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Laïcité et accueil de mineurs : la CNCDH demande le retrait d’une proposition de loi

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Dans une déclaration qu’elle a adoptée le 19 mars en assemblée plénière(1), la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) demande le retrait pur et simple de la proposition de loi des radicaux de gauche « visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect de la laïcité », qui, comme son nom l’indique, permettrait d’interdire dans ces établissements privés le port de tout signe d’appartenance religieuse. Un texte loin d’être consensuel adopté le 4 mars par la commission des lois de l’Assemblée nationale et dont l’examen en séance publique avait été dans un premier temps programmé pour le 12 mars avant d’être reporté au 11 mai, car jugé trop sensible à l’approche des élections départementales.

Adoptée en première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012, la proposition de loi aura mis trois ans à arriver jusqu’à l’Assemblée nationale. Elle vise concrètement à soumettre à une obligation de neutralité, sauf dans les établissements qui affichent un caractère religieux (établissements dits « de conviction »), les structures accueillant des enfants de moins de 6 ans – c’est-à-dire les crèches et les haltes-garderies – ne relevant pas du service public mais recevant des financements publics destinés à soutenir leur activité d’accueil. Le texte initial proposait aussi d’étendre l’obligation de neutralité aux assistants maternels dans le cadre de l’activité d’accueil d’enfants à leur domicile, mais la commission des lois a supprimé cette disposition. Elle a en revanche validé l’article qui propose d’étendre aussi l’obligation de neutralité aux établissements et services privés accueillant des mineurs hors du domicile parental et protégés dans le cadre du chapitre VII du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles – soit, au premier chef, les centres de vacances et de loisirs – et bénéficiant de financements publics. Autrement dit, des structures qui n’accueillent pas seulement des enfants de moins de 6 ans, mais tous ceux qui sont âgés de moins de 18 ans.

« Imperfections juridiques », « conséquences politiques désastreuses »… : dans son communiqué, la CNCDH ne mâche pas ses mots à l’encontre de la proposition de loi. Elle l’estime ainsi contraire non seulement à la Convention européenne des droits de l’Homme, à la Constitution, à l’esprit et à la lettre de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat mais aussi à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 juin 2014 dans l’affaire « Baby-Loup »(2). Le texte aurait en outre « des effets discriminatoires, notamment à l’égard des musulmans et plus particulièrement des femmes ». Il « divise au lieu de rassembler » et « pousserait à créer des structures à caractère propre », à « renforcer le communautarisme », en contradiction avec le bien vivre ensemble que véhicule la laïcité.

Enfin, la commission martèle qu’il « n’y a pas de vide juridique dans l’application du principe de laïcité ». Pour elle, en effet, « il ne convient pas de renforcer un arsenal législatif déjà riche », mais « avant tout » de « lutter contre “l’ignorance laïque” en formant et en expliquant ce que veut dire principe de laïcité ». Elle est sur ce point sur la même ligne que l’Observatoire de la laïcité qui, dans un communiqué du 9 mars, a réaffirmé son opposition à toute nouvelle législation à ce stade sur la question de l’extension de l’obligation de neutralité au secteur privé(3). Car, comme l’a montré l’affaire « Baby-Loup », « le droit actuel, bien que méconnu, permet déjà d’encadrer le fait religieux (y compris les tenues vestimentaires) et d’interdire tout prosélytisme au sein d’une entreprise privée ».

Notes

(1) Disponible sur www.cncdh.fr.

(2) En ce qu’elle a écarté le recours à la notion d’« entreprise de conviction » – Voir ASH n° 2867 du 4-07-14, p. 53.

(3) Disponible sur www.gouvernement.fr.

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