Créées en 2005, les maisons de l’emploi (MDE) sont « confrontées à une crise de légitimité dans un contexte de baisse marquée de leurs subventions », pointe une récente étude du Centre d’études de l’emploi (CEE)(1). A l’origine, les maisons de l’emploi ont été pensées comme un « dispositif souple » chargé d’organiser « le rapprochement géographique et/ou organisationnel entre le noyau dur du service public de l’emploi », à savoir l’Etat et Pôle emploi(2), et ses partenaires à l’échelle locale (collectivités territoriales, missions locales…). Les MDE devaient ainsi jouer un rôle de guichet unique, avec une organisation et des « activités décidées par les acteurs locaux et répertoriées dans un cahier des charges large, afin de “coller” au plus près des problématiques locales ».
La mise en place des MDE devait par ailleurs constituer « un acte fort de territorialisation, puisque les élus locaux [étaient] alors positionnés comme les chefs de file de la gouvernance locale du marché du travail », souligne le CEE. Mais l’absence de transfert de la compétence « emploi » aux élus locaux a entretenu « l’ambiguïté » quant à la répartition des attributions entre ces derniers et l’Etat. De fait, le positionnement des MDE est « problématique » et leur « légitimité ne va pas de soi ». Avec cette interrogation qui demeure : « S’agit-il d’un outil de coordination des intermédiaires de l’emploi, d’un maillon supplémentaire de placement des chômeurs ou encore d’un outil au service du développement économique du territoire ? » Un flou qui a conduit à des jeux de pouvoir, notamment entre les membres du service public de l’emploi et les MDE, dont le rôle de chef de file de la gouvernance locale du marché du travail « est contesté, en premier lieu par l’opérateur national ».
La création de Pôle emploi en 2008 a en outre entraîné deux évolutions majeures dans le cahier des charges des MDE : la première concerne la validation de leurs plans d’actions qui revient désormais au conseil régional de l’emploi présidé par les préfets de région, privant les élus locaux de la « responsabilité d’orchestrer la politique d’emploi à l’échelle locale ». La seconde modification : « sauf accords spécifiques avec l’opérateur public, les MDE ne peuvent plus assurer les missions d’accompagnement et de placement des demandeurs d’emploi, rappelle le CEE. Leur rôle d’acteur de l’intermédiation est donc relégué au second plan, au profit de leur fonction de coordination des opérateurs locaux du marché du travail. » Or cette fonction de coordination était, de fait, elle-même « adossée au rôle de chef d’orchestre de la politique locale du marché du travail et en constituait son pendant direct. Désormais dépourvues de cette fonction de gouvernance locale, les MDE n’ont que peu de marges de manœuvre pour s’imposer, du moins au premier chef. »
Les deux cahiers des charges des maisons de l’emploi, décidés en 2009 et en 2013(3), ont encore resserré un peu plus leurs missions autour de deux axes: participation à l’anticipation des mutations économiques et contribution au développement local de l’emploi. Une restriction qui s’est traduite par une baisse des fonds alloués par l’Etat, passés de 85 à 36 millions entre 2010 et 2014. « Sauf à ce que les collectivités territoriales prennent le relais » – un scénario « peu probable » –, la question de l’avenir des maisons de l’emploi est donc « clairement posée », estime le CEE. Avant de glisser qu’il apparaît cependant difficile de « statuer efficacement sur leur sort » au vu des « conclusions divergentes » de trois récents rapports – de l’inspection générale des affaires sociales(4), de l’Assemblée nationale(5) et de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle(6) –, qui ont tenté de définir qui, de l’Etat ou des collectivités territoriales, doit définir et piloter les politiques territoriales de l’emploi.
« L’absence de consensus sur la place et le rôle à concéder aux MDE dans le paysage des intermédiaires de l’emploi pose la question de leur identité », écrivent en conclusion les auteurs, qui pointent « la contradiction qu’il y a à demander aux MDE qu’elles se conforment à un cahier des charges unique, tout en continuant d’invoquer le territoire comme échelle pertinente d’action pour lutter contre le chômage ». Sur le terrain, les observations réalisées attestent de coopérations « tantôt fructueuses, tantôt conflictuelles » entre la direction des MDE et le service public de l’emploi, les difficultés de régulation pouvant avoir différentes causes : faible latitude laissée aux acteurs locaux, instabilité budgétaire et, parfois, « absence de cultures professionnelles communes entre élus et services déconcentrés de l’Etat ». S’agissant enfin de l’évaluation du dispositif, elle doit aussi être pensée « sur la base d’éléments qualitatifs et d’objectifs fixés par les acteurs locaux » car les logiques d’évaluation des grands corps d’Etat « ne sont pas à même de saisir, seules, la diversité des situations territoriales ». C’est en effet la mobilisation de l’ensemble des parties prenantes, y compris des publics concernés, qui « devrait permettre de mieux appréhender les effets de la mise en place des maisons de l’emploi dans les territoires et, ainsi, de statuer plus efficacement sur leur sort », juge le CEE.
(1) « Les maisons de l’emploi ou l’introuvable politique territoriale de l’emploi » – Connaissance de l’emploi n° 118 – Janvier 2015 – Disp. sur
(2) Et, avant la création de Pôle emploi en 2008, l’ANPE et le réseau des Assedic.
(3) Sur le dernier cahier des charges, applicable depuis le 1er janvier 2014, voir ASH n° 2841-2842 du 10-01-14, p. 42.
(4) « Evaluation de la politique territoriale de l’emploi » – IGAS – Mai 2013 – Disp. sur