Six mois après son passage à l’Assemblée nationale(1), le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement sera examiné au Sénat en première lecture du 17 au 19 mars. Initialement prévue pour 2015, l’entrée en vigueur de ce texte, qui porte essentiellement sur la prise en charge des personnes âgées à domicile, a été repoussée au début 2016.
En commission des affaires sociales au début février, les sénateurs ont déjà apporté des modifications importantes qui répondent, pour certaines, aux demandes des fédérations. La commission a d’abord conforté le financement des mesures du projet de loi en fléchant au sein du budget de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) l’utilisation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). « C’est une bonne chose », se félicite Alain Villez, conseiller technique à l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), alors que les fédérations réclament depuis plusieurs mois que la CASA soit bien affectée aux politiques visant les personnes âgées. Les sénateurs ont aussi créé une nouvelle section au sein de la CNSA, destinée à recevoir des financements pérennes pour l’aide à l’investissement dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Autre changement majeur : pour les services d’aide à domicile, un amendement prévoit de créer, à un horizon de cinq ans, un régime unique d’autorisation de l’ensemble des services d’aide à domicile quel que soit leur statut (public, associatif et privé), comme l’avait proposé le rapport d’information sur l’aide à domicile des sénateurs Jean-Marie Vanlerenberghe (UDI-UC) et Dominique Watrin (PC)(2). Ces services devraient respecter les obligations définies par un cahier des charges national fixé par décret. L’amendement adopté par la commission prévoit que les gestionnaires de services concluent avec l’autorité chargée de leur autorisation un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Les quatre fédérations d’aide à domicile (UNA, ADMR, Adessadomicile et Fnaafp-CSF) se félicitent de cette disposition qui, si elle est adoptée en séance plénière, permettrait de simplifier la réglementation, de « sécuriser l’accompagnement des publics fragiles et [de] consacrer l’activité des SAAD [services d’aides et d’accompagnement à domicile] auprès de ces publics comme une mission d’intérêt général, au-delà des contraintes du marché », et d’apporter « une meilleure réponse aux besoins pour tous sur tout le territoire », en garantissant une « égalité de traitement » en matière de coût des services. A l’inverse, cette proposition suscite la colère des gestionnaires de services agréés représentés par le Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées) et la Fédésap (Fédération française de services à la personne et de proximité), qui considèrent qu’elle aurait pour conséquence, du fait des nouvelles exigences qui leur seraient imposées, « la destruction, sous cinq ans, de 6 000 TPE-PME soit plus de 120 000 emplois ».
Concernant les logements-foyers (futures « résidences autonomie »), la commission a étendu le bénéfice du forfait autonomie à l’ensemble de ces structures, y compris celles qui perçoivent le forfait « soins », comme le réclament, depuis plusieurs mois, l’Unccas (Union nationale des centres communaux d’action sociale) et l’Uniopss(3). Enfin, les sénateurs ont supprimé la possibilité d’expérimenter le dispositif inspiré du « baluchonnage » québécois, qui était pourtant une demande forte des familles. La CFDT Santé-sociaux se réjouit de cette décision : elle avait en effet jugé que cette disposition était « illégale » et proposé le lancement d’une concertation sur le sujet avec les partenaires sociaux, ce qu’a retenu la commission des affaires sociales.
Les associations attendent que l’examen en séance plénière fasse encore évoluer le texte. Alors qu’elles ne cessent de réclamer des solutions pour sortir les services de l’impasse financière(4), les quatre fédérations de l’aide à domicile souhaitent que l’Etat participe davantage au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Par ailleurs, elles veulent que les nouvelles modalités d’organisation des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) « intégrés » qui ont été annoncées, en décembre dernier, par Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées(5), soient inscrites dans la loi. Elles réclament enfin que le projet de loi permette aux services d’aide à domicile agréés soumis à « une condition d’activité exclusive » de diversifier leurs activités en matière de prévention et en direction des aidants.
Enfin, l’Uniopss, avec plusieurs organisations du champ du handicap – dont l’APF, l’Unafam, l’Unapei… –, réclame toujours l’instauration d’un droit universel à compensation mettant un terme à la barrière d’âge. Tant que ce cloisonnement persiste, elle propose la création, à la place des maisons de l’autonomie (MDA) qu’autorise le projet de loi, d’un dispositif intitulé maisons départementales des droits et de l’autonomie (MDDA) qui, d’une part, conserverait les actuels groupements d’intérêts publics MDPH pour les personnes handicapées – dont le fonctionnement doit cependant être amélioré – et, d’autre part, comprendrait un dispositif spécifique d’accès aux droits et à l’accompagnement des publics éligibles à l’APA. Ces MDDA devraient être labellisées par une commission dédiée au sein de la CNSA.
(4) Face au manque de financement du secteur, l’UNA a organisé une mobilisation dans 17 villes de France le 7 mars pour demander au gouvernement un nouveau « fonds d’urgence » pour 2015.