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Les associations dénoncent l’improvisation de la sortie de l’hiver

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La promesse de la ministre du Logement selon laquelle, à la fin de la période hivernale, « tout doit être fait pour assurer la continuité de la prise en charge des personnes, notamment des familles » hébergées, sera-t-elle enfin tenue ? Au 31 mars, date des premières fermetures de places d’hébergement ouvertes l’hiver, la réalité tendait à la contredire. Après l’annonce de la pérennisation ou création de 2 000 places sur les 8 000 places ouvertes temporairement(1), les associations ont salué « une première étape positive » vers la fin de la gestion « au thermomètre » de l’hébergement, tout en regrettant son caractère trop tardif, insuffisant, non anticipé, et la situation extrêmement tendue dans la région parisienne. Pour dénoncer l’ampleur de la crise, les 115 de Paris, de la Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise ont décidé le 31 mars d’un arrêt de travail de plusieurs heures. A cette date, « aucune annonce officielle et précise de pérennisation de places n’a été faite aux associations en Ile-de-France, alors qu’il s’agit du territoire français le plus en difficulté pour accueillir les sans-abri », ont signalé les associations gestionnaires. Ainsi, à Paris, 360 places sur les 780 mobilisées pour l’hiver devaient fermer ce jour et « 100 personnes seront remises à la rue sans autre perspective que de composer le 115 », saturé. Dans la Seine-Saint-Denis, « 55 personnes sont remises dehors sans solution, à la suite de la fermeture de cinq sites hivernaux ». Dans le Val-d’Oise, 75 personnes isolées étaient « menacées de remise à la rue sèche suite aux fermetures de différentes structures »…

Concurrence des publics

Alors qu’ils réclamaient, depuis plusieurs mois, que la sortie de l’hiver soit préparée, les membres du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement des personnes sans abri et mal logées ont de nouveau dit leur colère. « L’effort de pérennisation ou de création de places reste insuffisant et ne permet pas de garantir qu’il n’y aura aucune rupture d’accompagnement, se désole Florent Gueguen, directeur général de la FNARS. Tout le monde sait que les places hivernales commencent à fermer le 31 mars et dès le début de la campagne nous avions demandé des réunions en amont. Or les annonces sont faites une semaine avant les premières fermetures, les directions départementales de la cohésion sociale n’ont pas encore reçu les instructions, et on assiste à du bricolage, de l’impréparation, de l’improvisation ! » Les travailleurs sociaux, faute de solutions en nombre suffisant à proposer, se retrouvent au pied du mur. « Sans capacité nouvelle, l’Etat crée une situation de concurrence entre les publics, ceux hébergés dans les places hivernales et les appelants du 115 », avec le risque de proposer des « orientations cache misère ». Ainsi, après la fermeture du Fort de Nogent (Fontenay-sous-Bois, Val-de-Marne), le 31 mars à la demande du ministère de la Défense, « 130 personnes sont orientées tardivement vers des places d’urgence, en dortoirs ».

La question des réponses alternatives à l’urgence reste en effet entière, même si le ministère s’est attelé à la résorption des nuitées à l’hôtel, où sont hébergées, en majorité, des familles. Les associations, qui se félicitent du plan engagé, n’en ont pas moins, lors de l’installation de son comité de pilotage, le 24 mars, émis plusieurs réserves. « Il y a un déséquilibre entre les 9 000 places alternatives prévues en intermédiation locative et les 2 500 places en centre d’hébergement dans le logement, alors que la grande majorité des publics du Samu social de Paris, en situation administrative précaire, est non éligible à ce dispositif, d’un point de vue juridique et de la solvabilisation », précise Florent Gueguen. Autre problème : le sous-financement de l’accompagnement social, « beaucoup d’associations faisant remonter des blocages de crédits de l’accompagnement vers et dans le logement (AVDL) », dont le fonds est alimenté par les astreintes auxquelles l’Etat est condamné lorsqu’il n’a pas satisfait à son obligation de relogement des bénéficiaires du droit au logement opposable.

La date du 31 mars sonne aussi la fin de la trêve hivernale des expulsions locatives. En 2011, plus de 12 500 expulsions avec concours de la force publique ont été prononcées. « Si on ajoute tous les ménages qui n’attendent pas et partent d’eux-mêmes, ce sont plutôt 40 000 qui sont concernés chaque année par la perte de leur logement. Et en la matière comme pour la gestion de la fin de la campagne hivernale de l’hébergement, on a l’impression de regarder passer les trains, la puissance publique n’a toujours pas engagé de plan de prévention », s’exaspère Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, selon qui « la trêve hivernale devrait être mise à profit » pour éviter les ruptures. Seules avancées à ses yeux : la parution prochaine, bien que trop tardive, d’un décret définissant les contours d’une charte de prévention des expulsions et d’un autre permettant le maintien des aides personnalisées au logement en cas d’impayés de loyers, pour les locataires « de bonne foi ». Quant au pôle interministériel de prévention des expulsions locatives, dont l’installation est annoncée pour avril, « il devra donner le ton de ce qui est une bonne politique de prévention, laquelle doit se jouer localement dans l’articulation entre les préfets, les bailleurs, les associations, les caisses d’allocations familiales… Dans l’objectif d’intervenir le plus en amont possible et de coordonner les actions. Il faut une mobilisation, un suivi, une évaluation », estime Christophe Robert. Au-delà, « nous attendons un mot d’ordre, un discours fort de la ministre, pour que l’expulsion ne soit plus la règle, mais l’exception ». Une tentative de reformulation des revendications du secteur associatif, qui a toujours essuyé une fin de non-recevoir à sa demande d’un moratoire sur toutes les expulsions locatives sans relogement. Le 28 mars, plusieurs centaines de personnes ont, à l’appel de la « plate-forme logement des mouvements sociaux », défilé à Paris et dans d’autres villes pour dénoncer la reprise des expulsions locatives et la fermeture de places d’hébergement d’urgence.

SORTIR DE LA LOGIQUE D’URGENCE, UNE ACTION « INTÉGRÉE », SELON LE DIHAL

« La situation est particulièrement difficile en Ile-de-France et elle doit être améliorée », reconnaît Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), tout en soulignant que « les efforts sont importants ». En réponse aux accusations des associations, il indique que « depuis le début, les préfets ont reçu des instructions pour anticiper la sortie de l’hiver, en prolongeant l’ouverture de places ou en orientant les personnes ». Au-delà de ces consignes et pour « aller vers un véritable changement de logique », le DIHAL considère qu’« il faut tenir tous les fils de la pelote », notamment créer des solutions alternatives à l’hôtel et prévenir les expulsions locatives, « ce qui contribuera à la gestion de la sortie de la période hivernale de manière structurante ». Le plan de réduction des nuitées hôtelières a déjà commencé en Ile-de-France, avec un appel à projets pour 1 000 logements supplémentaires en intermédiation locative. Ce plan est « une action volontariste qui s’appuie sur un ensemble d’initiatives », ajoute-t-il, dont celles qui sont identifiées dans quatre régions pilotes (Basse-Normandie, Ile-de-France, Lorraine, Rhône-Alpes) : conventions passées avec les bailleurs sociaux, créations de places d’hébergement dans des logements, captation de logements privés… Autre « axe majeur du plan », l’amélioration de l’accompagnement social des familles hébergées à l’hôtel fera prochainement l’objet d’un appel à projets. Si elles n’ont pas toutes un effet immédiat, ces réponses « constituent une action intégrée », défend Sylvain Mathieu, rappelant que les diagnostics à 360° doivent guider la programmation dans les départements. Le premier comité de pilotage du pôle interministériel de prévention des expulsions locatives doit se tenir le 22 avril. Son rôle : « travailler à la mise en œuvre de l’essentiel des recommandations du rapport d’inspections rendu sur le sujet, pour traiter les situations le plus en amont possible et engager le dialogue et la mobilisation de l’ensemble des acteurs ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2903 du 27-03-15, p. 8.

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