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« Délit de solidarité » : la preuve d’une contrepartie doit être apportée pour écarter l’immunité humanitaire

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La jurisprudence autour de ce que les défenseurs des étrangers ont coutume d’appeler le « délit de solidarité »(1) s’étoffe avec un arrêt de la Cour de cassation dans lequel la Haute Juridiction annule la décision d’une cour d’appel de condamner une personne pour cette infraction, faute d’en avoir caractérisé les éléments constitutifs.

Dans cette affaire, un ressortissant de nationalité bengalie avait été reconnu coupable d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France commise en bande organisée, et condamné par la cour d’appel de Reims à quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Entendu par les enquêteurs, il avait expliqué côtoyer de nombreuses personnes sans papiers à qui il rédigeait des attestations de domicile, le tout sans contrepartie. Or, lors de son interpellation, la somme de 6 000 € avait été retrouvée en espèces dans l’appartement, en la possession de son « associé », argent prétendument prêté par des amis pour payer des frais liés à une éventuelle acquisition immobilière. Convaincu que le requérant et son associé avaient bien commis les faits reprochés, la cour d’appel avait considéré que les prévenus ne pouvaient pas bénéficier de l’immunité pénale pour l’aide aux étrangers prévue par la loi, qui ne peut être invoquée que lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte.

L’étranger s’est donc tourné vers la Cour de cassation, espérant pouvoir bénéficier de cette immunité puisque, affirmait-il, il avait rédigé les attestations de domicile sans contrepartie. La chambre criminelle a entendu ses arguments et cassé la décision, renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Nancy.

Elle a rappelé en premier lieu les termes mêmes de l’article L. 622-4 3° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : l’immunité pénale s’applique « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinés à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».

La Cour de cassation a par ailleurs rappelé que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision. « L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. » En l’occurrence, les Hauts Magistrats estiment que la cour d’appel aurait dû, pour condamner le prévenu, s’expliquer davantage sur les circonstances dans lesquelles ce dernier a hébergé des compatriotes en situation irrégulière et leur a fourni des attestations de domicile, et notamment sur l’existence d’une contrepartie directe ou indirecte. Elle ne l’a pas fait, elle n’a donc pas « justifié » sa décision.

La Cour de cassation retient ainsi une interprétation stricte du délit d’aide au séjour irrégulier et limite le pouvoir d’appréciation des juges du fond. Autrement dit, si la preuve d’une contrepartie – directe ou indirecte – n’est pas apportée, le fait d’héberger et de fournir à des sans-papiers des attestations de domicile est couvert par l’immunité humanitaire prévue par la loi.

[Cass. crim. n° 13-87185, 4 mars 2015, disponible sur www.courdecassation.fr]
Notes

(1) Délit dont le champ a été étendu par la loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées – Voir ASH n° 2808 du 3-05-13, p. 39.

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