Expressions libres

Passés par la case prison est un véritable plaidoyer pour la prévention et contre la fonction excessivement punitive de la prison telle qu’elle existe en France. Préfacé par Robert Badinter, le livre donne la parole à huit anciens détenus, à travers la plume de huit écrivains qui les ont rencontrés. « Même s’ils ne sont, bien sûr, pas représentatifs des parcours de la majorité des anciens détenus, ceux-ci ont valeur d’exemple », prévient cet ouvrage réalisé par l’Observatoire international des prisons.

Sacha Y. a connu la détention pour avoir incendié un bus et brûlé une vieille dame qui s’y trouvait, durant les émeutes de 2005. « La justice telle que je l’ai connue ne laisse pas la place pour se sentir coupable ou responsable. Elle ne laisse la place qu’à la rage, explique-t-il à l’écrivaine Marie Darrieussecq. Comment avoir des remords quand la violence du système paraît pire que les actes commis ? » Sacha rêvait de devenir avocat, et bien qu’il n’ait plus le droit d’exercer ce métier à cause de son casier judiciaire, il poursuit malgré tout des études de droit. Véronique H., elle, n’a pas de bagage culturel. « Illettrée », comme la décrit le romancier Pierre Lemaitre, elle a connu une vie de misère, rythmée par la maladie, l’alcool et la mort. Détenue à l’issue d’une conduite en état d’ivresse et d’un non-respect de l’obligation de soins, elle n’a jamais compris ce que la justice attendait d’elle ni ce qu’elle faisait en prison. Un exemple qui illustre bien le manque de pédagogie de certains juges à l’égard de délinquants aux facultés intellectuelles limitées.

Sans se cantonner aux récits personnels de ces ex-détenus, le livre déconstruit un certain nombre d’idées reçues, revenant notamment sur le coût prohibitif d’une incarcération ou « le caractère contre-productif et désocialisant des courtes peines ».