Clichés de SDF

Un pantalon qui sèche sur le rebord d’une fontaine parisienne… Le titre de cette photo ? La salle de bains. C’est Lorenzo, 55 ans, dont une bonne dizaine passée à la rue, qui a voulu faire preuve d’ironie en nommant ainsi son œuvre lauréate du concours « Prises de rue ». Il fait partie de la douzaine de sans-domicile fixe qui ont participé, de la mi-novembre à la mi-décembre derniers, à un concours photo organisé par l’association de réinsertion La Deuxième Marche et le site Internet www.wipplay.com. Des appareils photo ont été confiés à ces personnes en grande précarité qui, après une courte formation avec des étudiants en école d’art, sont parties donner libre court à leur imagination, avec pour mission de « nous montrer ce que nous ne voyons pas, nous raconter le monde tel qu’elles le voient ». Pas moins de 1 500 clichés ont été réalisés, montrant leur quotidien mais aussi leur rapport à la ville et aux espaces publics. Allant du concret au poétique, ces photos ont été soumises au vote du grand public puis d’un jury de personnalités, dont Claus Drexel, réalisateur du documentaire Au bord du monde(1), et Dominique Versini, ajointe à la mairie de Paris, chargée notamment de la lutte contre l’exclusion. Les trois premiers prix ainsi que 20 coups de cœur ont été sélectionnés, afin de figurer dans l’exposition « Prises de rue », qui trône depuis le 19 février sur les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris(2). C’est celui qui a choisi de se présenter sous le pseudonyme du Bossu de Notre-Dame qui a remporté le plus de votes, avec sa photo d’un SDF nourrissant les pigeons et savamment nommée Hitchcock. Il affirme être un photographe « qui shoote sans passion ni complaisance des scènes parfois choquantes », comme ses autres images également primées de sans-abri faisant la manche que nul ne semble voir ou de ces « Mères Courage » qui dorment sur les pas de porte. « S’afficher dans la rue comme artistes change de l’image habituelle des sans-abri, fait valoir l’association La Deuxième Marche, qui estime, non sans raison, que certains de ces photographes en herbe ont un réel potentiel.