Une progression vers plus de tolérance dans l’opinion publique. Mais une recrudescence des actes à caractère raciste, particulièrement dans leurs manifestations antisémites. Ce sont les deux mouvements antagonistes relevés en 2014 par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dans son traditionnel rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, qui devait être rendu public le 9 avril(1).
Depuis 1990, la CNCDH fait appel à des instituts de sondage pour procéder à une enquête sur l’état de l’opinion publique en France à l’égard des phénomènes de racisme, de xénophobie et de discrimination. Les résultats du sondage réalisé pour 2014 montrent que, après quatre années de baisse consécutives, l’indice longitudinal de tolérance en France « marque une stabilisation, voire une légère progression vers plus de tolérance », alors même que l’année 2014 ne présentait pas un contexte favorable qui pourrait l’expliquer. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme se demande ainsi si l’indice n’a pas atteint un « plancher », « c’est-à-dire qu’il pourrait indiquer la part des Français qui résistent aux messages racistes ou xénophobes quelles que soient les circonstances ».
Si la tolérance générale a progressé, des points de crispation persistent néanmoins, voire s’aggravent s’agissant de l’acceptation de certains groupes. Le sondage fait, en effet, également ressortir « une revitalisation des vieux clichés antisémites, une persistance des préjugés anti-Rom, un rejet des pratiques liées à l’islam dans leurs manifestations tant dans l’espace public que dans la sphère privée » et, chez certains, « une acception dévoyée de la laïcité comme devant faire rempart à l’islam ». La CNCDH observe aussi et surtout une demande de répression et d’autorité accrue face au terrorisme.
Si « le bilan final est donc en demi-teinte » sur le plan de l’opinion, il se révèle beaucoup plus sombre sur le plan statistique. Les chiffres du ministère de l’Intérieur sur les faits délictueux (« actions » et « menaces ») à caractère raciste, antisémite et antimusulman marquent en effet, une fois agrégés, « une hausse conséquente de 30 % pour l’année 2014 » (1 662 faits contre 1 274 en 2013). « La courbe de tendance de la délinquance à caractère raciste ne cesse son inquiétante ascension », alerte l’instance consultative. Dans le détail, ce sont les infractions antisémites qui impriment cette hausse : 851 faits délictueux relevés en 2014 contre 423 en 2013 (+ 101 %). « Cette augmentation s’avère d’autant plus marquée s’agissant des infractions les plus graves » (+ 130 % pour les « actions » et + 90 % pour les « menaces »). Les faits antimusulmans ont, pour leur part, enregistré une baisse notable de 41 % (133 faits délictueux contre 226 en 2013) tandis que les autres actes racistes (ni antisémites ni antimusulmans) ont connu une augmentation modérée (+ 8,5 %), avec 678 actes contre 625 en 2013.
On notera que, dans sa conclusion, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme s’interroge sur la pertinence des moyens mis en œuvre pour lutter contre le racisme compte tenu des « mutations des idéologies sous-jacentes entre racisme biologique et racisme culturel », des « évolutions des supports d’expression à l’ère d’Internet ou bien encore [de] l’émergence de nouveaux boucs émissaires ». Elle émet également, au-delà, un certain nombre de recommandations aux pouvoirs publics, prônant une connaissance plus fine des phénomènes racistes ou bien encore plaidant pour mettre la formation des professionnels au cœur des actions de lutte.
(1) Prochainement disponible sur