Recevoir la newsletter

DALO : la France condamnée par la CEDH pour ne pas avoir relogé une famille prioritaire

Article réservé aux abonnés

Dans un arrêt rendu le 9 avril, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a traité pour la première fois d’une requête contre la France pour non-exécution d’un jugement octroyant un logement dans le cadre de la loi sur le droit au logement opposable (DALO), et jugé que l’Etat avait violé l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable. « Le droit à l’exécution d’une décision de justice est un des aspects du droit à un tribunal », ont en effet rappelé les juges européens.

L’affaire concerne une ressortissante camerounaise résidant à Paris avec sa fille et son frère depuis 2003 « dans des locaux indécents et insalubres ». Reconnus prioritaires au sens de la loi « DALO » par la commission de médiation de la capitale en février 2010, ils devaient, à ce titre, être relogés en urgence. Mais n’ayant reçu aucune offre effective dans les six mois, la requérante a saisi le tribunal administratif de Paris afin qu’il ordonne à l’Etat de lui attribuer, sous astreinte, un logement. Le juge administratif a fait droit à sa demande en décembre 2010, en enjoignant au préfet d’Ile-de-France d’assurer le relogement de la famille, sous une astreinte – destinée au fonds d’aménagement urbain de la région – de 700 € par mois de retard à compter du 1er février 2011. A la fin janvier 2012, le relogement n’ayant pas eu lieu, le tribunal administratif a procédé à la liquidation de l’astreinte et condamné le préfet à verser effectivement les 8400 € dus. En octobre 2012, n’ayant toujours pas été relogée, la requérante a saisi la CEDH, se plaignant de « l’inexécution d’un jugement définitif rendu en sa faveur ».

Une astreinte non compensatoire

Dans sa décision, la Cour relève, d’une part, que « cette astreinte, qui a pour seul objet d’inciter l’Etat à exécuter l’injonction de relogement qui lui a été faite, n’a aucune fonction compensatoire et, d’autre part, qu’elle a été versée non à la requérante, mais à un fonds d’aménagement urbain, soit à un fonds géré par les services de l’Etat ». Par conséquent, en l’absence de relogement, la CEDH ne peut que « constater que le jugement du 28 décembre 2010 n’a pas été exécuté dans son intégralité, plus de trois ans et demi après son prononcé, et ce, alors même que les juridictions internes avaient indiqué que la demande de la requérante devait être satisfaite avec une urgence particulière ».

Certes, admettent les juges européens, « le droit à la mise en œuvre sans délai d’une décision de justice définitive et obligatoire n’est pas absolu », et appelle « par sa nature même une réglementation » de la part des Etats qui « jouissent en la matière d’une certaine marge d’appréciation ». Mais, poursuivent-ils, il appartient à la justice européenne de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et de vérifier que « les limitations mises en œuvre ne restreignent pas l’accès offert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même ».

La pénurie de logements ne peut servir de justification

Or, selon la Cour européenne des droits de l’Homme, c’était bien le cas en l’espèce puisque « la carence des autorités, qui s’explique, selon le gouvernement [français], par la pénurie de logements disponibles, ne se fonde sur aucune justification valable ». En aucun cas, rappelle en effet la Cour, « une autorité de l’Etat ne peut prétexter du manque de fonds ou d’autres ressources pour ne pas honorer, par exemple, une dette fondée sur une décision de justice […] ». Donc, « en s’abstenant, pendant plusieurs années, de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à une décision judiciaire définitive et exécutoire, les autorités nationales ont privé les dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention de tout effet utile ». 

[CEDH, 9 avril 2015, aff. Tchokontio Happi c/France, requête n° 65829/12, disp. sur www.echr.coe.int]

Veille juridique

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur