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Plan « pauvreté » : une feuille de route loin du compte, pour les associations

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S’ils saluent les annonces sur la prime d’activité, les acteurs associatifs déplorent l’insuffisance de mesures nouvelles dans la feuille de route 2015-2017 du plan « pauvreté », notamment sur le front de l’hébergement et du logement.

La feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, présentée le 3 mars, à l’issue d’une session extraordinaire du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, devant pas moins de 11 ministres (voir ce numéro, page 5), est loin de combler les attentes des associations. La plupart des quelque 50 mesures annoncées reprennent en effet des dispositions déjà connues, parfois déjà mises en œuvre, exception faite des contours de la future prime d’activité. Pour les acteurs de la lutte contre l’exclusion, qui ont défendu jusqu’au bout leurs positions à Matignon, les arbitrages décidés sur cette future prestation, qui remplacera le RSA « activité » et la prime pour l’emploi (PPE) au 1er janvier 2016, ont constitué la bonne surprise du discours de Manuel Valls. « Nous étions inquiets pour les jeunes, mais avons obtenu qu’ils puissent accéder au dispositif même s’ils résident chez leurs parents, et que la question soit relancée pour les apprentis et les étudiants qui travaillent », se félicite François Soulage, président du collectif Alerte. Les associations comptent également sur le débat parlementaire pour aboutir à un calibrage du dispositif favorable aux plus pauvres. Selon le modèle envisagé par le gouvernement, le nouveau système commencerait à être plus avantageux que le RSA « activité » pour les salariés touchant un demi-SMIC. « Mais il n’y a pas de raison que le gain ne commence pas dès le premier euro !, commente Bruno Grouès, coordinateur du collectif Alerte. Nous ne croyons pas à l’argument de la lutte contre le temps très partiel, qui est le plus souvent subi, et refusons que les plus pauvres soient désavantagés. » Autre point positif : une majoration de la prime, dont l’ampleur n’est toutefois pas encore connue, est prévue pour éviter que les familles monoparentales, notamment, soient perdantes après la réforme, qui prévoit une part « individuelle » de la prestation, calculée en fonction des seuls revenus de l’allocataire. Inquiétude néanmoins : les 4 milliards d’euros prévus pour la prime d’activité – soit des moyens constants, même si, selon Manuel Valls, ils augmentent mécaniquement du fait de l’érosion de la PPE. « Le gouvernement tient la réforme dans cette enveloppe car il table sur un taux de recours de 50%, contre 30% pour le RSA “activité”, souligne Bruno Grouès. C’est un progrès, mais il crée un dispositif en prévoyant lui-même une moitié de non-recourants… » Les associations, qui défendaient un système proche de la PPE, versée automatiquement, reprochent à la prime d’activité d’être encore trop complexe. « Le dispositif risque de manquer sa cible pour des raisons économiques », déplore ainsi Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, selon qui, plus globalement, le plan « manque cruellement de moyens », avec le risque d’aboutir, encore une fois, à un « décalage entre les discours et la réalité ».

Rien sur les expulsions

L’ensemble de la feuille de route « ne marque pas la volonté de mettre les bouchées doubles face à l’augmentation de la pauvreté », regrette Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Les associations réclamaient notamment la fin des expulsions locatives sans relogement, « afin d’éviter que 40 000 personnes de plus ne basculent dans l’exclusion », ajoute-t-il. « Nous attendions des engagements afin que personne ne soit remis à la rue le 31 mars, à la fin de la période hivernale, rappelle Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). On est au bord d’une grève générale des 115 s’il n’y a pas de signal fort sur le sujet. »

Une forme de contradiction, alors que la feuille de route de Matignon affirme un « nouveau principe transversal, celui de l’accompagnement », qui n’a pas encore vraiment de contenu concret. « L’accompagnement est au cœur des annonces, mais le gouvernement ne se donne pas les moyens de le penser avec les professionnels », tacle Véronique Fayet, évoquant l’impatience suscitée par les « “états généraux du travail social”, repoussés de six mois en six mois ». Dans ce cadre, le collectif Alerte revendique la création d’un droit à l’accompagnement, inscrit dans le code de l’action sociale et des familles, pour tous les sortants de dispositifs publics – aide sociale à l’enfance, protection judiciaire de la jeunesse, prisons, hôpitaux psychiatriques.

Côté ressources et accès aux soins, les acteurs de la lutte contre l’exclusion se réjouissent que l’Etat tienne ses engagements sur la revalorisation du RSA « socle » (10 % sur le quinquennat), du complément familial et de l’allocation de soutien familial, ou du plafond d’éligibilité à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et à l’aide à la complémentaire santé. Le secteur associatif a néanmoins réclamé, en vain, que le plafond de la CMU-C soit supérieur au montant de l’allocation pour adultes handicapés et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Si le projet de fusion du RSA « socle » avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS), dans un objectif de simplification, est bien accueilli, il suscite quelques réserves : « L’ASS, contrairement au RSA “socle”, permet une ouverture de droit à des trimestres de retraite, explique Bruno Grouès. Nous serons attentifs à ce que la prochaine prestation la conserve. »

Quant au volet « emploi », « nous avons eu un solde de tout compte avec le plan Rebsamen » présenté le 9 février dernier(1), ironise le coordinateur d’Alerte, selon qui, à défaut d’accord national interprofessionnel, le collectif va mobiliser les partenaires sociaux localement. Rien de nouveau non plus, donc, si ce n’est l’annonce d’une expérimentation de médiation vers l’emploi lancée en 2015 avec des structures volontaires de l’insertion par l’activité économique, afin « d’accompagner l’évolution des pratiques professionnelles de [leurs] salariés permanents ». Un projet déjà porté par la FNARS pourrait être visé par cette démarche. Mais, plus globalement, les associations voulaient que la prestation de suivi dans l’emploi annoncée il y a un mois par le ministre du Travail puisse être assurée systématiquement par les structures qui auraient déjà accompagné la personne durant son parcours d’insertion. « Dès lors que le ministère a décidé de passer par un appel d’offres, nous demandons que les structures de l’IAE n’en soient pas exclues, pour des publics qu’elles auraient déjà accompagnés ou non », précise François Soulage. Par ailleurs, la feuille de route indique qu’une mission de l’inspection générale des affaires sociales va être « chargée d’analyser les différentes expérimentations en cours et de mettre en perspective leurs différents enseignements pour appuyer les travaux à venir du Conseil national de l’insertion par l’activité économique ». Selon Alexis Goursolas, chargé de mission à la FNARS, cette décision répond à un souhait des associations qui avaient demandé, dans le cadre de la réforme de l’IAE, que soit valorisée « la capacité du secteur à créer des emplois et des filières d’activité, en réalisant un état des lieux des pratiques innovantes et des leviers d’action pour les essaimer ».

Parmi les préoccupations du secteur de la lutte contre l’exclusion figurent enfin l’appropriation et la mise en œuvre locale du plan pluriannuel. Si le Premier ministre a annoncé une nouvelle circulaire pour les renforcer, « beaucoup de mesures dépendent des collectivités locales et les préfets ne pourront rien sans une coalition territoriale entre les conseils généraux, les caisses d’allocations familiales, les centres communaux d’action sociale et les associations », estime Véronique Fayet. Or, « en attendant les élections départementales, les conseils généraux sont peu réceptifs et avant l’automne, il sera compliqué de les mobiliser… »

Notes

(1) Voir ASH n° 2897 du 13-02-15, p. 16.

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