A l’occasion du huitième anniversaire de la loi sur le droit au logement opposable (DALO), son comité de suivi a adopté, le 5 mars, une motion où il fait part de « ses plus vives inquiétudes sur la situation du DALO en France », rappelant qu’il subsiste 59 502 ménages prioritaires et urgents à reloger (contre 54 394 il y a deux ans), dont 44 013 en Ile-de-France (41 375 en 2013). Le comité de suivi souligne d’abord que « la publication de la circulaire du 6 février 2015 visant à la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté adopté le 21 janvier 2013 dénote la volonté du gouvernement de faire appliquer la loi en rappelant aux préfets l’ensemble des outils à leur disposition et en incitant à la mobilisation de tous les acteurs »(1). Dans cette instruction, la ministre du Logement, Sylvia Pinel, détaille les mesures à prendre pour mettre en musique le « plan d’action DALO » qu’elle a présenté le 20 octobre dernier(2) et qui suit trois axes : mobiliser à plein le contingent des logements réservés de l’Etat et d’Action logement (ex-1 % logement) pour les bénéficiaires du DALO, associer les autres partenaires (collectivités locales en particulier) et mieux informer et accompagner les ménages concernés par le dispositif.
Pour autant, à la suite de la publication de cette circulaire et face aux résultats de l’année 2014, le comité de suivi a soumis « plusieurs propositions visant à améliorer la mise en œuvre du droit au logement opposable ». Il entend d’abord « déterminer des objectifs chiffrés et territorialisés de relogement », ce que ne prévoit pas l’instruction ministérielle. « Il semblait pourtant important de déterminer les objectifs à atteindre en matière de mobilisation des contingents préfectoraux, d’Action logement et du parc privé pour chacun des territoires où le DALO se trouve en échec », écrit le comité de suivi, qui juge que le texte de Sylvia Pinel prend « très peu en compte » les ménages bénéficiaires en attente d’une offre adaptée depuis plusieurs années. Deuxième proposition : garantir l’accès au droit au logement opposable indépendamment de l’offre disponible sur les territoires. Insistant sur le fait que le DALO est un droit, le comité de suivi s’inquiète que la circulaire mentionne que celui-ci « s’entend au regard de l’offre de logements disponibles qui peut être d’importance et de nature différentes selon les secteurs géographiques ». Avant de réaffirmer que l’accès au DALO doit au contraire « s’envisager indépendamment de la disponibilité de l’offre sur les territoires » et que « l’esprit de la loi est bien d’assigner à l’Etat une obligation de résultat et non uniquement de moyens ».
Le comité demande ensuite, s’agissant de l’Ile-de-France, de mettre en place « le plus rapidement possible » la commission associée au comité régional de l’habitat et de l’hébergement, annoncée dans la circulaire, afin de mettre en œuvre d’ici à janvier 2017 le relogement effectif des ménages prioritaires DALO non relogés à ce jour en région parisienne.
Enfin, indiquant avoir pris connaissance des « propositions de certains élus visant à “suspendre” la mise en œuvre du droit au logement opposable dans certains quartiers “sensibles” pour “éviter de concentrer des populations pauvres” », le comité de suivi rappelle son opposition à cette idée en soulignant que le DALO « n’est ni une catégorie socioprofessionnelle, ni un indicateur de difficultés sociales et encore moins un niveau de revenus » et qu’utiliser ce droit « comme un critère restrictif à l’accès de certains territoires au nom de la mixité sociale participe à entretenir les préjugés et la stigmatisation des ménages ». Visiblement, le comité de suivi n’a pas été entendu puisque le Premier ministre demande, dans son plan pour l’égalité et la citoyenneté présenté le 6 mars, que les personnes se situant en dessous du seuil de bas revenus, et en particulier celles qui sont bénéficiaires du DALO, ne soient plus relogées dans les quartiers prioritaires (voir ce numéro, page5).
(1) Sur cette circulaire, voir ASH n° 2900 du 6-03-15, p. 43.