Insécurité sanitaire et alimentaire, promiscuité, freins à l’accompagnement social, à la scolarisation des enfants, à la reprise d’emploi… Dans une enquête sur l’hébergement à l’hôtel en Ile-de-France, le Secours catholique rejoint les constats formulés il y a quelques mois par le SAMU social de Paris(1). Solution d’urgence, l’accueil en chambres hôtelières installe pourtant environ 30 000 personnes, dont 15 000 enfants, dans la précarité, rappelle le rapport de l’association, qui s’appuie sur les informations collectées par un groupe de travail régional.
La démarche du Secours catholique a été pragmatique : face au « sentiment d’impuissance » de ses équipes locales, chaque délégation départementale d’Ile-de-France a mené, entre novembre 2013 et mars 2014, une « campagne de signalement » de personnes et familles hébergées en hôtel, pour mieux connaître leur situation et leur permettre de témoigner. Au total, 260 questionnaires ont pu être exploités, concernant 825 personnes, dont plus de la moitié d’enfants, âgés en moyenne de 6 ans. La grande majorité des répondants (89 %) appartiennent en effet à des familles, dont 38 % sont monoparentales. Outre les conditions de vie dégradées des personnes hébergées, l’enquête met en lumière leur isolement. Si 73 % disent bénéficier d’un suivi social, celui-ci n’est régulier que dans 18 % des cas (une rencontre au minimum par mois). L’éloignement géographique est un réel obstacle : 42 % des personnes (sur une centaine ayant renseigné cette question) mettent plus d’une heure pour se rendre à la structure assurant leur accompagnement social.
Si ce recueil de données « comporte un certain nombre de limites méthodologiques » (les questionnaires n’ont pas fait l’objet d’un échantillonnage), il permet « d’observer les tendances, en vue d’un travail plus approfondi et régulier sur l’analyse des situations des personnes hébergées dans les hôtels que notre réseau peut accompagner », indique le groupe de travail, selon lequel cette première étape devrait déboucher sur la création d’un « observatoire du mal-logement ». Autre particularité, souligne le rapport : « l’élaboration de la démarche d’enquête et du questionnaire s’est faite avec des personnes vivant à l’hôtel ». Pour créer des espaces de consultation avec ce public, « nous souhaitons que la loi 2002-2 qui rénove l’action sociale par le renforcement des droits des usagers fréquentant les établissements et services sociaux et médicosociaux soit appliquée aux personnes vivant à l’hôtel », plaide le document.
Le rapport du Secours catholique qui, avec la Fondation Abbé-Pierre et le DAL, appelait le 5 mars à un rassemblement devant l’Assemblée nationale, à l’occasion du huitième anniversaire de la loi sur le droit au logement opposable, interpelle aussi les pouvoirs publics. Ses deux principales revendications : sortir « du modèle d’hébergement à l’hôtel » par la production de logements accessibles aux plus démunis et « effectuer un contrôle régulier de la qualité de la prestation de l’hôtelier et de la qualité des conditions d’accueil à l’hôtel ».
Comment à la fois garantir une vie décente aux personnes hébergées à l’hôtel faute de mieux et développer des alternatives ? Le SAMU social de Paris évoque, de son côté, des pistes. Pour son président, Eric Pliez, « réinternaliser » une partie de la réservation des chambres, massivement confiée aujourd’hui à des prestataires privés, « dont le système, qui fonctionne à flux tendu, est devenu totalement dépendant, est un objectif de court terme pour des raisons économiques et de bon sens ». Mais l’enjeu central est, bien sûr, de trouver des solutions d’accueil et d’accompagnement plus adaptées. Le plan triennal de réduction des nuitées hôtelières visant à créer 13 000 places en « dispositifs alternatifs » d’ici à 2017, selon les annonces faites par la ministre du Logement au début du mois de février(2), « nous satisfait en grande partie, ajoute-t-il. Mais nous doutons de l’équilibre des offres proposées, l’intermédiation locative et le parc privé pouvant correspondre à la situation des travailleurs pauvres ou des ménages à faibles ressources en situation administrative régulière, sans répondre à tous les besoins. » Pour cette raison, le SAMU social de Paris défend le développement de « cohébergements » en appartements gérés par des centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Autre proposition : faire racheter des hôtels par des bailleurs sociaux ou des associations, afin que la structure garantisse un certain nombre de prestations ou qu’elle puisse prendre la forme d’une résidence sociale. « Nous y travaillons avec la Caisse des dépôts, pour essayer d’ouvrir des lignes budgétaires de type PLAI [prêt locatif aidé à l’intégration] », précise Eric Pliez.