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Patrick Kanner : « Un travail de conviction à mener par les mots et par les actes »

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Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, tire les leçons politiques des attentats de janvier. Sortir d’une telle crise suppose de redonner de la consistance au pacte républicain, explique-t-il. Ce qui passe, selon lui, par une lutte contre les inégalités et par la mobilisation des acteurs de l’éducation et du social.
Comment analysez-vous la crise révélée par les attentats de janvier ?

J’ai dit que je voulais être aussi le ministre de ceux qui ne sont pas Charlie. Pour moi l’enjeu est gigantesque, mais il est clair : rassembler tous les Français dans le giron de la République. En analysant la période avec lucidité, on observe, d’une part, une mobilisation populaire extraordinaire d’une partie des Français, qui signifient leur attachement aux valeurs républicaines, notamment à la liberté, et, d’autre part, le doute d’une autre partie du pays sur la réalité de ces valeurs, dont elle a beaucoup entendu parler mais dont elle estime ne pas les avoir ressenties. Il y a par rapport à la promesse républicaine, qui est une belle et juste promesse, de la déception. Or cette promesse est la base de notre récit national. Si les Français n’adhèrent plus à ce récit, s’ils n’y croient plus, notre unité se fissure. C’est donc la mission du gouvernement au premier chef, mais aussi de tous ceux à qui ce récit est cher, de lui redonner de la consistance, de la force. Pour cela, nous devons lutter contre les inégalités qui le minent et, sur le terrain idéologique, contre tous les discours de défiance. Il y a un travail de conviction à mener par les mots et par les actes.

Des rencontres avec les acteurs associatifs ont été organisées par votre ministère et les préfets. Qu’en est-il ressorti ?

Dès le lendemain des attentats, j’ai pris l’initiative de réunir, avec ma secrétaire d’Etat Myriam El Khomri, l’ensemble des têtes de réseau du secteur associatif. La discussion a été franche et utile. Il a fallu d’abord « vider son sac », compte tenu du choc collectif que nous venions de recevoir. Puis nous avons échangé nos analyses et esquissé des réponses. Il semblait évident que ce travail devait être également conduit au niveau des territoires, là où les acteurs se frottent quotidiennement aux difficultés. C’est pourquoi j’ai souhaité mobiliser les préfets en leur demandant d’organiser des rencontres avec le secteur associatif et les citoyens. Le premier retour a été de dire que ces rencontres étaient bienvenues. Les Français ont eu besoin de se rassembler, de parler, de chasser les peurs, qui sont diverses et nombreuses. Beaucoup de Français musulmans ont fait part de leurs craintes d’être associés aux attentats. Il a beaucoup été question de laïcité aussi. Un concept qui a manifestement besoin d’être reprécisé : il est censé défendre la liberté de tous, et il est perçu en partie comme une offense à la religion. C’est tout le contraire !

Quelles réponses envisager dans les politiques de la ville et de la jeunesse ?

Pour la jeunesse, nous mettons l’accent sur l’éducation et la citoyenneté. Il est clair que l’école ne peut assumer à elle seule toute la responsabilité de l’éducation des enfants et des adolescents. Nous voulons promouvoir une éducation complète, globale, qui mobilise l’ensemble de la communauté des adultes : Education nationale, acteurs associatifs, éducateurs sportifs, parents. C’est ce que nous avons commencé à faire dans le primaire avec la réforme des rythmes éducatifs et la mise en place de « projets éducatifs de territoire ». Il faut sans doute étendre cette logique au secondaire. Les adolescents ne doivent pas être les oubliés de nos politiques publiques. L’idée est aussi de laisser sa place à une éducation et une citoyenneté fondées sur l’expérience, la pratique. Il faut remettre du concret si l’on veut toucher les jeunes. C’est le rôle de l’éducation populaire et c’est aussi la philosophie du service civique. Faire en sorte d’éprouver la République, de pouvoir la toucher. Pour les quartiers, il s’agit de casser les phénomènes de ghettos. Cela commence par une politique volontariste de mixité sociale par le logement. Il n’est pas tolérable que des maires refusent de se mettre en conformité avec la loi. L’Etat va durcir le ton et demander aux préfets d’intervenir quand la mauvaise volonté est caractérisée. Il faut aussi donner des perspectives économiques à ces quartiers. Nous créons une agence dédiée(1), qui soutiendra les entrepreneurs des quartiers. On crée dans les quartiers deux fois plus d’entreprises qu’ailleurs, mais elles meurent aussi deux fois plus. Le tempérament, l’envie, l’énergie sont là. Il faut apporter les moyens et l’accompagnement. Dans la même logique, nous allons renforcer les dispositifs d’aide à l’emploi dans ces territoires prioritaires.

Comment consolider l’action de prévention et d’éducation des associations ?

Il y a un triple enjeu : gouvernance, formation, moyens. Les associations doivent être effectivement présentes dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Leurs membres doivent être formés pour pouvoir faire face à des situations inédites, par exemple sur la question de la laïcité que j’ai déjà évoquée. « Pourquoi Charlie, mais pas Dieudonné ? » : il faut savoir répondre. Enfin, nous avons préservé pour 2015 les crédits des associations, mais ceux-là avaient beaucoup chuté entre 2008 et 2011. Il faut sans doute inverser la vapeur.

Notes

(1) Annoncée le 6 mars dernier, cette « Agence pour le développement économique des territoires » interviendra en lien avec les collectivités territoriales, la Caisse des dépôts et l’ensemble du tissu associatif – Voir ASH n° 2901 du 13-03-15, p. 5.

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