Sa mise en œuvre pourra s’appuyer notamment sur un « réseau interministériel aux valeurs de la République et à la laïcité » et un conseil scientifique du racisme et de l’antisémitisme, composé de chercheurs, d’universitaires et d’intellectuels, et chargé de « faire progresser la connaissance et éclairer les politiques publiques ».
Dans ce plan, le gouvernement affiche sa détermination à « sanctionner chaque acte raciste ou antisémite » et à protéger et soutenir les victimes. Il entend en effet « rendre la sanction plus efficace et plus pédagogique » en intégrant au droit pénal général la répression des discours de haine, qui relève actuellement de la loi de 1881 sur la liberté de la presse dont certaines spécificités « sont devenues inadaptées à la poursuite des faits de provocations, d’injures ou de diffamations racistes et antisémites », estime Matignon. Pour rendre la sanction plus efficace, Manuel Valls compte aussi faire du racisme et de l’antisémitisme une circonstance aggravante généralisée à tous les crimes et délits, rendre possible le recours à l’ordonnance pénale en matière d’injures racistes et développer « les mesures alternatives et les peines à valeur pédagogique ». Sur ce dernier point, le gouvernement vise en particulier les stages de citoyenneté, qui « devront désormais comporter un module spécifique relatif à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme », et les travaux d’intérêt général auprès d’associations promouvant le travail de mémoire ou la remise en état d’édifices cultuels ou culturels endommagés.
Pour « ne laisser aucun incident sans suite » à l’école, des dispositions seront prises pour évaluer la qualité du système de signalement et l’efficacité des réponses apportées. Plus généralement, une enquête annuelle de victimation sera menée par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales et, chaque année, un bilan des condamnations prononcées par les juridictions sera publié, indique Matignon.
En matière de soutien des victimes, le plan prévoit, au-delà d’assurer la sécurité des lieux de culte, des écoles et des points de rassemblement juifs et musulmans, d’autoriser « par la loi les actions de groupe pour mieux lutter contre les discriminations ».
Egalement au programme : une « refonte des politiques locales de citoyenneté », avec la mise en place d’une « instance opérationnelle » dans chaque département, l’élaboration de plans territoriaux de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et pour la promotion de la citoyenneté, la constitution « de véritables missions citoyenneté auprès des préfets » et l’instauration d’un label pour « valoriser les associations engagées dans la promotion des valeurs républicaines ».
Le plan prévoit également de proposer aux jeunes des quartiers populaires de bénéficier d’un parrainage citoyen, « c’est-à-dire un suivi personnalisé, durant deux ans, par un adulte volontaire issu de la réserve citoyenne », expliquent les services de Manuel Valls. « Il s’agit d’offrir ainsi aux jeunes la possibilité d’approfondir leur appropriation des valeurs républicaines, de s’impliquer dans la vie de la collectivité, de bénéficier à cette fin des formations nécessaires. Le parrain facilitera en outre ses démarches de formation et d’insertion professionnelle ». De son côté, le jeune s’engagera dans la réalisation d’un projet personnel, susceptible de prendre diverses formes : « service civique de façon privilégiée, mais aussi action bénévole, engagement associatif, stage dans un service public ou projet artistique ». A ses 18 ans, son parrain l’accompagnera en mairie pour qu’il s’inscrive sur les listes électorales.