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Lutte contre le djihad : un rapport sénatorial insiste sur la prévention et la réinsertion

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Dans un rapport rendu public le 8 avril et fait au nom de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe(1), le sénateur (PS) du Loiret Jean-Pierre Sueur formule 110 propositions, organisées autour de six axes d’intervention, pour améliorer le dispositif antiterroriste français, « avec le souci de donner une égale importance aux mesures préventives destinées à entraver les processus de radicalisation et à celles ayant pour objet de réprimer les réseaux djihadistes ».

Formation des acteurs

Le premier volet de propositions porte sur la prévention de la radicalisation. « Il est en effet indispensable d’intervenir le plus tôt possible en amont du départ ou du passage à l’acte, notamment pour prévenir le basculement dans la radicalisation ou tenter de l’inverser », écrit le rapporteur, précisant qu’un « tel effort de prévention » nécessite d’impliquer « une multiplicité d’acteurs proches du terrain, qu’ils soient institutionnels (services sociaux, écoles, etc.) ou non (entourage, ministres du culte musulman, associations) ». Autant d’acteurs qu’il convient de mieux former, au premier rang desquels « les acteurs éducatifs ou en charge de l’encadrement des jeunes » : personnels enseignants ou conseillers d’éducation dans les établissements scolaires, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, éducateurs sportifs… Le rapport insiste en particulier sur la place centrale des éducateurs, « qui se trouvent au contact direct des jeunes, cibles les plus vulnérables de la propagande djihadiste, [et qui] doivent constituer un maillon central de la prévention de la radicalisation ».

La démarche de formation doit également être tournée en direction des personnels qui ont des missions de sécurité, notamment les agents pénitentiaires. « Elle doit par ailleurs toucher les personnels chargés d’une mission d’accompagnement social du public », ajoute le rapporteur. « Il s’agit notamment des agents des forces de police, de l’aide sociale à l’enfance, des juges en charge des affaires familiales, des assistants sociaux ou encore des personnels relevant des organismes de sécurité sociale, et notamment des caisses d’allocations familiales. » Enfin, les professionnels de la santé mentale peuvent également être concernés.

Programmes de réinsertion

Le rapport préconise en outre que ces « actions obligatoires et in situ de formation à la détection de la radicalisation » soient coordonnées sur le plan national par le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), créé en avril 2014. C’est également sous la responsabilité du CNAPR que doit être élaborée, « avec le concours des représentants des cultes, une grille d’indicateurs listant les différents comportements susceptibles de signaler l’engagement dans un processus de radicalisation », un outil qui devra être partagé et utilisé par l’ensemble des acteurs concernés.

Autre proposition : mettre en œuvre, toujours sous le pilotage du CNAPR, des « programmes individualisés de réinsertion des personnes engagées dans un processus de radicalisation djihadiste, en développant dans chaque département des initiatives locales et des partenariats avec des acteurs publics et privés, notamment associatifs ». La commission d’enquête propose notamment de s’appuyer sur les exemples de programmes dont se sont dotés plusieurs pays étrangers (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark…). Elle juge ainsi « particulièrement intéressante la démarche de mentorat » mise en œuvre par certains d’entre eux et souhaite que les programmes développés sur le territoire français « intègrent un accompagnement personnalisé, effectué de manière régulière par un référent spécifiquement désigné pour chacune des personnes suivies […], et en lien avec les cellules de veille préfectorales ». Il apparaît également important, aux yeux de Jean-Pierre Sueur, d’améliorer « la dimension psychologique de la prise en charge des personnes radicalisées ».

Régimes spécifiques en prison

Un autre axe des recommandations porte sur l’adaptation de la réponse pénale et carcérale. La prison est en effet « un lieu propice aux phénomènes de radicalisation », insiste le rapport, un constat qui appelle à définir un programme de prise en charge « adapté à l’ampleur du phénomène » et la nécessité, là encore, d’anticiper les comportements radicalisés. Outre un renforcement des effectifs et de la formation des personnels pénitentiaires, la commission d’enquête préconise d’organiser « des régimes spécifiques de gestion de la détention adaptés aux différents profils de la radicalisation carcérale ». Elle propose notamment d’affecter « les condamnés définitifs pour des actes de terrorisme dans des quartiers séparés des maisons centrales adaptées à la détention de détenus particulièrement signalés, permettant une prise en charge pluridisciplinaire ». Et, dans les maisons d’arrêt, d’isoler les individus radicalisés « dans un quartier à l’écart de la population carcérale, dans la limite de 10 à 15 personnes, pour permettre une prise en charge individualisée et adéquate ». A noter qu’une expérimentation de ce type a été menée à la maison d’arrêt des hommes de Fresnes, mais que son bilan s’est révélé très décevant(2).

Jean-Pierre Sueur recommande également de développer trois programmes spécifiques, l’un de prise en charge pour les détenus récemment engagés dans un processus de radicalisation, un autre pour ceux « revenant d’un théâtre d’opérations, comprenant une prise en charge psychologique ou psychiatrique spécifique », et un dernier pour assurer un « suivi des condamnés pour terrorisme débutant six mois avant la sortie de prison et s’étendant durant au moins deux ans après la fin de l’incarcération ». Le rapport préconise par ailleurs d’augmenter le nombre d’unités hospitalières spécialement aménagées pour permettre une prise en charge adaptée des détenus présentant des troubles mentaux engagés dans un processus de radicalisation.

Renforcement des SPIP

Enfin, la commission d’enquête souligne que les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont « dans une situation alarmante » et que leur surcharge de travail « est susceptible de ne pas permettre aux CPIP [conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation] de suivre de manière appropriée l’ensemble des détenus engagés dans un processus de radicalisation ». Le rapporteur appelle donc à renforcer l’action des SPIP en leur donnant « les moyens humains nécessaires », notamment en poursuivant l’accroissement du nombre de postes ouverts aux prochains concours de CPIP dans les années qui suivront le plan prévoyant la création de 950 postes en trois ans pour la justice(3), et en sanctuarisant le temps de formation des nouveaux CPIP. Il s’agit ensuite d’adapter les méthodes de travail des SPIP à la « particularité du phénomène ». Deux propositions sont faites dans ce sens : « élaborer des référentiels des pratiques opérationnelles des SPIP pour prendre en charge les individus engagés dans un processus de radicalisation » et « fixer un délai très court entre la libération d’un condamné pour actes de terrorisme et sa première rencontre avec le SPIP ».

Notes

(1) Rapport n° 338 – Disponible sur www.senat.fr.

(2) Voir ASH n° 2903 du 27-03-15, p. 12.

(3) Voir ASH n° 2896 du 6-02-15, p. 9.

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