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Aide à domicile : une étude lève le voile sur les inégalités d’accès aux services

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Le rapport de recherche du Clersé de Lille montre que l’accès aux services pour les personnes âgées est variable selon les territoires. Les choix politiques des conseils généraux en sont, en partie, responsables.

Les inégalités territoriales et sociales d’accès aux services d’aide à domicile pour les personnes âgées font l’objet d’une étude commandée par douze organisations nationales d’aide à domicile(1) au Clersé(2)-CNRS de Lille il y a près de un an(3). L’équipe de recherche a, d’une part, analysé les études et données existantes – en particulier les chiffres issus des déclarations annuelles de données sociales(4) des structures et l’enquête Budget de famille de l’INSEE – et, d’autre part, interrogé plus de 600 structures associatives ou publiques d’aide à domicile ainsi que près de 1 700 usagers.

Globalement, les chiffres disponibles au niveau national sur l’accès aux services d’aide à domicile pour les personnes âgées montrent que les inégalités sociales en fonction du niveau de revenu sont assez faibles, ce qui témoigne de la « relative efficacité du dispositif » de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Néanmoins, l’enquête menée auprès des usagers des services d’aide à domicile montre que les ménages imposables qui bénéficient d’exonérations fiscales ne paient pas plus cher – après déduction des aides fiscales – que les ménages non imposables, ce qui remet en cause la « dimension redistributive de l’APA ». « Entre 2002 et 2010, on constate une réduction très forte des inégalités sociales d’accès aux services et l’APA a parfaitement joué son rôle. Mais le mécanisme d’exonération fiscale [introduit en 2005] permet aux ménages aisés d’avoir un reste à charge équivalent à celui des plus pauvres. Les classes moyennes, qui ne bénéficient pas des exonérations et dont le niveau de l’APA est faible, sont perdantes », explique François-Xavier Devetter, maître de conférences en sciences économiques au Clersé.

Ecarts qualitatifs

L’analyse des sources existantes par département a permis de mettre en évidence des écarts importants en termes de « structuration qualitative de l’offre ». Les employeurs sont multiples : 57 % des salariés des services d’aide à domicile travaillent dans le secteur associatif, 19 % sont salariés par des particuliers employeurs, 14 % par des organismes publics et 10 % par des entreprises à but lucratif. Les associations sont particulièrement nombreuses dans les départements ruraux (Lozère, Orne, Lot-et-Garonne, Loire, Mayenne, Nièvre) et le secteur commercial est surreprésenté dans les départements les plus urbains et dans lesquels les revenus sont élevés (Hauts-de-Seine, Paris). Par ailleurs, l’étude rappelle que les conditions de travail des aides à domicile sont variables selon le type d’employeur et relève que l’emploi public et associatif offre de « meilleures perspectives » en matière de formation, de temps de travail et de répartition des heures ou encore de prise en compte des frais de déplacements.

L’offre de services d’aide à domicile présente également « d’importants écarts en termes quantitatifs ». Ainsi le nombre d’aides à domicile rapporté au nombre de personnes âgées de 75 ans ou plus est très variable selon les territoires. Les auteurs dénombrent jusqu’à 95 professionnels dans certains territoires, contre à peine 40 dans d’autres. L’examen du nombre moyen d’heures annuelles confirme ces écarts : si, en moyenne, il est de 82 heures par personne, 25 départements affichent des volumes inférieurs à 72 heures et 19 enregistrent des durées supérieures à 92 heures. Différents facteurs peuvent expliquer ces variations, en particulier l’hétérogénéité des besoins de la population ou la place des aidants. Mais elles sont aussi liées aux choix politiques des conseils généraux. Alors que le fonctionnement du secteur de l’aide à domicile est encadré par la loi, dans les faits, les pratiques sont diverses, tant en matière de financement de la demande que de la régulation de l’offre, ce qui crée « des situations assez inégales pour les usagers ». Du côté de la demande, « les critères d’éligibilité de l’APA dépendent en partie de l’organisation des services des conseils généraux », ce qui explique les proportions assez variables de bénéficiaires selon les départements. Ainsi, dans 23 départements, les bénéficiaires de l’APA représentent moins de 10 % de la population de 75 ans, contre 15 % dans 18 départements. « De même les modalités d’attribution de l’APA et le calcul du montant d’APA versé peuvent suivre des règles diverses et conduire à des sommes allouées différentes pour des individus présentant pourtant des caractéristiques identiques », indique le rapport.

Les écarts relatifs à l’offre de services, révélés par l’enquête menée auprès des services des fédérations, sont plus marquants encore. La part des structures autorisées varie « considérablement tandis que les pratiques de tarification obéissent à des logiques très diverses. Ainsi, certains départements peuvent ne tarifer aucun organisme prestataire ou ne proposer qu’un tarif unique pour toutes les structures tandis que d’autres peuvent au contraire moduler de manière importante les tarifs accordés. » Lorsqu’un conseil général fait le choix du tarif unique, « il le fixe à un niveau très bas, ce qui contribue à placer les structures en difficulté », précise François-Xavier Devetter, qui ajoute que le fait de moduler le tarif « au cas par cas permet, au contraire, de prendre en compte les spécificités locales ». Les remontées de terrain illustrent ce phénomène et montrent que certains départements présentent une grande diversité de tarifs (Charente-Maritime ou Haute-Savoie) alors que d’autres ont mis en place des procédures qui aboutissent à des tarifs très concentrés (Haute-Saône, Drôme, Ardèche). Si les tarifs déclarés par les structures interrogées oscillent entre 16 et 24 €, ils sont, pour plus de 10 % des structures qui ont répondu, supérieurs à 22 €, tandis que 12 % déclarent des tarifs inférieurs à 18 €. L’étude relève que si l’offre de services semble un peu plus importante dans les départements de gauche, aucun lien significatif n’apparaît entre l’offre de services et la couleur politique du conseil général, soulignent les auteurs. Tous sont en effet concernés par les contraintes financières « très lourdes » qui les « poussent […] probablement […] à restreindre l’accès aux services ».

Les données récoltées auprès des usagers permettent de comparer les coûts des tarifs en milieu urbain et rural. Il ressort que les revenus des personnes aidées sont légèrement plus importants en zones rurales (1 649 € par mois contre 1 446 €), tandis que le montant des plans d’aide y est sensiblement plus important en nombre d’heures (28 contre 24) comme en coût (510 € contre 381 €). Le tarif horaire serait alors de 22,15 € en zone rurale contre 19,50 € en zone urbaine, calculent les auteurs.

Notes

(1) Adessadomicile, ADMR, AD-PA, Croix-Rouge française, FNAAFP/CSF, Fnadepa, Fnaqpa, Générations mutualistes, GIHP, UNA, Uniopss et Unccas.

(2) Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques.

(3) Voir ASH n° 2854 du 4-04-14, p. 25. Cette étude doit être présentée le 9 avril au congrès du domicile organisé par l’UNA à Tours.

(4) La déclaration annuelle de données sociales (DADS) récapitule les effectifs employés et les rémunérations brutes versées aux salariés, sur lesquelles sont calculés les cotisations sociales, ainsi que les droits des salariés (retraite, assurance maladie…).

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