Glissement extrême

Mauvais garçon utilise les ingrédients éculés du livre sur la « cité »: un jeune valant mieux que les autres, bloqué dans un univers hostile, qui rêve de grandeur, loin de ces tours qui le vampirisent. Mais le résultat final est à mille lieues de ce qu’on a l’habitude de lire, offrant un roman captivant et d’une grande profondeur. Thomas, 23 ans, est brillant. Dealer de shit à la petite semaine, il est surtout le meilleur étudiant de sa promotion, et férocement motivé pour sortir sa famille de cet univers de médiocrité où ses « assistés » de parents l’ont plongé. Une mère au foyer, un père qui vit des allocs. Pas question de reproduire le schéma. Sauf que le poste qui lui était dévolu dans un prestigieux institut de sondage échoit au fils d’un célèbre homme d’affaires. Une fois de plus, réseau et piston ont fait un croche-pied au mérite. Une fois de trop.

Au fond du trou, Thomas se relève grâce à Louis Archambault, son mentor, son « dieu vivant ». Ce professeur hyper-médiatique fut son directeur de recherche à l’université. « Un modèle à suivre, un guide spirituel et un père fantasmé. » Un homme pour qui seul compte le mérite et qui croit profondément en Thomas. Archambault lui propose donc de devenir contributeur sur le site d’opinion qu’il a créé sur le Darknet, cet Internet sécurisé, anonyme et réservé à une poignée d’élus. Le site s’affranchit de toute cette « bien-pensance » qui fait tant de mal à la France, des clivages gauche-droite qui n’ont de clivage que le nom, ambitionne de remettre dans le droit chemin ce pays qu’il présente comme nécrosé par l’assistanat et l’immigration. Sous l’emprise de son gourou, Thomas va peu à peu glisser vers cet univers extrémiste, illustrant habilement la mutation que connaît une partie de notre société.