« Si tu arrives à Melilla un jour, tu as gagné », résume un Camerounais. L’enclave espagnole située au Maroc représente le Graal pour la plupart des migrants africains, l’assurance, pensent-ils, d’avoir accès à une vie meilleure, le passeport tant espéré pour l’Europe. Mais le chemin jusqu’à Melilla est long et périlleux. Les uns après les autres – dans un documentaire tout en lenteur qui, de toute évidence, ne souhaite pas assommer le spectateur de discours –, des hommes et une femme livrent leurs expériences douloureuses du parcours migratoire. Ils parlent de ces amis d’infortune « tués sous leurs yeux, tantôt par les autorités espagnoles, tantôt par les autorités marocaines, insensibles à ces vies qu’elles dérobent ». Ils parlent de cette frontière floue entre l’Espagne et le Maroc, tant géographique qu’administrative, qui finalement « arrange tout le monde » puisqu’elle permet de malmener les migrants sans être inquiété par quiconque. Ils parlent aussi d’eux-mêmes, des centaines de kilomètres qu’ils ont avalés pour atterrir dans la forêt de Gourougou qui jouxte Melilla, cette « prison » dans laquelle ils se retrouvent en attendant de réussir à franchir la triple barrière de grillages surmontés de barbelés qui les sépare de l’Europe. La mort flotte au-dessus de chacun des témoignages.
Le documentaire donne également la parole à la guardia civil, la gendarmerie espagnole. De façon très pragmatique, pour expliquer le fonctionnement et la raison d’être de cette fameuse triple barrière, mais aussi pour dénoncer ce travail qui, de l’aveu d’un officier, « n’a aucun sens ». « Beaucoup d’entre nous finissent chez le psychiatre », lâche-t-il, sous couvert d’anonymat. Melilla, terre de souffrance à tous les niveaux.
Les messagers
Hélène Crouzillat et Laetitia Tura – 1 h 10 – En salles le 8 avril