Les travailleurs handicapés usagers d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) – ex-centre d’aide par le travail (CAT) – peuvent être considérés comme des « travailleurs » au sens de la législation européenne, a estimé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 26 mars.
Dans cette affaire, un usager d’un centre d’aide par le travail du 1er février 1996 au 20 juin 2005 réclame le paiement d’une indemnité visant à compenser des congés payés annuels dont il n’a pas pu bénéficier en raison d’un arrêt maladie. Pour mémoire, avant la loi « handicap » du 11 février 2005, la législation française ne prévoyait pas de droit à congé pour les personnes handicapées admises en CAT tandis que, dans la pratique, les structures accordaient le plus souvent des congés payés à leurs usagers. Depuis un décret d’application de la loi entré en vigueur le 1er janvier 2007, les personnes handicapées admises en ESAT bénéficient d’un droit à congé annuel de 30 jours ouvrables. Mais elles n’ont pas le statut de salarié, ne sont pas liées par un contrat de travail et ne bénéficient pas des règles issues du code du travail, hormis celles qui sont relatives à l’hygiène et à la sécurité. Côté droit communautaire, l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoient un droit à congé annuel payé d’au moins quatre semaines pour tout « travailleur ».
Le centre d’aide par le travail ayant rejeté la demande d’indemnisation de son ancien usager, celui-ci a saisi le tribunal d’instance puis la Cour de cassation. Avant de statuer, la Haute Juridiction a préféré se tourner vers la CJUE pour lui demander si les travailleurs handicapés des CAT sont des « travailleurs » au sens de la législation européenne. Pour la CJUE, la notion de « travailleur » dans le cadre de la directive répond à des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées. Ainsi, doit être considérée comme « travailleur » toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Dès lors, explique la cour, le fait de ne pas être soumis à certaines dispositions du code du travail, d’avoir une rémunération « nettement » inférieure au salaire minimum ou encore d’avoir une productivité « plus ou moins élevée » ne constitue pas un obstacle à la qualification de « travailleur » au sens de la directive de 2003. Elle estime par ailleurs que le critère d’activités réelles et effectives est rempli dans la mesure où « le concept même du régime régissant le fonctionnement d’un CAT et, partant, les activités qui y sont exercées par les handicapés, est tel que ces activités n’apparaissent pas comme purement marginales et accessoires ». En outre, souligne-t-elle, les activités exercées par les personnes handicapées au sein du CAT concerné ne sont pas créées dans le seul but de leur procurer une occupation, le cas échéant dérivative. « En effet, ces activités, bien qu’adaptées aux capacités des personnes concernées, présentent également une certaine utilité économique », considère la CJUE tout en appelant le juge national à vérifier si les prestations effectivement accomplies par l’intéressé sont susceptibles d’être considérées comme relevant normalement du marché de l’emploi. Dans cette affaire, l’usager peut être qualifié de « travailleur » au sens de la législation européenne, conclut-elle.
Enfin, la cour précise que l’article 7 de la directive ne peut pas être invoqué dans un litige entre particuliers afin de garantir le plein effet du droit au congé payé annuel. Ainsi, le travailleur handicapé ne peut prétendre qu’à une action indemnitaire contre la France pour obtenir réparation du préjudice résultant de la non-application de la législation européenne sur le temps de travail. Quant à la charte des droits fondamentaux, son application est écartée car elle n’a acquis une valeur contraignante que postérieurement à cette affaire.