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La solitude, reflet des inégalités sociales, démontre une enquête

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« L’isolement et le délitement des liens sociaux constituent aujourd’hui un facteur essentiel d’inégalité. Certains en sont protégés, tandis que d’autres y sont particulièrement exposés. » Pour analyser ce processus et permettre aux acteurs sociaux de « mieux cibler leurs interventions », Serge Paugam, directeur de recherche au CNRS, responsable de l’équipe de recherche sur les inégalités sociales (ERIS), et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, a mené, au printemps 2014, à l’initiative de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et en partenariat avec trois fondations(1), une enquête sociologique auprès de plus 500 personnes vivant à Strasbourg. Cette étude, dont les résultats ont été rendus publics le 11 mars, est la première de ce type, « à visée expérimentale, l’objectif étant de l’étendre ensuite à trois nouvelles régions ».

L’équipe de recherche est partie de l’enquête « Santé, inégalité et ruptures sociales » réalisée en 2010 par l’ERIS pour constituer sa base de sondage. Elle a observé quatre grands types de liens sociaux qui « constituent le tissu social qui enveloppe l’individu » : les liens de filiation, les liens de participation élective (socialisation extrafamiliale), le lien de participation organique (dans l’organisation du travail) et le lien de citoyenneté. Les résultats montrent les relations entre la solitude – corrélée aux liens sociaux – et les conditions d’existence. Ainsi, les personnes en situation de précarité « ont un risque beaucoup plus élevé » d’en faire l’expérience : 21 % d’entre elles se sentent seules ou très seules, cette proportion atteignant 27,7 % lorsqu’elles sont en situation très précaire.

La situation par rapport à l’emploi constitue un facteur déterminant : 45,2 % des chômeurs disent qu’ils se sentent seuls ou très seuls et 38,7 % qu’ils souffrent régulièrement de la solitude. 21,3 % des autres « inactifs », notamment les mères au foyer, sont confrontés au même sentiment, alors que les retraités l’« éprouvent proportionnellement de façon beaucoup moins intense ». La catégorie socioprofessionnelle la plus touchée est celle des ouvriers : 20,4 % déclarent être concernés par cette situation. Par ailleurs, « même s’il n’existe pas de relation graduelle entre le sentiment de solitude et la hiérarchie sociale des quartiers », la proportion la plus faible de personnes touchées est « obtenue dans le type de quartier favorisé (8,6 %) » et la proportion la plus élevée « dans le type de quartier pauvre (21,7 %) ». Sans établir de liens de cause à effet, les résultats mettent en lumière que les personnes déprimées sont « nettement et systématiquement moins pourvues de liens sociaux que les personnes qui ne le sont pas ».

Les liens sociaux se délitent après 60 ans

L’enquête a également cherché à mesurer les inégalités en matière d’« intégration sociale » en calculant pour chaque personne la somme des liens sociaux dont elle est pourvue. Cette fois, les écarts sont significatifs selon l’âge, la situation se « dégradant globalement à partir de 60 ans ». Ils sont également liés à la situation au regard de l’emploi, au niveau d’études, à la catégorie sociale et à la situation financière. Ainsi, les personnes en situation très précaire financièrement cumulent souvent cette difficulté avec une forte probabilité d’être mal intégrées socialement, ce cumul correspondant « à un processus de disqualification sociale ».

Ces résultats démontrent « que la solitude, souvent dépeinte comme la condition de l’individu contemporain, est avant tout la conséquence de la fragilité des liens sociaux et, de façon générale, des inégalités de l’intégration sociale », conclut l’étude. Pour Serge Paugam, s’il est possible d’identifier ce risque pour définir des interventions ciblées auprès des catégories de population et des territoires vulnérables, faire reculer le délitement des liens sociaux doit passer par « des politiques préventives fondées sur une reconnaissance globale des causes de ce phénomène, et notamment des mécanismes qui contribuent à tisser collectivement et de façon normative les liens sociaux ».

Notes

(1) La Fondation Caritas-France, la Fondation pour le lien social-Croix-Rouge française et la Fondation des petits frères des pauvres.

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