Educateur spécialisé (ES) directeur d’un service de placement familial, Didier Bertrand est un observateur impliqué, mais quelque peu désabusé, des évolutions de la profession d’éducateur – sur lesquelles il attire régulièrement l’attention dans nos colonnes(1). C’est en « pair inquiet », redoutant l’abandon d’une « culture de métier », qu’il propose aujourd’hui ce « voyage en éducation spécialisée ». Au nombre des sujets d’inquiétude de l’auteur, la perte d’attractivité du secteur. La formation d’ES attire de moins en moins de candidats (une diminution de 18 % depuis 2004), lesquels d’ailleurs se révèlent surtout être des candidates : les femmes représentaient plus des trois quarts des diplômés en 2012. Cela, en soi, ne porte pas préjudice à la profession (ouf !), mais conduirait certaines institutions à embaucher du personnel masculin moins qualifié (essentiellement des moniteurs-éducateurs) pour rééquilibrer les équipes. Par ailleurs, l’éducateur spécialisé – ou plutôt l’éducatrice – pâtirait de son invisibilité. Il ne s’agit pas là d’une nouveauté, mais d’un problème débattu depuis plusieurs décennies, qui est notamment dû à l’« impossible traduction de l’acte éducatif » – même si la part d’indicible de ce dernier tend à s’amenuiser au profit du prescrit, fait observer Didier Bertrand. La « faible visibilité [de l’ES] est également liée à un défaut d’identité » professionnelle forte. Or ni l’inventaire des référentiels ni l’exploration des multiples rôles et fonctions du « référent », ici détaillés, ne permettent de dessiner un portrait plus affirmé de ce métier.
L’éducateur spécialisé sous tension
Didier Bertrand – Presses de l’EHESP – 25 €