Afin d’inciter les bailleurs de logements non décents à effectuer les travaux nécessaires à leur mise en conformité, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a institué une procédure permettant aux organismes payeurs d’aides au logement de faire pression sur eux via ces aides. Un décret en précise les modalités de mise en œuvre pour l’allocation de logement sociale (ALS) et l’allocation de logement familiale (ALF).
Désormais, lorsqu’un logement fait l’objet d’un constat de non-décence – réalisé par l’organisme payeur ou par un opérateur habilité par ce dernier(1) –, le droit à l’allocation de logement (AL) est maintenu durant un délai maximal de 18 mois et son versement – au locataire ou au bailleur – est différé tant que le propriétaire n’a pas effectué des travaux de mise en conformité. Durant cette période, l’allocation est ainsi conservée par l’organisme payeur et le locataire ne doit payer que la part de loyer résiduelle, c’est-à-dire celle qui n’est pas couverte par l’allocation.
Lorsque les travaux sont réalisés, l’allocation consignée est versée au bailleur. Si, en revanche, à l’expiration du délai de 18 mois, les travaux n’ont pas été effectués, l’allocation consignée est définitivement perdue, le versement de l’allocation est suspendu et le bailleur ne pourra pas se retourner contre son locataire pour récupérer la part de loyer impayé correspondant à l’AL non perçue. Du côté du locataire, l’allocation de logement n’est plus due. Et il devra donc, par la suite, s’acquitter de la totalité du loyer à moins d’avoir obtenu du juge une réduction de son montant.
Le maintien du droit à l’allocation et sa consignation peuvent toutefois être prolongés à titre exceptionnel pour une durée de six mois renouvelable une fois, dans des situations bien précises : pour permettre l’achèvement d’une mise en conformité engagée, pour prendre en compte l’action du locataire pour rendre son logement décent par la voie judiciaire ou bien encore pour prévenir des difficultés de paiement du loyer ou de relogement du locataire. Le décret détaille ces situations.
Premier cas prévu par la loi, donc : le maintien et la consignation de l’AL au-delà des 18 premiers mois visent à permettre l’achèvement d’une mise en conformité engagée. Le bailleur doit alors apporter la preuve auprès de l’organisme payeur qu’il a engagé les travaux de mise en conformité en vue d’un achèvement dans un délai de six mois, indique le décret. Le renouvellement de ce délai ne peut ensuite être accordé que si le propriétaire apporte la preuve que la réalisation des travaux nécessite un délai encore supérieur ou que le retard dans l’avancement des travaux ne lui est pas imputable.
Deuxième cas : le maintien et la consignation de l’AL visent à prendre en compte l’action du locataire pour rendre son logement décent par la voie judiciaire. Le locataire doit avoir engagé une action en justice – toujours en cours – fondée sur la méconnaissance par le bailleur de son obligation de fournir un logement décent, précise le décret.
Troisième situation : lorsqu’il s’agit de prévenir des difficultés de paiement du loyer. Le maintien et la conservation de l’allocation pour une durée de six mois peuvent alors être décidés :
→ si l’allocation de logement hors forfait charges constitue plus de la moitié du dernier loyer brut hors charges connu de l’organisme payeur. Dans ce cas, à l’issue du délai de six mois, un nouveau délai de six mois peut être accordé si l’allocataire apporte la preuve qu’il n’était manifestement pas en mesure, au cours de la première période de six mois, d’exercer une action judiciaire pour obtenir la mise en conformité du logement avec les caractéristiques de la décence. Il peut également y avoir ce nouveau délai s’il apporte la preuve soit qu’il a accompli des actes positifs et récents en vue de trouver un nouveau logement ou de saisir la commission de médiation « DALO » (droit au logement opposable), soit qu’il n’était manifestement pas en mesure de trouver un logement ;
→ si l’allocataire est en situation d’impayé de loyer et bénéficie du maintien de l’allocation de logement en raison de sa bonne foi.
Quatrième et dernière situation : lorsqu’il s’agit de prévenir des difficultés de relogement. Pour obtenir un délai de six mois, le locataire doit alors apporter la preuve :
→ soit qu’il a accompli des actes positifs et récents en vue de trouver un nouveau logement ou qu’il a saisi la commission de médiation « DALO » ;
→ soit qu’il n’était manifestement pas en mesure de trouver un logement.
En cas de demande de renouvellement du délai de six mois, celui-ci ne peut être accordé que si l’allocataire apporte la preuve qu’il n’était manifestement pas en mesure de trouver un logement au cours du délai de six mois précédent.
Quid à l’issue du ou des renouvellement(s) ? Comme au terme de la période initiale de 18 mois :
→ soit les travaux ont été réalisés. Le montant de l’allocation logement conservé par l’organisme payeur sur la période de six mois éventuellement renouvelée sera alors versé au bailleur ;
→ soit les travaux n’ont pas été réalisés et l’allocation de logement conservée par l’organisme payeur sera alors définitivement perdue pour le bailleur. Il ne pourra pas réclamer au locataire la part de loyer impayé correspondant à l’allocation de logement non perçue. Quant au locataire, l’allocation n’étant plus due, il devra s’acquitter à partir de là de la totalité du loyer, sauf s’il a obtenu du juge une réduction de son montant.
Le décret maintient – tout en procédant à un léger toilettage réglementaire – les cas de dérogations à la condition de décence déjà prévus auparavant pour les hôtels meublés et les logements dont les allocataires sont propriétaires. L’allocation de logement peut ainsi être accordée, à titre dérogatoire, par l’organisme payeur :
→ aux personnes logées en hôtels meublés ou en pension de famille, pour une durée de un an. Le préfet désigne alors, dans le cadre du plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, un organisme privé ou public aux fins de proposer au propriétaire une solution adaptée d’amélioration du logement, ou à l’allocataire une solution de relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Cette dérogation peut être prorogée pour six mois si les travaux de mise aux normes, bien que décidés, n’ont pas pu être achevés ou si la solution de relogement, bien qu’elle ait été acceptée, n’a pas encore pris effet ;
→ aux allocataires accédants à la propriété ou propriétaires ayant engagé des travaux pour une durée de 18 mois renouvelable une fois. L’organisme payeur informe dans ce cas le comité responsable du plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées afin qu’il examine, avec l’allocataire, une solution adaptée d’amélioration du logement ou une solution de relogement.
Le décret articule la procédure de conservation de l’AL avec celle de maintien dérogatoire de l’allocation pour surpeuplement(2). Un allocataire peut en effet faire simultanément l’objet des deux. Le cas échéant, les règles suivantes s’appliquent :
→ si le logement n’est toujours pas décent à l’expiration de la procédure de conservation de l’AL, l’allocation est suspendue, même si la période de bénéfice dérogatoire de l’AL au titre du surpeuplement n’est pas expirée ;
→ si le logement est toujours surpeuplé à l’expiration de la période de bénéfice dérogatoire de l’AL à ce titre, l’allocation est suspendue, même si la procédure de conservation de l’AL au titre de la non-décence n’est pas expirée.
Dans tous les cas, l’organisme payeur informe le bailleur de la suspension de l’allocation de logement.
(1) Le décret précise à cet égard les conditions d’habilitation – par un organisme payeur – des organismes chargés de constater l’indécence d’un logement et prévoit l’habilitation automatique pour les organismes déjà agréés pour établir ces constats.
(2) L’allocataire peut bénéficier de l’AL, à titre exceptionnel, pendant une durée de deux ans, alors même que la condition de superficie imposée par la loi n’est pas remplie au moment de la demande.