Sortir de la logique des étapes successives pour considérer le logement comme le point de départ d’un parcours. C’est la voie que voulait défendre la Fondation Abbé-Pierre lors d’une journée d’échanges organisée à Paris le 10 mars, en invitant à partager l’expérience des associations investies dans cette démarche du « logement d’abord » et des personnes qu’elles accompagnent. Cette réponse, qui vise à proposer aux sans-domicile un habitat pérenne et à garantir leur autonomie, « est possible pour une bonne partie des gens pour qui on pensait qu’elle ne le serait pas », argue Patrick Chassignet, responsable de secteur à la Fondation Abbé-Pierre. D’où l’idée d’approfondir les pistes déjà expérimentées « sur la mobilisation des logements, le travail avec les bailleurs, l’environnement, et sur une forme rénovée de l’accompagnement ». Créer des réponses d’habitat respectueuses des trajectoires des « grands exclus » – dans le « diffus » ou sur un site regroupant plusieurs unités et des espaces collectifs – suppose en effet d’accepter « que la personne n’ait pas forcément de projet avant de prendre le temps de se poser dans le logement, de recommencer quand cela ne marche pas, de ne pas décréter à sa place et de construire avec elle », ajoute Patrick Chassignet.
Pour nourrir la réflexion, la fondation s’appuie sur des recommandations sur « l’accès à l’habitat des personnes sans domicile fixe en situation de grande précarité »(1) issues d’un groupe de travail constitué en 2010, qui a associé des professionnels et des résidents. « Depuis plusieurs années, l’ensemble des acteurs travaillant sur la grande exclusion (pouvoirs publics, associations, sociologues) font le constat qu’une part importante de personnes sans abri n’accède pas au logement, ni même souvent à l’hébergement, rappelle le document. De multiples causes ont été avancées, tant du côté de l’offre d’hébergement (conditions d’accueil, qualité, exigences vis-à-vis des personnes hébergées) que des personnes elles-mêmes cumulant plusieurs problématiques (sociales, de santé, etc.). Diverses expérimentations ont été mises en œuvre, parfois mises en valeur par les pouvoirs publics ou les médias. Cependant, trop peu d’analyses ont été réalisées afin d’en tirer des bilans. »
Le groupe s’est donc attelé à la valorisation des expériences qui concernent des personnes sans domicile fixe en grande précarité repérées par les accueils de jour et les équipes de maraude, qui refusent tout type d’hébergement institutionnel ou en sont exclues en raison des conditions d’accueil, inadaptées à leur spécificité (animal, addiction…). A partir du recueil et de l’analyse « des bonnes pratiques », ses recommandations déclinent plusieurs « principes d’intervention », dont le respect de la dignité des personnes, l’offre d’un accueil et d’un accompagnement « à bas seuil d’exigence », le respect du principe de non-abandon, la participation effective des personnes et la proposition d’un accompagnement adapté.
La journée du 10 mars visait aussi à « lancer un appel aux associations pour qu’un grand nombre d’entre elles s’engagent dans ce processus et aux pouvoirs publics afin qu’ils accordent des moyens à ces expériences, acceptent de donner de la souplesse aux dispositifs et favorisent l’initiative en sortant de la logique des appels à projets », explique Patrick Chassignet. « Par exemple, il faudrait qu’un résident en logement appartenant à un centre d’hébergement et de réinsertion sociale puisse y rester le jour où il va mieux, afin de lui éviter de tout recommencer une fois qu’il s’est installé dans un environnement, dans un quartier. » La Fondation Abbé-Pierre s’apprête à approfondir la réflexion avec les acteurs associatifs et institutionnels, dont la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement.
(1) En ligne sur