S’il a failli être annulé, le premier stage à l’accompagnement sexuel pour personnes handicapées a bien eu lieu et a rassemblé une dizaine de participants, du 12 au 15 mars dernier, à Erstein (Bas-Rhin), à l’initiative de l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel des personnes handicapées (APPAS). Alors que la question de l’accompagnement sexuel avait suscité dès 2011 un vif débat public, l’écrivain tétraplégique Marcel Nuss avait créé cette association en 2013(1), au lendemain de la diffusion de la position du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), pour lequel « il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain »(2).
En organisant une formation portant sur des gestes et des savoir-faire (toucher, massages…), mais aussi des connaissances médicales, juridiques et éthiques, le président de l’association ne se cache pas d’avoir voulu « mettre les pieds dans le plat ». Il affirme que l’accompagnement sexuel, « au même titre que la procréation médicalement assistée, est un droit » et qu’il est urgent que la France se dote d’un cadre juridique pour les aidants sexuels – « comme c’est le cas en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Autriche, en Italie et en Espagne ». Le stage invitait également les participants à s’interroger sur cette activité qu’ils ne pourront de toute façon exercer qu’à temps partiel : « On ne vit pas de l’accompagnement sexuel », précise Marcel Nuss.
L’association Femmes pour le dire femmes pour agir (FDFA), présidée par Maudy Piot – membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en tant qu’experte au sein de la commission santé, droits sexuels et reproductifs –, s’oppose à cette formation, considérant que « l’assistance sexuelle, achat de services sexuels, est assimilable à la prostitution » et qu’autoriser les services d’aidants sexuels pour les personnes handicapées « supposerait d’aménager la législation sur le proxénétisme ». En tête des « anti », l’association tente donc d’alerter l’opinion publique sur « les conséquences dangereuses pour notre société de la reconnaissance de cette pratique ». Sans nier que l’accompagnement sexuel relève pour le moment juridiquement d’une prostitution – et que « jusqu’ici se prostituer n’est pas illégal en France » –, Marcel Nuss précise que c’est un travail qui exige « des compétences et des capacités que la prostitution classique ne requiert pas », d’où la nécessité de passer par une formation. Même s’il s’agit d’une activité assimilable à du proxénétisme, l’APPAS a déjà mis en relation des personnes handicapées avec des accompagnants. Elle n’emploie néanmoins pas elle-même d’assistants sexuels et ne tire pas profit de ces derniers. C’est d’ailleurs par crainte d’être poursuivie pour ce délit que la gérante de l’hôtel où se déroulait la formation a voulu rompre le contrat la liant à l’association. Seule l’action en justice de l’APPAS a permis au stage d’être maintenu, le juge des référés ayant estimé que le risque de proxénétisme hôtelier n’était pas caractérisé.
L’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH), dans sa « Charte pour l’accessibilité universelle » publiée en juin dernier, estime, quant à elle, que « la revendication de la personne en situation de handicap de trouver une réponse à ses besoins de sexualité doit être satisfaite, y compris avec les accompagnements nécessaires ». Selon elle, la loi « doit évoluer » et des formations sont nécessaires pour les aidants sexuels, « qui ne doivent en aucun cas être assimilés à de la prostitution ». C’est l’avis de l’APPAS, qui demande « “simplement” la reconnaissance juridique d’une liberté qui devrait aller de soi » puisque « l’accompagnement à la vie affective, intime et sexuelle des personnes en situation de handicap relève purement de la liberté individuelle ». Une nouvelle formation de l’APPAS est prévue pour le mois d’octobre, avec des modules « pour l’accompagnement de couples ou de déficients intellectuels », précise Marcel Nuss.