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Immunité dans le cadre d’un signalement : un « cadeau empoisonné », pour Secretpro.fr

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Transformer « la moindre perception ou inquiétude » en signalement et affaiblir le secret professionnel en dédouanant ceux qui y sont tenus de leur responsabilité pénale et civile. Tels sont, selon Secretpro.fr – le site-ressources fondé et animé par Laurent Puech, formateur et ancien président de l’Association nationale des assistants de service social (ANAS) –, les « dangers » de la proposition de loi « tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé », adoptée en première lecture au Sénat le 10 mars(1). Ce texte, motivé, selon son exposé des motifs, par l’intention de « protéger l’ensemble des médecins des poursuites qui pourraient leur être intentées et, de ce fait, de renforcer et encourager leur mission de protection des mineurs faisant l’objet de violences », risque d’entraîner des « effets particulièrement néfastes » pour les professionnels comme pour les familles et les enfants, « au nom d’une bienveillance sécuritaire fondé sur le mythe du risque zéro », estime Secretpro.fr.

Première disposition décriée : celle qui remplace le mot « médecin » par « membre d’une profession médicale » et « auxiliaire médical » dans le deuxième alinéa de l’article 226-14 du code pénal qui autorise aujourd’hui la levée du secret par le médecin qui « porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ». Or, au sein d’une équipe médicale, « l’analyse de faits constatés médicalement relève bien de la prérogative du seul médecin », commente Antoine Guillet, membre de l’équipe de Secretpro.fr et auteur d’une analyse de la proposition de loi. Il voit dans cet élargissement une tendance à la « systématisation du signalement », qui pourtant doit relever « d’une évaluation précise de la situation ».

La proposition de loi complète par ailleurs le même alinéa en précisant que les professionnels de santé pourront aussi transmettre ces éléments à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. Pourquoi inscrire cette possibilité de transmettre à la CRIP du département alors qu’elle est déjà prévue par l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles ?, s’interroge Antoine Guillet. En effet, « les professionnels de santé concernés par cette proposition de loi font partie des professionnels “concourant à la politique de protection de l’enfance” » et peuvent déjà transmettre à la cellule des informations préoccupantes concernant un mineur en danger ou risquant de l’être. La modification est d’autant plus surprenante, à ses yeux, que le deuxième alinéa de l’article 226-14 du code pénal ne concerne pas spécifiquement les mineurs, au contraire de son premier alinéa, qui lui mentionne la possibilité de signalement « aux autorités judiciaires, médicales ou administratives ». Au final, cette disposition « n’apporte rien, si ce n’est de la confusion », estime Antoine Guillet.

Plus grave, pour Secretpro.fr, la proposition de loi prévoit que le signalement aux autorités compétentes « ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi ». Il appartiendrait donc aux responsables légaux du mineur, s’ils estiment ce signalement abusif, de démontrer que le professionnel n’a pas agi de bonne foi, avec toutes les difficultés induites par cette « charge de la preuve », conteste Antoine Guillet. « Rappelons que le secret professionnel est d’ordre public et vise à ce que des professionnels considérés comme des confidents nécessaires soient astreints au silence. Ainsi, le secret professionnel n’appartient pas au professionnel qui y est soumis et ne vise pas à le protéger », insiste-t-il. Parce que la responsabilité qui lui est octroyée par le législateur légitime l’intervention du professionnel soumis au secret, amenuiser cette responsabilité « atteint sa crédibilité » à l’égard des publics, poursuit-il. Créer une « possibilité sans risque aucun de signalement, c’est aller vers un professionnel qui ne mesure plus la portée destructrice possible contenue dans son acte, acte dont il est protégé des effets », abonde Laurent Puech dans un billet complémentaire. Dans ces conditions, cette « immunité » est un « cadeau empoisonné » tant pour les professionnels, dont la reconnaissance pourrait être amoindrie, que pour les familles, car la relation avec elles risque de s’en trouver endommagée.

« Les médecins et certains professionnels de santé n’ont pas besoin d’être sécurisés légalement quant à la levée du secret professionnel, mais plutôt professionnellement dans leur pratique », conclut Antoine Guillet, qui fait valoir l’intérêt du travail préalable avec les familles, et la nécessité de justifier « ce qui n’est pas travaillable ». L’enjeu est donc d’interroger l’isolement des professionnels de santé, leur formation à la protection de l’enfance, leurs échanges avec les autres acteurs. S’il est, bien sûr, incontournable dans certaines situations, « le signalement n’est pas toujours la solution », souligne Antoine Guillet. « Tout est donc affaire d’évaluation et de positionnement professionnel. Cela ne s’inscrit pas dans la loi mais s’apprend. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2901 du 13-03-15, p. 10.

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